L’éloquence la plus aimable est souvent au service des idées les plus subversives, et celui qui ralliera à sa cause son auditoire essentiellement grâce à sa plume aura plus de disciples que le sec orateur car il séduira d’abord le coeur de ses semblables avant de séduire leur esprit.
Le véritable talent littéraire consiste à se taire en certaines circonstances. Alimenter les élans masturbatoires d’amateurs dotés d’un banal imaginaire, animés d’une scolaire ardeur serait un jeu cruel et je serais bien méchant de succomber à cette bassesse. Aussi je vais mettre ma science au service des profanes de toutes espèces et tenter d’élever le débat à la hauteur de mes rêves, de ma personnelle sensibilité. Ce qui devrait naturellement faire autorité chez les gens de goût. Interrogez-vous sur la situation de l’écrit aujourd’hui... Combien d’anonymes rêvent de devenir des auteurs reconnus ?
De nos jours les écrivains pullulent, prolifèrent, font des petits partout, et c’est l’abondance, l’invasion, le raz-de-marée. Et bien sûr, tout cela au détriment de la qualité. Aujourd’hui n’importe quel quidam écrit. Le peuple même se targue de taquiner la muse. L’écriture s’est démocratisée, désacralisée.
Il n’est plus prestigieux aujourd’hui d’écrire, puisque tout le monde le fait, plus ou moins bien, mais plus souvent mal, voire très mal. L’écriture n’est plus l’apanage d’une certaine élite. Les chanteurs populaires, les acteurs de cinéma écrivent. L’homme de la rue écrit. Certains « passent à Pivot ». Il y a un siècle l’instituteur, le curé, l’étudiant étaient respectés parce que détenteurs d’un certain savoir qui paraissait sinon cabalistique, en tout cas prestigieux pour le commun non initié. A présent tout le monde a le BAC. Il ne vaut plus rien sur le plan psychologique.
Il est incroyable de constater le nombre de livres qui paraissent chaque jour en France... N’importe qui écrit n’importe quoi, et il y a tant de ces écrivains d’un jour qu’ils font insulte aux beaux esprits, ceux du cercle de la culture littéraire de base. Personnellement j’aurais honte de me mêler à cette racaille de la plume qui produit des livres aussi ineptes que superficiels. Je ne nie pas qu’il y ait d’excellents écrivains aujourd’hui, mais ils sont trop étouffés par les médiocres formant la grande majorité de la « corporation ». Face à ce déferlement ahurissant d’œuvres littéraires contemporaines, ma réaction naturelle est de faire table rase de tous ces ouvrages parasites et de revenir aux classiques, valeurs sûres, indémodables, fruits des plus beaux esprits, héritage culturel du meilleur goût.
Je me moque bien de méconnaître, d’ignorer, d’être parfaitement déconnecté des productions littéraires actuelles, l’essentiel pour moi étant de consolider une bonne culture de base. Je veux dire une culture authentique, consacrée, officielle, classique, celle qui a de tout temps fait autorité chez les érudits, les connaisseurs, les initiés. Les auteurs de qualité sont rares. Et il y a tant de productions qu’on ne pourra jamais tout lire. Il est plus pertinent de se réserver pour des valeurs sûres de la littérature, plutôt que de se perdre dans le labyrinthe des oeuvres actuelles, trop inégales, trop nombreuses, trop diverses. J’ai l’impression qu’en cette époque molle la société se disperse dans une culture d’incessantes « nouveautés ».
Il ne suffit pas d’être une victime du SIDA, d’être un moribond en sursis ou bien un drogué repenti pour faire un bon auteur. Ces écrivains tordus, infirmes ou infectés ont la cote sur le marché actuel du livre. Ils se vendent bien et c’est étrange, on leur trouve toujours beaucoup de talent, comme si le fait d’avoir des tares ou d’être issu d’un milieu misérable et d’avoir connu les duretés de la vie transformait -simplement en les écrivant- n’importe qui en écrivain digne d’être édité et lu à des centaines de milliers d’exemplaire...
Il est de bon ton de trouver du génie au triste quidam, à l’inconnu venant de rien, à l’inculte complet comme au spécialiste des causes insignifiantes. De nos jours il faut être sensible, sous peine de réprobation populo-médiatique, aux misères qui sont à la mode. Il faut admirer les poiriers en fleur, et depuis toujours il faut regarder à la télévision les enfants souffrant de malformations diverses avec une vive et typique compassion, il faut encore se faire l’intrépide défenseur de l’emploi pour les jeunes, il faut aider les vieux (et les nommer « seniors »), les éclopés (ceux là il faut les nommer « personnes différentes »), les bossus (handicapés physiques au niveau dorsal), les moribonds (« personnes en fin de vie »), etc.
