D’ailleurs Chomsky lui-même (mais vous ne l’avez pas lu) ne se qualifie pas lui-même « d’anarcho-syndicaliste », c’est une étiquette que ses détracteurs - dont vous - l’affublent pour tenter de le discréditer (technique très utilisée par ceux qui veulent avoir raison sans argument - Shopenhauer, déjà cité).
"Noam Chomsky est sans doute l’intellectuel contemporain le plus célèbre au monde et le moins connu en France. On l’entendra sur France Inter pour la première fois dans une série d’entretiens exceptionnels avec Daniel Mermet et Giv Anquetil.
La propagande dans les sociétés démocratiques, le terrorisme dans le monde, la politique extérieure des Etats-Unis, le mouvement altermondialiste, sont quelques-uns des thèmes abordés, ainsi que les limites de la liberté d’expression en France et aux Etats-Unis.
D’autres chercheurs comme Normand Baillargeon à Montréal, Jean Bricmont à Bruxelles, ou Michael Albert à Cap Cod, tous proches de l’esprit de Chomsky, apportent leur contribution.
A l’heure où les turbulences électorales suscitent espérances, débats et remises en causes, cette série exceptionnelle d’entretiens veut « faire entendre une autre manière de voir » au moment où la course au profit l’emporte sur la vie, celle des hommes et celle de leur planète.
Théoricien du langage, né à Philadelphie en 1928, Noam Chomsky a révolutionné la linguistique avec la « grammaire générative ». Il est aussi un analyste politique engagé dans toutes les luttes politiques depuis des décennies. Ses analyses claires et rationnelles des mécanismes idéologiques de nos sociétés constituent une ressource fondamentale pour la pensée critique actuelle.
Auteur de dizaine de livres, de milliers d’interventions et d’ articles, qui font de lui l’auteur le plus cité dans le monde, « l’intellectuel planétaire le plus populaire » comme l’affirme Alain Finkielkraut, est beaucoup moins connu en France. En consultant par exemple les archives de Radio France depuis 40 ans, le nom de Chomsky n’apparaît que cinq fois pour de brèves interventions sur France Culture dans les années 70. Jamais il n’a été entendu sur France Inter. A quoi tient ce passage sous silence ? Même si depuis quelques années ses ouvrages sont passionnément suivis par un jeune public français, une série de penseurs médiatiques s’acharne à entretenir le soupçon. Chomsky aurait eu des complaisances avec l’historien négationniste Robert Faurisson, tout comme envers Pol Pot et les génocidaires cambodgiens. Dans ses analyses des structures de l’information comme de la politique étrangère américaine, Chomsky ne serait qu’un paranoïaque archaïque inventant une fantasmatique « théorie du complot ».
Malgré les inlassables réponses de Chomsky à ses « détracteurs parisiens » depuis presque trente ans, rien n’y fait. La toute récente publication d’une étude très complète sur Chomsky par les cahiers de l’Herne (*), avec des documents complets et précis qui démontent toutes les accusations, n’a eu aucun écho dans les médias français.
Mais si nos penseurs se contentent de le disqualifier et de l’occulter sans argumenter, après tout rien d’étonnant. C’est précisément les mécanismes idéologiques qui structurent l’ordre du monde présent que Noam Chomsky ne cesse de mettre à nu en décryptant les non-dits et les manipulations du discours ambiant. Car c’est le contrôle de la pensée dans les sociétés démocratiques, qu’il s’attache à dévoiler. Ainsi à l’issue d’une conférence une étudiante interpelle Chomsky : « J’aimerai savoir comment l’élite contrôle les médias ? Comment contrôle-t-elle General Motors ? L’élite n’a pas à contrôler Général Motors. Ça lui appartient »
« Par le pouvoir, l’étendue, l’originalité et l’influence de sa pensée, Noam Chomsky est peut-être l’intellectuel vivant le plus important » Cette phrase extraite d’un article du New York Times, figurait sur la couverture d’un de ses livres. « Mais attention dit Chomsky, dans le texte original elle est suivi de ceci : « Si tel est le cas, comment peut-il écrire des choses aussi terribles sur la politique étrangère américaine ». On ne cite jamais cette partie. Alors qu’en fait, s’il n’y avait pas cette deuxième phrase, je commencerai à penser sérieusement que je fais fausse route. »
Voilà bien longtemps que la petite équipe de Là-bas espérait rencontrer Noam Chomsky. A presque 80 ans, il travaille une centaine d’heures par semaine, entre livres, articles, interventions publiques et échanges avec des centaines de correspondants à travers le monde. S’il répond à toutes les sollicitations son emploi du temps est minuté plusieurs mois à l’avance. Il accueille les visiteurs dans son bureau du MIT. Au mur un grand portait de Bertrand Russel et une poupée de chiffon du Chiapas figurant le Sous-Commandant Marcos.
« Je n’essaie pas de convaincre mais d’informer. Je ne veux pas amener les gens à me croire, pas plus que je ne voudrais qu’ils suivent la ligne du parti, ce que je dénonce - autorités universitaires, médias, propagandistes avoués de l’Etat, ou autres. Par la parole comme par l’écrit, j’essaie de montrer ce que je crois être vrai, que si l’on veut y mettre un peu du sien et se servir de son intelligence, l’on peut en apprendre beaucoup sur ce que nous cache le monde politique et social. J’ai le sentiment d’avoir accompli quelque chose si les gens ont envie de relever ce défi et d’apprendre par eux-mêmes »
On s’en doute Chomsky n’est pas seul. Tout un monde d’activistes, de chercheurs, de journalistes, ou de citoyens engagés se retrouvent dans sa manière de poser les problèmes sociopolitiques. Ainsi à Montréal nous rencontrons Normand Baillargeon, professeur en sciences de l’éducation et auteur d’un « Petit cours d’autodéfense intellectuelle » avec des dessins de Charb. A Bruxelles, Jean Bricmont, professeur de physique théorique à l’Université catholique de Louvain auteur de « A l’ombre des Lumières », avec Regis Debray (Odile Jacob, 2003) et « Impérialisme Humanitaire » (Aden, 2005). A Cap Cod, Michael Albert, rescapé de l’immense bouillonnement des années 60, animateur du réseau Z Net (**) et concepteur du « participalisme », une de ces vastes utopies comme on ose plus (ou pas encore) en concevoir.
« Le pouvoir nous veut triste », disait Gilles Deleuze. La dernière question porte sur le progrès et ce que nous pouvons espérer changer. « Le progrès dans les affaires humaines est un peu comme l’alpinisme, répond Noam Chomsky, vous voyez un sommet, vous peinez à y monter et soudain vous découvrez que plus loin se trouvent d’autres pics que vous n’aviez peut-être pas imaginés ».
Là-bas, mai 2007"