AMI JOYEUX
LE PRESIDENT connaît l’Afrique. L’Afrique, c’est cette autoroute sablonneuse qui mène de l’aéroport au palais présidentiel, bordée de grands enfants qui font la claque au passage de la limousine, jouent du tam-tam et fourrent des billets de banque dans des sacs en croco expédiés à Paris par valise diplomatique.
LE PRESIDENT les aime beaucoup : « Ils sont joyeux, parce que les Africains sont joyeux par nature. Ils sont enthousiastes. Ils ont le sourire. Ils applaudissent. Ils sont contents. Ils voient qu’il y a un monsieur qui passe, cela leur permet d’être sur le bord de la route. Ils sont contents, bien ! », explique-t-il, avec cette profondeur de vue qui est la marque des grands hommes d’État .
LE GENERAL Gnassingbé Eyadéma était-il un dictateur joyeux par nature ?
CERTAINEMENT. LE GENERAL est arrivé au pouvoir en 1967 par un coup d’État organisé à... l’ambassade de France. L’Ubu roi du Togo a passé près de 40 ans à piller et tyranniser gaiement son pays. Sa bonne humeur connut parfois quelques défaillances : en mai 1999, quand Amnesty International dénonça une centaine d’exécutions extrajudiciaires commises par son régime, LE GENERAL se mit en rogne.
De passage au Togo, LE PRESIDENT prit alors fait et cause pour son copain LE GENERAL en accusant Amnesty de « manipulation ».
Le 5 février 2005, LE PRESIDENT a pleuré le décès de papa Eyadéma, un « ami de la France » qui « depuis tant d’années, consacrait ses efforts à la coopération régionale, à la médiation et à la recherche de la paix. »
Heureusement, son rejeton est là pour reprendre le flambeau. Que les Togolais se le tiennent pour dit : s’ils cessent d’être « joyeux par nature » et s’énervent contre cette France « amie » de leur pire cauchemar, on les décrétera sauvages, manipulés et racistes anti-blancs. Et on leur enverra la troupe.