Nicolas Sarkozy : Retour sur la démographie du vote 9 mai 2007Un précédent article sur la répartition des intentions de votes par tranche d’âge a suscité de nombreuses et parfois vives réactions, certains lecteurs nous reprochant de nous être faits l’écho d’un sondage contestable, et d’autres considérant qu’il y avait là une stigmatisation des retraités et du 3ème âge. Retour sur un sujet polémique.
La pertinence des chiffres
Nous avons fait état le 3 mai d’un sondage d’intentions de vote IFOP du 26 et 27 avril, dont les résulats par classe d’âge du vote Royal étaient :
18/24 ans 53% 25/34 ans 54% 35/49 ans 56% 50/64 ans 51% 65 ans et plus 25%
Donnant Sarkozy gagnant, cette étude amenait à la conclusion que le vote massif des retraités en sa faveur pouvait le porter au pouvoir alors même qu’il aurait été minoritaire dans les autres classes d’âge.
L’un de nos lecteurs, M. Bernard B. nous a reproché d’avoir publié ces chiffres car nous dit-il « il se trouve que de tous les sondages que j’ai pu dénicher, celui que vous avez choisi est le seul qui donne cette indication ».
Si les informations dont nous disposons aujourd’hui sont plus fines, ce sondage émanant d’un institut réputé, n’avait à priori aucune raison d’être ignoré, pas plus qu’aucun de ceux qui ont été effectué durant cette campagne.
Même affecté du coefficient de doute raisonnable qu’il faut conserver en présence des sondages, il avait le mérite de rendre clairement lisible l’hypothèse d’un vote trés massif en faveur de Nicolas Sarkozy chez les français les plus âgés.
Et la réalité du vote observé lui a donné raison sur ce point.
Certes, les chiffres publiés par IPSOS, recueillis lors d’un sondage sortie des urnes auprès d’un échantillon de 3000 personnes, donnent des résultats sensiblement différents :
Le vote Sarkozy / Royal par tranche d’âge 18 à 24 ans 42% / 58% 25 à 34 ans 57% / 43% 35 à 44 ans 50% / 50% 45 à 59 ans 45% / 55% 60 à 69 ans 61% / 39% 70 et plus 68% / 32%
en particulier pour la classe d’âge 25-34 ans ou Nicolas Sarkozy a obtenu 57% des votes, ce qui dément la lecture simpliste suggérée par le précédent sondage.
Pour autant, la différence des votes entre la population active et les retraités n’en reste pas moins frappante.
Si dans toutes les classes d’âge, la marge en faveur d’un des deux candidats n’excède pas 8 points, entre 60 et 69 ans ans elle passe à 11 en faveur de Sarkozy et bondit à 18 à partir de 70 ans.
Au delà des écarts inévitables entre les résultats des différentes études, il s’agit bien là d’une tendance lourde, que tous les observateurs constatent.
Pascal Perineau, le directeur du Cevipof analysait ainsi les résultat du premier tour :
« Nicolas Sarkozy est en dessous de sa moyenne nationale chez les 18-24 ans et les 25-34 ans, et il n’atteint son niveau national pour le dépasser que chez les électeurs d’âge mûr, et particulièrement chez les plus de 60 ans.
Mais il faut bien voir que la société française vieillit dans sa structure socio-démographique, un mouvement que la candidat a épousé, parvenant à séduire des pourcentages extrêmement élevés chez les 60-69 ans (41 %) et chez les 70 ans et plus (46 %). » [1]
Stéphane Zumsteeg, directeur du département opinion d’Ipsos, note que Sarkozy a réalisé au premier tour un score impressionnant chez les 60 ans et plus qui se situent traditionnellement à droite, et que « chez les plus de 70 ans par exemple, Chirac récoltait 34% des voix en 2002. Là, Sarkozy fait le plein à plus de 44%. »
Le sondage Ifop du 23 avril indiquait - à tort - que l’élection se jouait au delà de 65 ans. Pourtant, là encore, même si l’imperfection de l’outil est manifeste, la tendance elle, est bien réelle, et le rôle déterminant des électeurs âgés dans la victoire de Nicolas Sarkozy incontestable.
Avec un corps électoral agé de 65 ans et plus de 10 millions d’électeurs, un taux d’abstention de l’ordre de 20%, 15 points de marge en faveur de Nicolas Sarkozy pèsent 1 200 000 voix.
Interrogé par le quotidien 20 minutes, le sociologue Louis Chauvel affirme : « Si on retirait le droit de vote aux plus de 68 ans, Ségolène Royal serait effectivement élue ».
Sus aux seniors ?
Commentant les résultats du sondage de l’IFOP, nous écrivions :
Voila donc une réalité sociologique inattendue. C’est le vieillissement de la population qui tire le corps électoral français vers la droite.
Loin d’être le candidat du travail et des forces vives comme son discours volontariste semble l’affirmer, Nicolas Sarkozy serait en fait celui de l’inquiètude et des peurs ressenties par une population vieillissante, devant une modernité qui la bouscule et qu’elle refuse
Ces propos nous ont été vivement reprochés par M. Jacques G. qui écrit :
« vous réussissez à faire la promo de l’âgisme qui est une des plaies modernes de ce pays.Vous opposez les jeunes qui ont l’esprit ouvert et dynamique, aux vieux qui votent Sarko, réactionnaires et avachis. Vous dénoncez l’intolérance par une intolérance pire encore ».
Faut-il préciser qu’il n’y avait là aucune intention de stigmatiser les seniors, ou de remettre en cause la légitimité de leur choix ?
Il s’agissait simplement d’attirer l’attention sur la distance considérable existant entre le discours du candidat, essentiellement axé sur le travail, et l’écho réel qu’il pouvait rencontrer dans la population.
De fait, ce ne sont evidemment pas les appels à « travailler plus pour gagner plus » ou à « libérer le travail » qui peuvent expliquer le vote des plus de 60 ans.
Il faut chercher leurs motivations ailleurs, dans le désir de protection et d’ordre qui répondent à des peurs et des inquiétudes devant un monde qui change.
Dialoguant le 4 mai avec les lecteurs du Monde, Dominique Reynié, enseignant à l’IEP déclarait :
« un pays qui vieillit démographiquement est un pays à l’intérieur duquel les peurs sont plus nombreuses, plus grandes, la demande de protection est plus forte, le conservatisme est plus affirmé, la demande de repli plus forte. C’est pourquoi on peut considérer que la France s’installe dans une culture de droite ».
De la même façon, le sociologue Louis Chauvel considère que :
« c’est la peur et le sentiment d’insécurité qui ont pris le dessus chez les 12 millions d’inactifs âgés en France. Parmi eux, 70% sont propriétaires d’un bien immobilier dont la valeur a au moins été multipliée par deux, en dix ans. Pour ceux-ci, la retraite est un droit sans contrepartie, un revenu quasiment constitutionnel. Or Nicolas Sarkozy promet une baisse des impôts et une augmentation des revenus du travail. Ceci explique cela ».
Commentant un sondage LH2 sur le vote du premier tour, Le Monde notait : « 83 % de ceux qui ont voté pour le candidat de l’UMP (contre 27 % des royalistes) réclament une société avec plus d’ordre et d’autorité ».
Vive la France, la vieille France, celle qui a oublie son histoire ou qui ne veut pas la voir...
Sur ce je vous laisse et vous donne rendez-vous en Mai 2008 pour feter les 40 ans de Mai 68...
Venez avec des pelles, ca va servir
Gongombre