Pourquoi met on ces limites sans les expliquer ? Par exemple pour l’avortement. Pourquoi choisir un terme de tant ou tant de semaines ?
Le délai de l’avortement est un très bon exemple de ces limites de l’éthique. Pour juger (à titre personnel) si on doit, si on peut, s’il est acceptable d’avorter, on essaie souvent de distinguer ce qui est vivant de ce qui ne l’est pas, ce qui est humain de ce qui ne l’est pas, ce qui est un individu de ce qui ne l’est pas (encore). Si on voulait pousser le vice à faire reposer une réponse sur la science (ce qui ne serait pas inédit ; des thèses discriminatoires ou religieuses par exemple ont déjà essayé de se trouver une telle légitimation), cette science serait de toutes façon bien obligée de reconnaître son incapacité à juger objectivement de la chose. Alors tout le problème devient en fait une question d’opinion, de compromis et d’arbitraire. D’aucuns diront que le stade « gastrula » de développement est la limite acceptable. D’autres diront « neurula ». Mais personne n’a raison. On décide que la grossesse peut être interrompue volontairement jusqu’à X ou Y semaines après la fécondation, parce que cette solution laisse le choix de l’IVG à certaines femmes et que, globalement, l’opinion publique ne se soulèvera pas.
Selon vous, on ne dit pas pourquoi c’est moral ou pas. On dit juste si c’est moral ou pas. Je crois que ce n’est pas même en ces termes que l’on s’exprime. On fixe simplement une mesure, un seuil en deça duquel et au-delà duquel se trouvent des affronts différents. Il n’existe pas de réponse objective.