Je débarque tardivement dans un débat que mérite l’article, bien développé. Il avance un trait combatif et produit une synthèse formelle, insistant sur les heurts qui ont entouré l’accès à cette loi de 1905.
Pour Luc Ferry, auteur de la loi sur le voile de 2002, la profondeur de l’inspiration laïque permettait d’apaiser des tensions communautaires, au lieu de dominer ces tensions par le principe, en imposant des limites à ces communautés. J’ose avancer, hélas doublement, que la tolérance est un horizon qui reste à atteindre, tellement la société et les gens ont reculé pour tolérer plus, et avancé en tolérant moins.
Je ne crois pas là, déformer votre position, contraire : « la liberté de conscience exclut toute contrainte sur la conscience des êtres et n’est pas la simple tolérance, qui crée un rapport d’inégalité ».
Or, le rapport d’inégalité est crée positivement par la laïcité vis-à-vis des habitudes anciennes. La laïcité s’impose en Civilisation urbaine, après qu’elle ait été déiste et révolutionnaire, puis confirmée au fur et à mesure de l’extension industrielle des manufactures.
Les façons de penser, les rituels qui lient l’individu isolé au sein d’appartenance, marquent des structures sociales. Ce sont quasiment des automatismes de pensée. Le mode traditionnel et marchand n’accède pas à une organisation de rapports sociaux basée sur une extrémité individualisée : cette élaboration culturelle, constatée par de nombreux signes, est l’ensemble vide, vu par une personne « d’une autre culture » qui ne voit qu’un autre mode de liaison : le sien, et par différence. Cela lui permet, surtout de s’adapter et de constituer un domaine discursif dans la langue du pays d’accueil. La laïcité et les Droits de l’homme n’appartiennent qu’à la Civilisation Occidentale. La laïcité est européenne et n’est pas fondatrice de la version américanisée.
Ce moment de laïcité est acquis à travers l’évolution matérielle qu’engage le Progrès du vingtième siècle. Le progrès a consisté à étendre une classe moyenne, et cette tendance a été encore plus forte que les nationalismes, puisqu’elle s’est étendue jusqu’aux années 1980. Jusqu’en 1980, le pronostic marxien de paupérisation par extension du capitalisme était clairement complètement faux.
Et soudain, conformément aux sociétés plus anciennes, les sociétés les plus modernes et les plus puissamment armées, sont structurées comme les sociétés antiques où l’esclavage régnait, éloigné des horizons de démocratie de quelque forme intuitive qu’ils puissent être fantasmés (Iran des étudiants, Tibet, Burkina Fasso), et les guerres sont souvent des génocides travestis.
La laïcité représentait un atout formidable dans le cadre d’une société ouverte et engagée dans le progrès. Elle se maintient comme le trait d’union du passé et de l’avenir. La laïcité est le véritable obstacle à l’adaptation sociale à l’économie et la géopolitique du 21ième siècle. Même si la démocratie a longtemps voulu son avènement, la démocratie, maintenant, a perdu le sens de refléter le choix de vote de l’isoloir, basé en votre théorie, sur un examen de conscience libre. A ce moment règne plutôt sur la conscience des êtres, les attaches partisanes. Marcel Gauchet, à la veille du premier tour des récentes élections présidentielles, avait fort bien noté que Bayrou, après Barre et Balladur, ne serait pas choisi parce qu’il n’était pas amené et intronisé par un parti tout entier. La dernière semaine de campagne a vu les rangs se former. Ce même Bayrou, proposait à l’électeur de rénover la démocratie, de sortir de la comédie bipolaire, le réveil de la petite initiative et entreprise, du local, bref, tout le distinguait de ses adversaires sur le plan de l’approche démocratique et de la place de l’individu. La réaction, je la trouvais socialiste : on ne voulait surtout pas se voir en train de dérouler le tapis rouge à Nicolas Sarkozy. C’était franchement de la conscience barrée.