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Commentaire de GRL

sur Un mal trop présent dans notre société : l'anorexie


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GRL GRL 19 juin 2007 15:05

Salut à toi Orely.

Allez , j’ose un contournement de la problématique médicale pure, pour essayer de parler de l’ancrage social d’un tel phénomène. Tout d’abord , j’ai déjà pu croiser une femme anorexique , et celà est vrai , il y a quelque chose de glaçant à la vue d’un corps décharné. Et je n’irai pas chercher midi à quatorze heures , ce qui est glaçant , c’est que le corps en question évoque tout simplement la mort. Et de plus lorsque ce corps se meut devant toi , lorsque tu devines clairement toute la mécanique osseuse d’un bassin , d’un squelette , lorsque les veines deviennent saillantes , tu as vraiment une impression d’irréel et de macabre. « Comment fait elle ? » sous entendu , ... pour vivre .

Alors suis moi un instant , on prend l’avion , et go pour l’Afrique de l’ouest. Tu as une amie anorexique que tu voudrais aider , c’est elle que tu dois emmener, alors j’ose te dire celà, payez vous un voyage et déboulez en Cote d’Ivoire, ou au Mali par exemple. Les gens y sont si accueillants mais les critères de beauté y sont inversés par rapport à l’Europe.

A mon avis tout est là , faire toucher du doigt nos différences à une personne souffrante qui se protege avec un argumentaire social , d’une spirale psychique puis corporelle qui peut malheureusement entrainer la mort. Cà vaut bien un voyage. Mais précisons.

Alors , que la femme Européenne rencontre la femme Malienne . Qu’elles nouent amitié , qu’elles parlent un peu des hommes , qui là bas aiment les femmes rondes , et plus précisément , où la poitrine n’est pas un critère de beauté car elle est liée à la maternité , et donc fonctionnellement dédiée aux enfants , mais où le ventre et les fesses rebondies font tourner la têtes aux plus beaux gars , ...

Passer un peu de temps avec l’autre , pour tenter de déraciner l’ancrage social d’un problème typiquement occidental , et completement paradoxal pour une Africaine. Laisser s’exprimer les paradoxes dans le dialogue entre femmes. Sur cet autre continent, si tu es maigre, c’est que tu ne manges pas ... jusque là , c’est pareil que chez nous , mais si tu ne manges pas , c’est que tu es pauvre et que tu ne peux pas. Et c’est ici que l’échange peut etre libérateur. Au plus tu te rapproches de la survie, au plus les formes sont joie et générosité. Alors il faut peut etre aller la toucher du doigt , cette survie , parler avec ceux et celles qui ont su s’y adapter depuis tres longtemps.

En occident , le problème est dans la bonne/mal/bouffe. Les gros sont ceux qui se négligent ou qui bouffent de la nourriture « populaire » ( hamburger coca , le fameux duo ) toute leur vie. Et dans le continent du contraire , on ne s’interesse même pas aux fruits et légumes , même si il y en a , parce qu’avec le peu d’argent que l’on possede , n’est valorisé que le consistant , le protidique , le calorique , le riz et la viande.

Un lien, Orely , avec le « manger pour vivre » est une experience que je tenterai volontiers si j’avais par exemple , une amie anorexique. Un échange, loin de chez nous, loin des lobbies et de la propagande, loin du regard des modistes , des hommes qui aiment les femmes lorsqu’elles ont des physiques d’enfant, loin de nos civilisations dans lesquelles, on ne veut plus grandir, dans lesquelles une femme refuse jusqu’à la mort de ressembler un jour ... à sa mère. Ces femmes anorexiques , sont entre vie et mort et paradoxalement , ce sont aussi des « immortelles » , leur rapport au temps est faussé , elles refusent de vieillir, elles n’acceptent pas que les années glissent sur elles , creusant les petits sillons , les petites signatures temporelles qui comme l’aspect de nos mains , nous racontent à l’autre , parfois mieux que par de longs discours.

Alors une expérience , en avant pour les pays ou le temps est une philosophie , où sans patience , où sans épouser le temps , la mort devient certaine. Regarder le corps d’une femme là bas , y voir la musculature , y voir l’absolue nécessité de développer un corps puissant, et ne pas douter , parce que rien là bas ne laisse la place au doute de l’utilité de son corps, dans les rues de terre et de poussiere , sous la chaleur écrasante.

Renouer avec la faim , dans un endroit où elle ne peut etre jugée , et y partager le plus précieux , un repas , et peut etre , recommencer à sourire... Renouer à soi ses racines humaines, pacifier avec le temps, et peut etre tenter de guérir.

Bien pour toi , GRL


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