Déclaration commune de quatre grandes associations d’enseignants-chercheurs en sciences humaines et sociales à propos de l’autonomie des universités
ASSOCIATION DES SOCIOLOGUES ENSEIGNANTS DU SUPÉRIEUR (ASES), ASSOCIATION FRANÇAISE DE SOCIOLOGIE (AFS), ASSOCIATION DES ENSEIGNANTS ET CHERCHEURS EN SCIENCES DE L’EDUCATION (AECSE) ET SOCIÉTÉ FRANÇAISE DES SCIENCES DE L’INFORMATION ET COMMUNICATION (SFSIC)
DECLARATION COMMUNE A PROPOS DE L’AUTONOMIE DES UNIVERSITES
L’université française a certainement besoin d’être réformée et surtout d’être sortie de la misère dans laquelle elle est maintenue depuis des années, ainsi que des inégalités qui, en matière d’attribution de moyens, séparent la petite élite des grandes écoles de la masse des étudiants.
La solution est-elle pour autant dans l’autonomie, affichée comme une panacée et que le gouvernement entend mettre en place à marche forcée, sans concertation sérieuse avec les organisations syndicales et moins encore avec les organisations professionnelles et les sociétés savantes d’enseignants chercheurs ? Il convient d’attirer l’attention sur les risques extrêmement sérieux que comporte l’autonomisation des universités, si elle est conduite sans réflexion suffisante : relèvement général des droits d’inscription, accroissement des inégalités entre universités et aggravation par voie de conséquence à la fois des inégalités entre régions et de l’inégalité des chances scolaires, possibilité de multiplication de spécialisations locales sclérosantes pour les diplômés, renforcement du localisme, développement du clientélisme et de l’arbitraire dans la gestion des enseignants-chercheurs (avec la porte ouverte aux pressions économiques ou politiques plus directement exercées sur les enseignants-chercheurs par les présidents ou les conseils d’administration), affaiblissement ou suppression des instances nationales et paritaires d’évaluation et de gestion des carrières, destruction de fait des règles statutaires assurant l’indépendance intellectuelle et scientifique des enseignants-chercheurs.
Quelles précautions ont été prises, quelles garanties existe-t-il pour que ces dangers soient écartés ? Quels moyens seront réellement donnés ? L’autonomie signifiera-t-elle autre chose qu’une gestion assouplie de la pénurie et une diminution de l’aide des différents niveaux de l’Etat ?
Il est fait appel, pour justifier les intentions du gouvernement, à l’exemple de pays voisins, mais s’est-on assuré que cette imitation n’aura pas des conséquences néfastes si on transpose hâtivement dans un cadre particulier, tel que la France, des modèles qui sont bâtis sur d’autres traditions et d’autres bases démographiques ?
A l’heure actuelle, la démarche autoritaire, opaque et précipitée du gouvernement ne peut que susciter les plus vives inquiétudes. Si le but de la réforme est d’améliorer le fonctionnement de l’université et la formation des étudiants, pourquoi ne pas la réaliser dans la concertation avec les premiers concernés : les étudiants eux-mêmes et les enseignants ?
L’Association des sociologues enseignants du supérieur (ASES), l’Association française de sociologie (AFS), l’Association des Enseignants et Chercheurs en Sciences de l’Education (AECSE) et la Société Française des sciences de l’Information et Communication (SFSIC) appellent le gouvernement à adopter une méthode de changement plus démocratique et plus respectueuse de l’ensemble des personnes concernées : étudiants, enseignants et chercheurs, personnels administratifs et techniques de l’université. Elles invitent les enseignants-chercheurs et les étudiants à la vigilance et proposent dès à présent de poursuivre le débat pour une réforme qui donne vraiment toutes leurs chances aux universités françaises afin qu’elles deviennent plus performantes, dans le respect des valeurs démocratiques.
Dan Ferrand-Bechmann, Présidente de l’Association Française de Sociologie (AFS), Charles Gadea, Président de l’Association des Sociologues Enseignants du Supérieur (ASES), Brigitte Albero, Jean Marie Barbier, Présidents de l’Association des Enseignants et Chercheurs en Sciences de l’Education (AECSE), Gino Gramaccia, président de la Société Française des Sciences de l’Information et Communication (SFSIC).