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Commentaire de Mango

sur Lettre ouverte au futur ministre de l'Education nationale


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Mango Mango 13 mai 2007 17:36

Article très intéressant.

Les établissements expérimentaux existent également dans l’élémentaire. Dans mon académie, une école (maternelle + primaire) dans un quartier sensible qui abrite une population défavorisée (ZEP), fonctionne depuis 5 ans avec une équipe d’enseignants volontaires qui pratiquent la pédagogie Freinet.

Les observateurs chargés d’évaluer le projet vont commencer à publier les premiers résultats, qui sont plus qu’encourageants : en 5 ans, les élèves de cette école, qui était alors désertée, ont rattrapé le niveau des « hors ZEP » à l’entrée en 6ème, et il y a maintenant des demandes de dérogations de la part des classes moyennes et supérieures, revenues du privé, pour y inscrire leurs rejetons. A la rentrée 2006, ils ont dû refuser des inscriptions !

J’ai personnellement fait la même expérience dans l’institution où je travaille et où la PI-OF (Pédagogie Institutionnelle- Outils Freinet) m’a permis de réconcilier une classe de « sauvageons » (troubles de la conduite et du comportement, troubles de la personnalité) avec l’école.

Alors, me direz -vous , comment se fait- il que notre hiérarchie n’en tire pas les conclusions qui s’imposent ?

Plusieurs raisons à cela :

· Ces pédagogies alternatives sont d’inspiration marxiste (Beurk ! Caca !). · La pédagogie institutionnelle considère que , si les profs ne sont pas, et ne doivent pas être des psychanalystes, la psychanalyse et le Transfer sont présents dans la classe, qu’on le veuille ou non, et qu’il vaut mieux permettre aux enseignants de gérer cet état de fait que de se le prendre en pleine poire. Psychanalyse ! (Re- beurk ! Re-caca !) · Il est faux de dire que l’Education Nationale ne s’est pas penchée sur ces recherches et ces expérimentations. Mais craignant de ne plus pouvoir maîtriser cette énorme machine, notre hiérarchie se contente de piquer çà et là une ou deux pratiques qui, sorties de leur contexte et abusivement « claquées » dans les Instructions Officielles, perdent tout leur sens et leur raison d’être. Ainsi, on a pu lire, je ne sais plus quelle année (il y en a tant eu !), « le texte LIBRE - pratique Freinet - est OBIGATOIRE » ! et tout récemment l’obligation d’instaurer des « Conseils d’enfants », temps d’expression qui n’ont de sens que si l’on y a des choses à se dire ! Or, pour que ces conseils soient constructifs, il faut que les enseignants acceptent de jouer le jeu de la démocratie, acceptent d’associer réellement les élèves à la vie de classe tout en gardant, évidemment, son rôle d’adulte et en étant le garant de la Loi. · Ce que je viens d’évoquer demande une forte remise en question, une bonne dose de confiance en soi, une extrême rigueur, une vigilance constante et un investissement professionnel important. Les enseignants qui choisissent de travailler de cette façon sont plus près des 50 heures que des 18 par semaine, et passent souvent une bonne part de leurs congés en recherches personnelles, formation, élaboration d’outils, échange avec leurs collègues. Pour nombre de jeunes enseignants qui ont choisi l’Ed Nat sans engagement, faute de mieux, pour les vacances et la sécurité de l’emploi , on comprend que ça soit un choc ! On leur a tellement répété qu’ils allaient se la couler douce quand ils seraient fonctionnaires ... Si certains s’intéressent à ces pédagogies et font évoluer leurs pratiques, beaucoup renoncent et retournent « faire bouffer de la fiche » 18 ou 26 heures par semaine, à des élèves qui les insultent ou les frappent en réclamant des flics à l’école pour imposer l’ordre et le respect. C’est pas grave : ils se mettront en maladie. · Comme on va croire que je suis « anti-jeunes », je précise que les pauvres n’ont guère le choix, car s’ils veulent « entrer dans la carrière » dans de bonnes conditions, il convient de plaire à Monsieur l’Inspecteur pour avoir une bonne note et espérer ne pas se voir jeté en pâture dans les établissements des quartiers sinistrés où il ne reste plus que l’école pour représenter l’état. Et Monsieur l’Inspecteur, pas toujours, heureusement, mais souvent, il veut que les programmes soient scrupuleusement respectés et bouclés, qu’il y ait une progression, avec des pré-requis (pour les non-initiés, il est désormais interdit de reconnaître globalement son prénom tant que l’on n’en maîtrise pas la combinatoire- Imaginez les affres du petit « Jean- Alexandre » ! Il va falloir qu’il attende début CE1 et l’étude des sons et syllabes complexes pour avoir le droit de se nommer- Si nous suivions cette logique jusqu’au bout, on afficherait non pas des photos au dessus des casiers des maternelles, mais un nez, une bouche, des yeux, etc...). Bon, j’exagère encore ! Et Monsieur l’Inspecteur n’y peut rien non plus : s’il l’ouvre un peu comme certains ont récemment tenté de le faire, crac, mesure disciplinaire ! Coucou M. l’ Inspecteur... · Enfin les parents d’élèves, angoissés ( parfois à raison lorsque l’enfant est en réelle difficulté, parfois à tort quand il ne s’agit que d’une compétition pour la meilleure note en maths entre Maxime-Louis et Sophie- Charlotte ) par l’avenir de leurs enfants se méfient des expérimentations. Seuls les désespérés qui n’ont plus rien à perdre ou les privilégiés, ceux dont les enfants s’en sortiront toujours quel que soit le modèle pédagogique, y sont généralement favorables. Les autres sont plus traditionnalistes et réclament le retour aux « bonnes vieilles méthodes », coups de règles sur les doigts et bonnet d’âne, sous prétexte que ça a bien marché avec eux, ce qui s’avère faux dans la plupart des cas. Ceux qui réclament le retour à l’autoritarisme n’ont souvent pas fait d ‘études brillantes, se retrouvent dans des emplois précaires et sont les plus angoissés : la boucle est bouclée.

Voilà : quelques observations, quelques pistes de réflexion, quelques critiques et coups de gueule. C’est dommage que cet article ne soit pas plus lu. La politique Pipôl vous souffle la vedette !

Merci à l’auteur.


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