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Commentaire de Stéphane

sur Qui se lèvera pour Arcelor ?


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Stéphane (---.---.58.173) 30 janvier 2006 19:08

Merci d’avoir fait un papier à ce sujet qui interpelle à bien des égards et qui soulève autant de questions.

Avant de livrer mon commentaire je tiens a préciser que je ne souhaite pas me livrer à une polémique sur les bienfaits ou méfaits de la globalisation(et par voie de conséquence de "l’hyper-capitalisme).Je constate que ce train est marche et je ne vois pas qui ou comment il s’arrêtera.On peut s’imaginer qu’un jour il ne déraille...( ce qui n’est pas impossible mais c’est un autre histoire)

Pour comprendre ce qui se passe aujourd’hui il faut remonter un peu dans le temps. (Par souci de compréhension je me limiterai à la sidérurgie française)

Jusqu’en 1975 l’histoire de la sidérurgie ressemblait à un long fleuve tranquile et les « Maitres des Forges » se livraient à leurs occupations favorites : golf et chasse.La guerre de Corée et les « trente glorieuses » dopaient la demande et la seule préoccupation des sidérurgistes consistait à « répartir » la production.

Dans les années 60 il y a eu deux investissements majeurs : Le complexe de Fos et celui de Dunkerque.Le premier fut de façon globale un « flop »( je ne m’étendrai pas sur les raisons mais elles sont édifiantes !)le second une réussite. Toutes les autres installations étaient obsolètes.Je me souviens du passage du P.D.G d’Usinor de l’époque(Maurice Borgeaud) à Longwy déclarant de façon tonitruante« de mon vivant l’on ne fermera jamais Longwy ! »( il faut savoir que cette usine était constituée en majorité d’équipements venant d’Allemagne au titre de dommages de guerre...et que son prix de revient était de 20%supérieur à celui de Dunkerque !)Moderniser ? Pourquoi ?Nous gagnons encore de l’argent...

En 1975 est arrivé un premier retournement de marché.

Stupeur et consternation...Comment est ce possible ? Il faut savoir que l’offre sidérurgique est très inélastique et qu’une chute de 2% de la demande peut faire chuter les prix de 30à 40%.C’est ce qui est arrivé. Début du calvaire qui a duré près de dix ans et qui a coûté une fortune aux contribuable. Bien entendu il a fallu fermer entretemps les usines dites« rentables »( dont Longwy)pour freiner l’hémorragie.( au prix de drames humains effroyables)

Vèrs 1987 est intervenu le mariage (forçé) entre Usinor et Sacilor qui a mis plus de dix ans pour être consommé car au sommet le « combat des Chefs » fut épique ! Pour qu’un X-Mines(arrogant) cède la place à un autre X-Mines(tout aussi arrogant) croyez-moi qu’il faut du temps !

Est arrivé la Présidence de Francis Mer.Rendons à César ce qui est à César :si aujourd’hui l’on produit encore de l’acier en France c’est grâce à lui.Il a recentré Usinor sur le coeur de son métier.Si aujourd’hui l’ex Usinor est le maitre incontesté dans l’automobile ( y compris au Japon) c’est en grande partie grâce à sa vision stratégique.( je réponds de suite aux râleurs éventuels que je ne suis pas un pote à lui !) Il ne reste pas moins que le retard accumulé auparavant n’a jamais été récupéré. Avec le recul du temps,l’on peut se demander s’il n’aurait pas du falloir investir dans un train de tôles fortes de grande largueur vu l’explosion de la demande de pipe-lines plutôt qu’acheter Cockerill en Belgique.(Qui de toute façon est condamné à la fermeture)

Je pense que le mariage avec Arbed et Aceralia fut une décision sage en vue de rattraper ce retard.Le mariage s’est globalement bien et rapidement passé et les Luxembougeois ont certainement apporté et de un « plus » au niveau du management et de la rigueur. Mais pendant ce temps là les autres ne sont pas restés inactifs.

Dont Mittal.

Je crois que le « génie » de Mittal peut être résumé en quatre points :
- investissement, dans un premier temps, dans des petites unités( principalement de fil machine)dans des endroits proches de la consommation.
- Vision « globale » qui s’est traduite par des achats massifs( à très bas prix)d’unités(en majorité) dans l’ex USSR.Il a pratiqué la délocalisation à l’envers. Son plus beau « coup » fut sans aucun doute le rachat du complexe de Karmet au Kazakhstan.Je me souviens d’un patron d’Usinor (toujours en poste !)disant :" il faut être Indien pour acheter un tel bidule..." J’ai visité cette usine cinq ans après son rachat et je puis certifier qu’elle tourne comme une Rolex ! Je crois ,qu’aujourd’ui, c’est en partie grâce aux profits du « bidule »qu’il peut se permettre une OPA.
- « mid level management » de très grande qualité. La sidérurgie Européenne souffre toujours d’un grand complexe de supériorité.Le sentiment d’appartenir à une aristocratie.(Le mythe des « maitres de forges »est tenace !)
- Très grande rigueur dans la gestion.

Contrairement à ce que vous affirmez je ne crois pas que Mittal mise sur la Chine. Au contraire il « surfe » sur le niveau de prix engendré par la Chine pour constituer un ensemble capable de résister à la vague Chinoise qui ne manquera pas de déferler lorsque les unités actuellement en construction viendront sous tension.( quatre à cinq ans environ) A ce sujet, les projets en Chine( avec Baosteel) du « dernier baron de la sidérurgie » (Mr.Pachura)dont Arcelor a hérité sont plutôt décevants...

C’est dans cette logique qu’il faut voir l’OPA de Mittal et la « prime »(27%) ne me parait pas déraisonnable.( du reste, la bourse, aujourd’hui s’attend toujours à un prix supérieur)Rien que les synergies remboursent une bonne partie.(sans oublier qu’il ne vendra pas Dofasco à prix coûtant !)

Alors que va-t-il se passer ?

Difficile de prévoir.Ce qui esr certain c’est qu’Arcelor va se battre et faire pression sur les gouvernements respectifs pour donner un coup de main.

Le capital d’Arcelor étant très dilué( et les réserves existantes affectées à l’achat de Dofasco) l’on ne peut envisager que le rachat d’actions par des institutionnels.Mais cela fait quand même beaucoup d’argent !

Deuxième scénario : veto par Bruxelles au nom de la concurrence.Un « remake » de l’affaire Unocal aux EU lorsque les Chinois ont voulu acheter.

Il reste bien entendu le dernier scénario, celui ou les « petits porteurs » prendront leur revanche.

Le grand « financier-requin » Albert Frère a coutume de dire :« petit actionnaire minoritaire=petit c...,grand actionnaire minoritaire= grand c... » Aujourd’hui les petits c... peuvent prendre leur revanche !

Si sur un plan industriel cette OPA me paraît cohérente je ne pense pas qu’elle aboutira car le choc des cultures d’entreprises me parait trop grand et l’Europe ne me parait pas prête pour le grand combat.( dont je ne suis pas un adepte mais qu’avons nous d’autre à proposer ou mieux à imposer ?) En finale l’on ne peut qu’espérer que Mr.Dollé aura compris la leçon ( s’il en réchappe !)donnée par le « petit Indien »...


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