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Commentaire de paskal75

sur « Une légitimité exceptionnelle »


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paskal75 25 mai 2007 01:26

Je trouve que c’est la preuve d’une grave méconnaissance des processus historiques que de mettre tous les problèmes d’une société sur le compte d’un « événement ». Comme si quelques communistes et une poignée de syndicalistes avait pu soulever autant de monde à eux seuls (c’est leur faire beaucoup d’honneur, et c’est étonnant, venant d’un ennemi acharné comme vous semblez l’être), et même, au point de scléroser la société pour des décennies entières. Ne croyez-vous pas que les modifications profondes de la société ont des racines bien plus profondes que l’événement qui les a accélérées ?

Ce qu’on appelle Mai 68, ce n’est pas seulement une date. C’est le mouvement général d’une nouvelle génération qi récusait la vieille morale qui enserrait encore la société. Par ailleurs, ce mouvement a largement dépassé les limites de la France : au contraire, il a existé, certes de façon moins spectaculaire, mais il a existé, dans la plupart des pays occidentaux à l’époque. Entend-on M. Sarkozy dire que Mai 68 a infesté l’Europe entière ? Non, il ne le dira pas, et il aura bien raison car il se ridiculiserait aux yeux de ses voisins. Cela dit, il faut être cohérent ; et s’il l’était, il le dirait... Ce mouvement dépasse aussi le vocabulaire qu’il a souvent utilisé à tort et à travers. Il est tout naturel que l’on évoque les problèmes avec le vocabulaire à la mode du temps. Il nous paraît aujourd’hui ridicule et totalitaire, mais à l’époque, il ne l’était pas : à la Révolution française, tout le monde, de tous bords, parlait de « lois naturelles » et de « liberté », quelque soit l’idée défendue ; Au 19ème siècle, on parlait d’industrie, de progrès et d’harmonie sociale à tout bout de champ, et en Mai 68 on parlait de « forces sociales » et de « gouvernement bourgeois ». Que voulez-vous... c’est le signe des temps, avec ces ridicules et ces caricatures. Mais il ne faut pas se contenter de regarder l’arbre qui cache la forêt, même quand cet arbre est envahissant. Il est vrai que beaucoup de soixante-huitards ont été placés dans diverses administrations, pour les calmer (pour les « acheter » aussi, en quelque sorte) et que parfois ils n’y ont pas fait que du bien (peut-être dans l’Education nationale pr exemple, encore qu’il soit dangereux de généraliser). Mais rejeter en bloc tout 68 ne veut rien dire.

Quant à Pompidou, grand inventeur du dialogue social devant l’Eternel (si l’on vous en croit), il a été quelque peu mis au pied du mur pour cela. Il a été raisonnable d’organiser ces fameux accords de Grenelle, mais ceux-ci n’auraient jamais eu lieu sans le mouvement. D’ailleurs, même des gens de droite comme Giscard ont pris acte de l’évolution de la société. Giscard n’a-t-il pas fait campagne sur sa « modernité », sur le fait qu’il comprenait la jeunesse contrairement aux vieux barons du gaullisme ?

Bien. Laissons de côté la théorie du complot (« judéo-communiste » en l’occurence, dites-vous... et moi qui croyais que ce vocabulaire n’était plus usité depuis Vichy !) et essayons de comprendre l’Histoire comme une évolution permanente. N’essayons pas de la gommer. La Droite disait pendant tout le 19ème siècle qu’il fallait détruire l’héritage désastreux de la Révolution française -se basant sur la Terreur uniquement pour en juger. Le mythe de la Commune sanglante a eu aussi son tour, tout comme le Front Populaire, unique cause, si l’on en croit Pétain (et toute la Droite de l’époque, soit dit en passant), du relâchement moral des Français, et donc de leur défaite en 1940. Le nouvel événement à abattre, la nouvelle mythologie, c’est Mai 68. Elle aussi, semble-t-il, est responsable de la paresse morale des Français, et lui fait perdre d’autres sortes de guerres, des guerres économiques...

Ne voyez-vous pas que la Droite, si « moderne », se sert du même baratin depuis qu’elle existe ? C’est toujours à cause de l’immoralité de la Gauche si tout va mal. Qu’est-ce que ça aurait donné si on n’avait écoutée qu’elle, mon Dieu ! On en serait encore fort loin en arrière.


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