L’INSEEE avoue enfin avoir sous estimé le solde migratoire
Interview dans le Figaro de ce jour de Michèle TRIBALAT, Directrice de recherche à l’Ined.
LE FIGARO. - La France compte près de 5 millions d’immigrés, soit une hausse de 18% par rapport à 1990. Que vous inspire cette augmentation importante ?
Michèle TRIBALAT. - Je constate que l’Insee revient, bien timidement dans un encadré, sur le recensement de 1999 qui était de très mauvaise qualité. A l’époque, l’Institut avait trouvé un solde migratoire négatif : un résultat hautement improbable... qu’il avait aussitôt corrigé de manière factice pour retomber sur ses pieds. Le problème s’est de nouveau posé en 2004, cette fois en sens inverse, puis en 2005. Ainsi, incapable d’avouer son erreur, l’Insee s’est engagé dans une fuite en avant pour rendre des résultats cohérents en apparence. Mais qui n’ont aucun sens in fine.
En Admettant avoir « sous-estimé le nombre d’immigrés », l’Institut ajoute qu’une publication ultérieure fournira un ordre de grandeur de la correction à apporter...
Enfin ! C’est la première fois qu’il le reconnaît. Mais cette publication sera un document de travail à la diffusion très réduite. Je pense que l’Insee s’est retrouvé face à un dilemme : assumer les données sous-estimées de 1999 ou la croissance très forte de la population immigrée constatée en 2004 et 2005. Finalement, tout cela montre qu’il est impossible de travailler avec des données fiables en France. La vérité est que le solde migratoire - bilan des entrées et sorties d’étrangers et de Français - est parfaitement inconnu puisque seules les entrées d’étrangers le sont à peu près. Il faut absolument inventer de nouveaux outils. C’est la seule garantie pour espérer échapper à la pression politique du moment.
L’étude montre par ailleurs une très forte hausse de la population née en Afrique subsaharienne (+ 45%) mais aussi une augmentation de la part de Français d’origine immigrée.
Toutes ces comparaisons, fondées sur le recensement biaisé de 1999, ne tiennent pas compte de la prudence à laquelle invite l’encadré. L’Insee a enfin reconnu son erreur et annonce qu’il va la corriger, mais il ne va jusqu’au bout de son raisonnement. L’Institut aurait, au moins, pu ajouter un bémol en précisant que des immigrés ont été oubliés en 1999.