Salut Bill,
Je me permets de citer un billet d’un de nos journalistes, que j’aime beaucoup et qui donne un billet de la sorte tous les matin à la radio . Au sujet de l’affaire, il dit :
Je vous parlais hier de cette loi polonaise de lustration à laquelle Bronislaw Geremek avait refusé de se soumettre et puis voilà que, dans la foulée, on apprend que Tadeusz Mazowiecki, le premier des premiers ministres polonais d’après la chute du Mur, a fait pareil il y a quelques jours. Geremek, Mazowiecki ? Ce serait donc toujours les mêmes ? Geremek a 75 ans, Mazowiecki 80. A quel âge exactement arrête-t-on d’être dissident ? Et dites-moi, Sophie, est-ce que les dissidents font des enfants ? Parce que sur les eurodéputés polonais qui sont quand même 54, Geremek est le seul à n’avoir pas signé sa déclaration. Il y a un homme, un poète, dont nous fêtons ces temps-ci les cent ans de la naissance, qui était dans les maquis de Provence pendant la guerre, la même guerre que Geremek passa dans le ghetto de Varsovie, et qui a écrit ceci : « Notre héritage n’est précédé d’aucun testament ». Ce poète, c’est René Char. Il disait aussi : « Pour qu’un héritage soit réellement grand, il faut que la main du défunt ne se voie pas ». Les mains de Geremek et de Mazowiecki sont toujours vivantes, peut-être qu’elles se voient trop et que personne n’ose les saisir ? Qu’elles sont difficiles à prendre, les mains des hommes qui ont pétri l’histoire et qui l’ont empoignée. Mazowiecki et Geremek ont tous deux connu les prisons de la Pologne de Jaruzelski. Ils ne laisseront d’autre héritage que ce devoir de désobéissance auquel nul n’est astreint. Car de quoi peut-on être dissident aujourd’hui, quand nous acceptons un peu plus tous les jours les choses qui nous révoltaient hier ? Et nous qui n’avons pas connu la prison, l’aurions-nous signée, cette loi de lustration ? Nous qui nous habituons à tout et qui nous accoutumons du reste ?
Paul Hermant