En Colombie, une partie importante de la population vit quotidiennement la peur au ventre. La guerre à la drogue, la guerre aux pauvres, la guerre des paramilitaires, de la criminalité organisée, celle des FARC, la violence des grands propriétaires terriens ou des exploitants des mines d’émeraudes (parfois ce sont les mêmes), perpétuent une tradition de férocité où la vie (surtout celle des humbles) n’est pas grand-chose. Le président Uribe, triomphalement réélu dernièrement est un ultra néo-conservateur, aussi bien au niveau économique qu’au niveau politique. L’opposition, elle, peine à exister.
Comme soulignait l’économiste Francisco Thoumi, ce pays est en « régression structurelle ». Cela concerne l’économie, les médias, l’action sociale, la privatisation de la violence, ou la nature financière (souvent douteuse) des investissements étrangers.
Le fameux « jeu à trois bandes » entre le gouvernement, les paramilitaires et les FARC, -qui cache mal la connivence entre les deux premiers- est financé par la cocaïne, ce qui a permis, entre autres, à dépasser plusieurs seuils de violence en faisant partout dans le monde le bonheur des marchands d’armes.
Les enlèvements, en tant qu’industrie lucrative, comme discours politique ou comme pression diplomatique ont pris le dessus sur les rapports de force politiques et sociaux nécessaires à toute démocratie. Ils sont le miroir d’une société qui ne conçoit plus pour toute solution qu’un rapport de force qui présuppose que l’on s’octroie le droit de la vie ou de la mort, non seulement de l’adversaire mais de toute personne, même étrangère au conflit.
Certes, il faut tout faire pour mettre un terme à la captivité d’Ingrid Betancourt. Et comme l’a maintes fois souligné sa propre famille, ne pas s’arrêter en si bon chemin et libérer les centaines d’otages qui croupissent dans les campements de fortune en pleine jungle mais aussi dans les geôles d’Etat ou privées. Il faut « exporter » les habitudes colombiennes, introduire des seuils de rapports de force élevés entre la communauté internationale et le gouvernement colombien. Il faut enfin faire comprendre à son grand protecteur, les Etats-Unis, que le gouvernement colombien n’a rien à désirer à tous ceux que Washington désigne comme des « pays voyous ».