@ Madame Lepage, je trouve extrêmement positif que vous vous exposiez à la critique sur un site comme celui-ci.Mais encore faut-il écouter les critiques et leur répondre avec précision.
1 Je ne comprend pas bien ce que vous appelez la soutenabilité de l’énergie nucléaire. S’il s’agit du problème des réserves, la question se pose effectivement et il ne faut pas l’éluder, et ce n’est évidemment pas le cas des constructeurs de centrales car la durée de vie d’une centrale nouvelle sera probablement de 60 ans.Il ne sert donc à rien d’en construire une si l’on ne peut pas l’alimenter pendant 60 ans.Vous pouvez trouver pages 17-22 du numéro 55 de la revue « clefs » du CEA une discussion sur ce sujet, d’où il ressort qu’en l’état actuel des réserves connues, il est possible de doubler la puissance de nucléaire installée dans le monde dans les 30 ans qui viennent.
La référence au pétrole ( votre point 3 ) n’est pas très pertinente. S’il est exact que le plafonnement des capacités de production qui nous attend à brève échéance ( le fameux « peak oil »)a été superbement ignoré par les politiques et les économistes alors que les géologues pétroliers les avaient prévenus il y déjà 20 ans,et que les compagnies surestiment volontairement leurs réserves pour diverses raisons depuis quelques années,les réserves ont été au contraire sous-estimées jusque vers 1980 . L’exploration de l’uranium a été arrêtée il y a bien des années et commence tout juste à reprendre, et nous sommes donc pour l’uranium dans la situation de sous-estimation plutôt que de celle de sur-estimation.Mais surtout le développement des réacteurs surgénérateurs de la Génération IV règle ce problème des ressources en combustibles nucléaires pour 1000 ans. Je remarque que vous n’avez fait aucun commentaire là dessus. Pourquoi ? Vous trouverez également dans ce n°55 de « clefs » un état des lieux à ce sujet, qui montre que la recherche a été très active sur ce sujet depuis pas mal d’années dans plusieurs pays et qu’elle avance à bon rythme.On peut espérer un développement industriel important dès le milieu du siècle, c’est-à-dire nettement avant la fin pour l’instant prévue des ressources en uranium ; D’autre part l’uranium 238 que nous accumulons actuellement comme sou-produit de nos centrales deviendra un combustible, et cela nous rendra indépendant des approvisionnements extérieurs.
Vos craintes sur Khadafi, qui n’en a pas ? Mais sur le point précis de la fourniture d’un réacteur pour le dessalement de l’eau de mer, j’ai essayé de faire comprendre mais visiblement sans succès que cette technologie n’était pas proliférante. Il est en effet impossible de faire une bombe atomique avec l’uranium enrichi à 4 ou 5 %utilisé dans ce type de réacteur. Et il est impossible de faire une bombe au plutonium avec les combustibles usés parce la composition isotopique de ce plutonium ne le permet pas . Si elle l’avait permis il aurait fallu de toute façon disposer d’une usine de séparation du plutonium qu’il est impossible de cacher( c’est bien pour cela que les iraniens essaient la voie de l’enrichissement de l’uranium avec des centrifugeuses, beaucoup plus discrète). Si ce réacteur est suivi par l’IAEA ce qui sera certainement le cas,un bilan des entrées et sorties de matières nucléaires sera rigoureusement suivi.Quant aux bombes sales, il n’y a pas besoin de dérober de matières nucléaires de ce réacteur.Il y en a suffisamment qui peuvent être achetées bien plus discrètement par ailleurs.
Les ingénieurs lybiens verront s’accroître leurs compétences en contribuant à faire fonctionner ce réacteur. Mais ils peuvent également pour cela aller au Pakistan, ce qu’un certain nombre a dû déjà faire !
2-En ce qui concerne l’industrie française, vous critiquez la prééminence du nucléaire sur les autres industries. C’est vrai qu’il ne faut pas mettre tous ses oeufs dans le même panier.Mais cette prééminence est-elle vraiment le cas ? EDF a effectivement la première capitalisation du CAC 40, mais Total a la seconde et AREVA ne s’y trouve pas.Presque toutes les compagnies industrielles qui y figurent n’ont rien à voir avec le nucléaire.
3- Vous vous demandez ce que représente le nucléaire à l’échelle planétaire ? Ce n’est pas énorme, mais c’est quand même 16 % de l’électricité mondiale, autant que l’hydroélectricité ,presqu’autant que le gaz, 30 fois plus que l’éolien et le solaire photovoltaïque réunis, mais 2,5 fois moins que le charbon.
4- A propos justement du charbon,vous ne faites aucun commentaire sur les risques qu’il fait courir ( j’ai indiqué de l’ordre de 100 000 morts PAR AN), sans même parler de l’effet de serre. Or le charbon est pour de très nombreuses années la seule véritable alternative au nucléaire pour la production d’électricité:le pétrole s’épuise,le gaz a l’inconvénient d’être devenu trop cher,est d’approvisionnement risqué, et sera épuisé très vite après le pétrole, l’éolien et le photovoltaïque, énergies intermittentes, ne pourront représenter que peu de chose tant que l’’on ne saura pas stocker l’électricité.Un doublement de la contribution du nucléaire, ce sera d’autant moins d’électricité qui sera produite à partir du charbon.
Que pensez-vous de cette question, sur laquelle vous êtes bien silencieuse ?