Bien que cela soit impopulaire je crois, je pense, je suis persuadé qu’on ne devrait pas donner aussi facilement la parole au peuple, parce que le peuple n’a fondamentalement rien à dire sur le plan littéraire. Bien sûr, cela est fort bien vu et très aimable pour tout le monde de dire que tous les citoyens sont responsables, adultes, intelligents et beaux, et que tous les gens qui écrivent ont un talent fou. Mais c’est faux. La réalité ne correspond à ce discours rassurant et crétinisant. Beaucoup des invités de Monsieur Pivot, journaliste et animateur d’émissions littéraires à la télévision, sont des écrivains ineptes. Pas tous, mais beaucoup. Ces médiocres-là feraient n’importe quoi pour accéder à ce banal et vulgaire pinacle de la « reconnaissance télévisuelle ». Quelle indignité ! Selon les règles élémentaires du bon goût un vrai écrivain ne devrait pas faire sa publicité. Tel Beckett, il devrait se cacher avec dignité, ne jamais accorder d’interview, ne pas montrer son image. Et ne surtout pas passer à la télévision ! La télévision transforme la rareté en vulgarité.
En aucun cas je n’aimerais être mêlé à cette petite société dévoyée, productrice de pensées à deux sous mais facturées au prix fort, avide de passages « alatélé ». Sachez toutefois vous mes lecteurs-détracteurs que je suis inculte. Je ne suis point un rat de bibliothèques, les quelques auteurs que je connais sont d’abord et avant tout des auteurs classiques choisis par goût, par facilité de lecture ou par heureux hasard. Mais cela m’empêcherait-il d’avoir un avis sur la question de la littérature, de la poésie chez certains amateurs de la vile espèce ? Mon avis vaut bien celui de n’importe qui d’autre. Et je ne m’interdis pas d’exposer mon opinion. Au nom de quoi devrais-je passer sous silence mon sentiment sur la question littéraire ?
La société est pleine de penseurs sans épaisseur, de bouffons incapables de montrer une volonté virile. En général les gens ne savent exposer leurs opinions que sur le bout des lèvres, avec des précautions ridicules qui les font ressembler aux demoiselles maniérées des salons pseudo littéraires en vogue aux temps passés. Ils veulent tous se montrer aimables -et terriblement plats-, au détriment du vrai panache qui consiste à afficher une foi insolente dans ses idées, fussent-elles erronées, à clamer haut et fort sa propre vérité sans se soucier de celles des autres (qui devraient, de son propre point de vue, être normalement considérées comme des fadaises). Ces gens préfèrent, au nom d’une républicaine tolérance à la mode depuis deux siècles, adopter une attitude faible et docile qui les fait ressembler à des moutons affables.
Ces délicats ne sont pas dignes d’avoir des opinions si ils ne savent pas les défendre avec autorité, ferveur, voire grandiloquence. Ces petits lettrés sont tous alignés sur des valeurs efféminées, ineptes, insanes, passe-partout, galvaudées et sans plus d’effet dans cette société de gentils ovins habitués à penser selon un mode lisse, dénué de tout heurt. Ils veulent tous exposer leurs petites idées, mais aucun ne veut le faire en froissant l’autre. Et ces gens prétendent aux idées... Pour moi ces poltrons du verbe et de la plume ne sont que des esclaves.
En ces temps industriels, nul brave pour relever le défi d’un beau duel : tous des lâches, des pauvres hères, des misérables serfs en ce monde avide de confort ! Comment chercher querelle à de si piètres guerriers ? Impossible de ferrailler dignement en semblable société. Même à la pointe de la plume, ils ont peur de se battre pour défendre leurs minuscules idées.
Je ne cherche nullement à écraser les petits. Je veux simplement asséner sur la tête du peuple, à grands coups de masse, certaines vérités. On me traite de fasciste ? D’intolérant ? Moi au moins je prends l’initiative de défendre mes opinions à coup de masse : on ne peut pas tenir une telle arme du bout des doigts. Il faut de la poigne, des biceps. Et mes détracteurs, eux, par manque de cœur, d’énergie, d’envergure, continuent de me combattre à la petite cuiller.
Raphaël Zacharie de Izarra
11/09 02:57 - FURBIE
Très cher frère, Ici c’est le site N°1 de la joute verbal et des aboiements du net : (...)
22/01 18:07 - Christifer
Ode à Raphaël Zacharie d’Izarra Au Mans douce campagne au parfum de rillettes (...)
05/12 10:46 - Raphaël Zacharie de Izarra
Bonjour Demian, Je m’adresse également à vous, répétant mon précédent message : Au lieu (...)
05/12 10:43 - Raphaël Zacharie de Izarra
08/09 14:50 - Frédéric Mahé
@ Raphael Vous en faites des tonnes, mais justement... J’aime bien ce que vous écrivez. (...)
08/09 12:31 - Raphaël Zacharie de Izarra
Comment pourrais-je croire en Rimbaud, alors qu’on l’évoque avec des vapeurs (...)
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