à Seb59 ,
Une mixité sociale existait à l’origine. Coiffeurs, professeurs, médecins habitaient sur place. Ce microcosme explosa avec la montée du chômage et de la paupérisation. A peine les opérations terminées, le premier choc pétrolier de 73 entraîna une mutation et un report des emplois de l’industrie vers les services. Ceux qui le purent partirent et les « captifs » (étrangers, gens en grande pauvreté issus de l’immigration qui possèdèrent mal la langue) se retrouvérent ghettoïsés et marginalisés.
Les quartiers de la Reconstruction et des Trente Glorieuses résultèrent de la production d’un « stock » de logements« pour accueillir une grande quantité de main-d’oeuvre. L’architecture et le »confort« furent traités mais la question de la »ville« ne fut même pas été posée. Dans les écoles d’architecture, on parlait de »La poétique de l’espace" de Bachelard. Le débat sur la ville n’existait pas.
C’est une entité qui regroupait des logements, du commerce, du travail, des déplacements (transports), des loisirs, des acitivtés diverses. La mixité sociale en était une des composantes. Dans la ville tout le monde était là. Il y avait des quartiers populaires et d’autres réputés riches. On était ensemble autour d’un espace public, autour du service public, autour d’une école sur laquelle était écrit « Liberté, Egalité, Fraternité ».
Quand les enfants allaient à l’école le matin, ils quittaient leur sphère privée et entraient dans l’espace public. Il y avait une convention tacite entre les habitants qui dans l’espace urbain a une matérialité. C’est la ville ordinaire, installée dans la géographie et l’histoire, même récente, qui faisait convention.
Hors ! Que voyons-nous à présent ?
Dans les grands ensembles, comme la ville n’a pas été prise en compte, il n’y a pas ce marquage de l’espace. Il n’y a pas cette capacité à accueillir à la fois des activités différentes et à développer un « contrat tacite collectif ». L’enfant qui va à l’école sort de chez lui, traverse un espace indéfini, ne rencontre, dans le meilleur des cas que ses copains de quartier et ne voit aucun autre type d’activité. Il entre à l’école où il n’y a plus cette sensation de sanctuarisation, d’une parole partagée, ou d’un apprentissage commun.
Techniquement, les outils sont identifiés pour faire de ces grands ensembles des morceaux de ville. Mais on n’a pas la volonté d’y arriver. Il s’agit d’abord du partage du travail et de la formation des cinq, six millions d’habitants de ces quartiers. La France n’a pas encore pris conscience de sa responsabilité globale pour résoudre cette question. La réorganisation urbaine doit être mise en chantier. La caisse à outils existe mais il manque la volonté de changer radicalement les choses. La peur des émeutes urbaines à venir va peut-être stimuler à la fois la population et les élus.
Que peut-on faire alors ?
Il faut recréer des rues, des espaces publics avec des services publics à égalité de traitement avec la ville ordinaire. Lorsque c’est nécessaire, démolir les bâtiments qui dysfonctionnent ou coûtent trop cher à réhabiliter, ceux qui contredisent l’idée même de la ville. Construire du logement social partout où l’on peut. Transformer les vieux immeubles. Mettre à disposition des terrains et appliquer la Loi de Solidarité Renouvellement Urbain (SRU):obliger chaque commune à construire 20% de logements sociaux. L’argument du manque de foncier est fallacieux : comment expliquer qu’il y ait des terrains pour construire des immeubles chics ou des bureaux ? En permettant de faire baisser la pression dans les grands ensembles, il sera possible d’améliorer la qualité de vie des habitants des "quartiers difficiles et donc d’arriver à une mixité sociale non plus basée sur le rejet de l’autre qui est différent.
Cordialement.