« Comme tous les spécialistes utilisent le même terme »
Là est le hic dans votre commentaire, cher Claude Piron. Je ne sais pas si vous êtes de part votre métier en contact avec le monde de la technique, mais le fait est que dans bien des cas, les « spécialistes » en la matière n’usent pas des mêmes termes. Déjà, d’une langue à l’autre, les notions ne sont pas les mêmes, ce qui est compréhensible, mais dans une même langue, les différences d’expression existent, et elles sont flagrantes.
Prenons par exemple un arbre de sortie de moteur, pour faire simple. Il ne se passe pas une journée sans qu’au lieu d’employer cette terminologie, on ne me sorte « axe de rotation extérieur », « communiquant du mouvement rotatif » ou d’autres approximations du genre. Evidemment, dans ce genre de cas simples, le contexte, un peu de connaissance et un minimum de réfléxion permettent facilement de pallier à ce manque de rigueur extrêmement courant.
Mais quid dès lors qu’il s’agit de notions plus abscones, nécéssitant plus de rigueur ? Ou tout simplement de systèmes plus complexes ? Imaginez le boxon provoqué si par malheur était employé la locution « système compressif » au lieu de, par exemple, « vérins hydrauliques de compression ». Et pour de simples mots dans une phrase, tout peut être modifié. D’où l’importance d’une rigueur à toute épreuve, rigueur qui n’existe pas tout à fait aujourd’hui (à votre avis, pourquoi dans les milieux de l’urbanisme ou de l’éléctronique, on découvre des erreurs monumentales tous les deux ou trois ans ?).
Pour l’absence de catégories grammaticales « drastiquement établies », je vais m’aventurer sur un terrain glissant qui est celui de l’esperanto à proprement parler (enfin justement pas), sujet que, au fond, je connais très peu. Il me semble - arrêtez-moi si je me trompe - qu’en esperanto s’offrent des possibilités quasi-impossibles dans la plupart des langues. Ceci est dû (vous m’excuserez, je pense, le présent à valeur de vérité générale : il est entendu que je n’entend pas grand chose à ce sujet) au fait qu’en esperanto au contraire, par exemple, du français, c’est la notion qui prime sur la fonction. Là où le français est académiste, l’esperanto est empiriste. Le but de l’esperanto en tant que langue à proprement parler est de tout simplement décrire la réalité de faits, et ce sans être obligé de se référer exactement à certaines formes rigides. En français, par exemple, pour rendre compte de la même notion par deux formulations différentes, on pourra par exemple employer un adjectif, un gérondif, une proposition subbordonée, un complément circonstanciel, etc ; il est apparent que selon que l’une ou l’autre forme est employée, il y a de fortes chances que le sens de la phrase change si jamais on ne la modifie pas d’une importante manière. Pour l’esperanto, ce genre de problèmes semble ne pas se poser (notez que je marche sur des oeufs), ce qui facilite l’emploi de formules synonymes.
Pour l’exemple, afin de rendre compte de mon ignorance au sujet de la formation linguistique de l’esperanto, j’ai employé ici trois expressions qui sont : « s’aventurer sur un terrain glissant », « ne rien entendre à » et « marcher sur des oeufs ». Seulement, même si ces trois expressions ont le même rôle, sémantiquement leurs sens sont assez différents. « S’aventurer sur un terrain glissant » signifie en gros s’attacher à aborder dans un argumentaire (ou une discussion quelconque) un domaine peu ou mal connu du locuteur. « Ne rien entendre à » met clairement en avant l’ignorance du locuteur au sujet de ce dont il parle. « Marcher sur des oeufs », dans ce contexte (car en plus le contexte est très important en sémantique !), en plus de la notion d’ignorance du sujet, ajoute la notion de prudence à un degré bien plus élevé et remarquable que « s’aventurer en terrain glissant ».
En esperanto existe surement profusion de locutions pouvant se construire dans une même phrase et ayant le même rôle, à défaut du même sens exact, même si elles n’ont pas la même fonction.
Voila, ça, c’est fait.
Sinon, mon appréciation personelle selon laquelle l’inexistence d’une langue « purement » technique (pas servant exclusivement technique... n’importe quelle langue peut servir pour n’importe quel contexte, y compris des langages comme les mathématiques, mais certaines - comme ces mêmes mathématiques - sont principalement et initialement destinées à certains domaines) est regrettable vient du constat que dans le monde de la technique (d’un point de vue mondial, donc), le fossé de l’incompréhension est bien grand (ce à quoi les esperantistes pur jus objecteront que c’est pareil dans tous les domaines). Or, il faut savoir une chose : c’est que près de la moitié des échanges entre pays se font dans des buts de coopération technique, avec les désagréments et les imprécisions que l’on sait. Certes, la mondialisation a permit l’alignement de l’éssentiel du monde sur certaines conventions d’expression, de notation, de quantification et de qualification, mais les imprécisions entraînant des désagréments allant du requalibrage d’une machine-outil à la mise au rebus de l’intégralité d’une série technologique d’un produit (et même certaines conscéquences plus graves encore) sont foison ; pour les observer, il suffit de savoir ouvrir les yeux, pour peu que l’on soit du milieu, ou de chercher le pourquoi des problèmes anoncés de telle ou telle société basée sur des produits technologiques ou nécéssitant force technologie. Donc à mon avis, le langage mathématique mondialisé ne suffisant pas à assurer la pleine efficacité du monde technique (d’ailleurs, le fait qu’il y ai plus de phrases en une langue nationale ou une autre que de formules mathématiques sur un dossier technique - même destiné aux plus grands professionnels - démontre les limites des langages mathématiques et la nécéssité d’exprimer des notions concrètes par des phrases articulées d’une manière logiquement justifiée), et les autres langues existantes ne compensant qu’imperfectement ce manque, un langage précisément technique est - sinon nécéssaire - du moins souhaitable.
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