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Commentaire de Dominique Bied

sur L'hydrogène, Zorro du climat et de l'énergie ?


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Dominique Bied (---.---.89.36) 1er septembre 2006 21:56

Vous avez tout à fait raison. Mais cet article n’est pas à proprement parler sur le réchauffement climatique. Il est destiné à montrer que face à un problème d’écosystème il ne faut pas réagir avec des solutions techniques, mais d’abord en réfléchissant sur l’organisation de modes de vie sobres en énergie fossile (déplacements, chauffage). Par exemple, sur l’énergie, à Fribourg en Brisgau, on fait des maisons à 15kwh par mètre carré et par an, alors qu’en moyenne en France, nous sommes à 10 fois plus. Les solutions techniques viennent compléter pour rendre plus efficaces ces organisations. Il est destiné à dire qu’il est illusoire de croire dans un miracle technologique comme la pile à combustible. De plus, les chiffres de la fédération des industries automobiles montrent que le parc entier de véhicules ne se renouvelle que tous les 20 ans, avec une durée de vie moyenne des voitures de 8 ans, en augmentation en ce moment pour des raisons de solvabilité évidentes. Une innovation technologique est très lente à pénétrer sur l’ensemble d’un marché.

Pour revenir au climat, vous avez raison, tout est histoire de temps de cycle et de constante de temps. Le problème connu aujourd’hui est le suivant : il y a corrélation entre l’augmentation de la température moyenne de la planète (j’insiste sur la moyenne) et la concentration de carbone dans l’atmosphère. Cette corrélation, quantifiée aujourd’hui par les modèles climatiques, avait été intuitée à la fin du 19ème siècle par Arrhénius, ce qui montre la pauvreté de notre réactivité scientifique et politique sur les questions d’environnement. L’alternance des cycles glaciaires et interglaciaires, dûe à l’horlogerie de la terre par rapport au soleil, fait varier cette concentration de 180 à 280ppm. La concentration actuelle est de 380ppm et continue d’augmenter. Les 100ppm supplémentaires sont dûs à la combustion des énergies fossiles due à l’activité humaine. Les principaux gaz à effet de serre sont le gaz carbonique, le méthane, le protoxyde d’azote, l’ozone en haute atmosphère. Le dioxyde d’azote émis par les avions dans la haute atmosphère génèrent aussi de l’ozone dans la haute atmosphère et apporte des inquiétudes supplémentaires, mais je n’ai pas les chiffres et les facteurs d’amplification. La répartition des facteurs d’émission, pour faire court et en ordre de grandeur, est 1/4 le transport avec le gaz carbonique CO2, 1/4 l’agriculture avec le méthane CH4, 1/4 le chauffage, 1/4 l’industrie, en particulier les centrales électriques à charbon au niveau mondial. L’humanité entière émet 7 milliards de tonnes de carbone par an alors que la capacité d’absorption de la planète est de 4. L’absorption se fait par la végatation (photosyntèse) et les océans (pompe physique par les courants, chimique par dissolution du CO2 et biologique par absorption par le phytoplancton). Récemment, les scientifiques travaillant en Alaska ont mis en évidence le relarguage du méthane situé sous les terres gelées de l’arctique (voir le site www.uspermafrost.org). Ce méthane se présente sous la forme d’hydrates de gaz appelés clathrates et s’est formé par la décomposition de végétation dans des milieux humides non oxygénés. On estime le stock à 450 milliards de tonnes environ, mais les carottages ne sont pas encore assez précis. On voit bien que si une petite partie de ce stock dégaze dans l’atmosphère, un phénomène d’emballement (boucle de rétroaction positive) se produira, rendant alors les bouleversements climatiques gigantesques et notre adaptation très difficile. Ce dégazage a déjà commencé avec la fonte du permafrost. Il existe aussi des hydrates de gaz dans l’océan profond, que l’on estime à 10 000 milliards de tonnes, et qui retourneront à l’atmosphère plus vite que prévu si la pompe à carbone physique que constitue les courants se grippe. Mais la constante de temps de ce phénomène sera beaucoup plus longue que celle des hydrates de gaz sous les terres arctiques. Le relarguage du méthane des terres arctiques a déjà commencé. Les pétroliers commencent à regarder s’ils ne peuvent pas l’exploiter, mais ils sont eux-même sur la réserve à cause des effets potentiels sur le climat. Il faut savoir aussi que le méthane, en concentration plus faible que le dioxyde de carbone dans la haute atmosphère, a un facteur d’amplification de plus de 20 par rapport au CO2. Il faut suivre cette question de très près. Les politiques sont très loin de prendre les mesures règlementaires et fiscales qui s’imposent. Pourtant, le principe de précaution est dans la constitution.

Maintenant, pourquoi décarboner l’économie ? C’est surtout pour des questions de société. Dans quelle société voulons-nous vivre ? Il est, à mon avis, indispensable de réduire les émissions de gaz à effet de serre pour ne pas rentrer dans cette phase d’emballement. Cela accélèrerait les bouleversements climatiques et diminuerait notre capacité d’adaptation. Il est indispensable de ralentir le phénomène car effectivement, il est aujourd’hui ineluctable (je parle là du réchauffement). Cela nous donne un objectif chiffré à atteindre de 500 kg par personne lorsque la planète atteindra 8 milliards d’individus. Nous serons alors à l’équilibre émission-puits carbone avec 4 milliards de tonnes, si nous n’avons pas d’effet d’emballement avec les clathrates.

Pour vous donner un ordre de grandeur, une voiture émet 2 tonnes par an. Cela vous donne la marche qu’il faut sauter et le challenge qui nous attend.

Ceci dit, on peut toujours ne rien faire et laisser une planète aux quelques riches qui auront les moyens de s’adapter. Mais est-ce que c’est cela que nous voulons ? Comme le disais Corinne Lepage devant les verts aux universités d’été, le socialisme a amélioré le sort de la classe ouvrière au 20 ème siècle par rapport au 19ème siècle. Le 21ème siècle est le défi de la gestion de la planète. C’est un véritable enjeu social et humanitaire. Le capitalisme et le concept de libre entreprise aura été facteur de régression et non de progrès comme l’annonçait ses initiateurs si nous ne prenons pas en compte cette question. Le libéralisme n’aura pas été le système le plus efficace, mais nous ne serons plus là pour le voir.


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