Nos concitoyens et dirigeants auraient-ils fait l’impasse sur l’histoire de la pensée politique ?
Les affrontements entre factions majoritaires ont offert aux électeurs un spectacle qu’aucun amateur de débats stériles ne saurait bouder.
Le plus aberrant est sans doute le déni permanent d’une possible troisième voie, encore inédite, et pourtant ouverte aujourd’hui par la victoire (puisque c’en est une, assurément - sur un plan symbolique, tout au moins), du candidat UDF, qui triple son score antérieur là où les autres ne font que stagner dans des tendances pluri décennales.
Et pourtant, François Bayrou a bel et bien été élu pour ses idées - non par dépit, n’en déplaise aux plus fervents idéologues, de droite comme de gauche.
Plus précisément, pour avoir osé, en cette campagne, poser la seule véritable question politique qui tienne aujourd’hui ; sommes-nous prêts à accepter le changement tant réclamé ?
Il s’agit, au fond, d’une idée bien antérieure à la quatrième République, ou à la fondation de ce qu’on a appelé, au vingtième siècle, la gauche chrétienne, et qui remonte, en vérité, à l’antiquité grecque - et plus précisément, à Platon. Contrairement à ce que ses adversaires principaux ont voulu faire accroire, cette idée ne relève pas de l’archaïsme, ou de la plus stérile régression, mais incarne bel et bien une tentative unique, inédite, d’élever en France le débat, et ce, au sein même de la classe politique majoritaire - ce qui prouve, une fois n’est pas coutume, disons-le sans exagération, l’inculture benoîte et la démagogie racoleuse sous l’égide desquelles s’est faite cette campagne.
C’est l’idée qu’en cet état de crise profonde de nos institutions, il est nécessaire d’abandonner les querelles de chapelle et les flatteries politiciennes pour retourner à l’essentiel, qui est le bien commun - l’intérêt de tous, bien calculé. Ce qui requiert, d’une part, l’abandon des étiquettes et tendances uniques, souvent manichéennes, et, d’autre part - certains diront par-là même -, l’adoption d’une position médiane, que nous dirons aujourd’hui « centriste ».
Il s’agit au fond, en définitive, de l’opposition entre, d’une part, les sophistes et autres rhéteurs, qui représentent la classe dominante, forte d’un succès médiatique qui leur est dès l’origine acquis, et, d’autre part, un parterre de politiques issus de tendances diverses, se soutenant d’une seule et même volonté, se refusant tout autant à servir les intérêts particuliers qu’à faire des promesses qu’ils ne pourront pas tenir - à la fois pour ne pas se retrouver noyés dans la masse des orateurs qui passent pour leur part le plus clair de leur temps à flatter ; ce par quoi ils se démarquent nettement dès l’abord, mais aussi par pure conscience des difficultés titanesques qui guettent les futurs dirigeants, imposant un devoir de réserve avec lequel on ne saurait transiger, dès lors qu’on aborde les choses sérieusement.
Le point faible, assurément, d’une telle idée, est qu’elle suppose des citoyens responsables, véritablement solidaires - modérés de surcroît, et non uniquement préoccupés du seul devenir de leur classe sociale - chose difficile aujourd’hui, tant les plus favorisés eux-mêmes se plaignent, sans aucun égard pour ceux qui ont davantage de difficultés, souffrant bien souvent d’une précarité extrême et meurtrière.
Il faudra pourtant réformer en profondeur notre société, et regarder en face les innombrables difficultés, qui exigeront un effort et une solidarité encore inédits à ce jour - à vrai dire, jamais abordés.
Je travaille aujourd’hui dans le milieu de l’éducation ; à bac + 5, je touche 950 euros net par mois, et ai pour seules vacances celles que le report de mes heures supplémentaires (officiellement 40h/sem., en vérité bien plus) m’octroie. En-dehors des indemnités consécutives à tout CDD, je ne suis pas salarié durant les périodes de vacances scolaires. Je les mets donc à contribution en tant qu’intérimaire, sur différents sites et à différentes fonctions.
Je ne pense pas, pourtant, être des plus à plaindre ; je m’interroge bien davantage sur les difficultés rencontrées par les autres - notamment ceux qui n’ont pas mon « niveau d’études » (reconnu ou non) et ma relative souplesse, comme mes capacité à me retourner en cas de problème.
Après avoir été littéralement affligé, des années durant, du spectacle offert par la classe politique en notre pays ; après avoir subi maints débats stériles, et vu les camps s’opposer dans un véritable jeu de rôle, je n’ai pourtant pas perdu espoir.
L’avènement Bayrou sonnera un jour la fin des chaises musicales ; je vote pour lui depuis l’origine ; je le soutiendrai bien davantage encore demain, et m’engage dès à présent à œuvrer, sans compromis, à son projet.
Je ne céderai jamais aux démagogues ; je veux croire une France possible, plus digne, plus juste - de toutes mes forces.
Dimanche 6 Mai, je voterai blanc.