Je déplore comme vous la banalisation des calamités et le relativisme généralisé. Je déplore en outre la pellicule jalonnée de tueries et d’autopsies sanglantes, l’imagerie morbide véhiculée par le death-metal, le CAC40, le gansta’rap, l’essor des SUV et le socialisme dégénéré. Comme je déplore le retour en grâce de la répression justifiée par la vieille morale bourgeoise.
Mais pas plus que moi vous n’avez prise sur ce que nous pouvons déplorer, vous, moi, et le reste de l’humanité encore un peu pensante. On peut s’en lamenter à perte de salive, c’est un état de fait et d’après moi, le meilleur moyen d’y réagir individuellement c’est par l’humour, ce grand absent du siècle.
Desproges, Coluche, Fellini, Boris Vian ou San Antonio, aujourd’hui, seraient irrémédiablement censurés. Des gens comme Pierre Dac, Guy Bedos, Gainsbourg, Jean Yanne ou même Fernand Raynaud seraient montrés du doigt par les z’associations pour ce qui serait qualifié dans leur propos d’allusions racistes, xénophobes, homophobes, antisémites, sexistes ou je ne sais quoi. A ce train-là, vous allez voir que les z’associations voleront bientôt au secours du beauf, du tuning, des footeux, des politiciens, de la Dacia Logan... et des z’associations, dont on n’aura même plus le droit de tourner en dérision leur tendance compulsive à tenir des réunions pour se donner l’illusion de l’activisme.
Ce foutu respect téléguidé de l’Autre à la mords-moi-le-noeud, empreint de moraline judéo-chrétienne et sous-tendu d’avidité d’un argent facilement récupéré par la grâce d’une justice en mal de réhabilitation, n’a jamais empêché un viol, un meurtre, une agression raciale, un génocide, une élection foireuse de se commettre. Le refoulé trouve toujours son chemin, et lorsqu’il resurgit, c’est bien souvent dans le crépitement des Kalaschnikov. Alors, de grâce, laissons-nous aller à sacrifier toute chose à l’autel de l’humour, quel que soit cet humour. Les mots ne sont que des mots. Lacan et les verbeux du Sens, ceux qui voient en l’usage des mots la trahison des maux comme leur traduction plus ou moins détournée, ceux-là sont à l’image des inquisiteurs de jadis, pour qui il n’était qu’une vérité assortie d’une morale, et que celles-ci se devaient d’être unanimement partagées.
Je suis pour que l’on se foute de tout, et éperdument.
Et n’oublions pas, pour paraphraser certain humoriste, que nombre de gens sérieux sont morts très sérieusement.