Pour ajouter mon grain de sel... Je suis le premier à déplorer la disparition ou la dénaturation du bistrot, mais soyons justes :
- le passage du formica, pub anglais pour aboutir aux concepts ’lounge’ voire aux ’outlets’ Starbuck c’est triste si on n’aime pas ce type de décor, mais au moins ça reste un endroit où on boit du café et où on ne vend pas de fringues ou des téléphones portables. De tout temps à jamais les bistrots ont épousé de nouvelles modes. Parfois, c’est un tupéfiant retour aux oigines : je pense en particulier au Starbucks du boulevard des Capucines qui a retrouvé dans sa déco intérieure la splendeur du Café Julien (où Oscar Wilde invitait ses protégés) après des décennies où ce lieu accueillait le tourisme italien.
Les Chinois ne sont pas à incriminer - au contraire, ils sont nombreux maintenant à acheter des cafés et à les garder tels quels, avec juste une pointe d’exotisme parfois, plutôt que d’ouvrir un énième traiteur. En cela ce sont bien les successeurs des bougnats d’antan.
Le point noir c’est, de toute façon, l’envahissement de ces espaces de sociabilité partagée par les téléphones portables, laptops, MP3 et tout autre gadget qui enferme l’individu dans une bulle rien qu’avec sa ’tribu’.Sans parler de la prolifération d’écrans muraux disséminant à longueur de temps abrutissements sportifs et publicitaires. Mais là c’est un problème de société générale, qui ne se limite pas aux bistrots.
Le bistrot souffrait avant tout du prix de ses prestations - comme on l’a noté ci-dessus, faire payer le sandwich-demi-café le même prix qu’un repas de petit restau, c’est se condamner à la faillite. Et cela ne date pas d’hier. Je me souviendrais toujours de la première fois qu’enfant, au début des années 70, j’ai voulu commander une tarte aux fraises-Perrier à la terrasse d’un café Place St-Ferdinand dans le 17ème : la patronne est allée touot bonnement quérir la tartelette à la boulangerie d’en-face, et me l’a facturé au double. Sans parler de l’eau minérale, plus chère, comme vous le savez, qu’un ballon de rouge.
Un dernier point - il existe bien des cafés aux USA, mais il faut les chercher à New York, au Village précisément. Mention spéciale pour le Café Reggio et l’Esperanto Café dans MacDougall Street : décor sympa, prix très raisonnables, jolies étudiantes à foison. Et ce sont des établissements vénérables : le Reggio a 80 ans, l’Esperanto était autrefois le ’Kettle of Fish’ fréquenté par Kerouac. Mais les grincheux déploreront qu’en ces lieux on ne fume plus et on ne boit plus d’alcool (pour ça, reportez vous à la Minetta Tavern, dans la même rue, décor garanti d’origine et Jack Daniel à pas plus de cinq ’bucks’)...