Vérité et Réconciliation, j’apprécie votre panache mais je déplore qu’au lieu de vous attarder sur le fond de mon développement, vous attaquiez ma personne. C’est d’ailleurs souvent une des faiblesses du débat d’idées en Afrique.
Je ne prétends pas ne pas avoir d’opinion, sinon quel intérêt auraient mes prises de parole ici et ailleurs ? Je n’ai pas peur de dire que j’ai soutenu le président ivoirien Laurent Gbagbo quand il a été aux prises avec la volonté de puissance de Jacques Chirac - à qui ne revenait pas le droit de le dégommer. Cet enjeu historique me semblait plus important qu’une prétendue « impartialité » derrière laquelle les discours des puissants se cachent.
De plus, ce n’est pas parce que Gbagbo dit qu’il y a des coups d’Etat salutaires qu’il a raison, et que cette seule affirmation devient une arme rhétorique pour ceux qui font l’apologie des rébellions - qui sont, de plus, autre chose que les coups d’Etat, les deux « maladies » étant à combattre.
Je fais absolument le lien entre le Niger et la CI, parce qu’il s’agit de la même réalité : des rébellions qui naissent au moment où des accords historiques sont bousculés ou remis en cause. Dès lors qu’on glorifie une rébellion, on permet aux puissances étrangères de « rectifier » les choix des dirigeants, et donc de devenir des acteurs de politique intérieure. C’est mauvais. Si la Norvège décide de vendre son pétrole plus cher, personne ne lui foutra une rébellion. Ce qui veut dire que ce que je prône pour l’Afrique, c’est la modernité politique. On peut tout à fait se scandaliser de la gestion de la filière café-cacao en Côte d’Ivoire, agir de manière citoyenne pour que les choses aillent mieux, sans pour autant cautionner des rébellions dont la caractéristique et d’ôter au départ le droit à la vie à des innocents. Je parle notamment de cette question dans un papier précédant sur agoravox : Pour gagner en Afrique, misez sur l’Africain.
Et puis, l’éducation et les technologies à forte valeur ajoutée, c’est strictement la même chose (dans mon esprit). Le transfert de technologies, c’est de l’éducation. Pour créer des classes de primaire et de collège, les pays africains n’ont besoin de personne. Maintenant, pour développer leur industrie et les compétences de leurs cadres, ils ont effectivement besoin d’acheter des savoirs - d’une façon ou d’une autre. Mieux valoriser leurs richesses actuelles (les ressources naturelles) leur permettrait d’avoir une marge de manoeuvre supplémentaire pour investir dans l’éducation. Derrière votre rhétorique, se cache une sorte d’a priori selon lequel les pays africains, dès qu’ils gèrent eux-mêmes leurs ressources, les gèrent mal. Ce n’est pas vrai. Et mieux vaut faire des fautes et des erreurs et se faire recadrer par des forces sociales locales que d’être recadré par des intérêts étrangers qui ne songent qu’à enfoncer votre pays.
Guy-André Kieffer n’était pas journaliste à La Tribune quand il a disparu en CI, mais homme d’affaires et informateur de La Lettre du Continent. De plus, rien n’a jamais prouvé qu’il a été tué par des proches du pouvoir qui voulaient cacher des choses. Ceux qui le croient doivent enquêter pour tirer les choses au clair. Les guerres sont également des guerres psychologiques, et tous les coups sont bons. L’Histoire nous édifiera progressivement sur celle qui s’est déroulée en CI.