Sur le terrain des idées, tout devrait être permis. L’opinion de chacun est le carburant du débat, le support qui autorise celui-ci en est le véhicule. A la seule condition que ledit véhicule soit agi par un moteur.
Je ne suis pas sûr, après un mois de pratique d’Agoravox, que ce support se distingue beaucoup de la plupart des fora existants. J’apprécie que les sujets évoqués le soient par des auteurs ès-qualité, c’est très enrichissant pour qui considère l’Internet comme un outil de culture. Mais au niveau des commentaires, à part se tirer la bourre à l’infini sur les sujets qui fâchent (c’est à dire qui touchent à la problématique de la crise sociétale française, aux dysfonctionnements de la société française, à tous les antagonismes, réels ou fantasmés, qui conspirent au climat de guerre civile larvée où nous vivons dans ce pays), je ne vois guère où peut nous mener ce projet.
L’échange d’idées, le débat citoyen, la démocratie directe n’ont de sens que comme prélmiminaire à l’action. Autrement ce ne sont que des mots qu’on aligne, sans changer quoi que ce soit à ce que l’on prétendra dénoncer. Nous pouvons par exemple consacrer des milliers de pages de débat à la crise de l’emploi, mais si parmi les commentateurs sensibilisés à ce problème il ne se trouve pas un employeur pour embaucher un chômeur, je ne vois pas l’intérêt. De même, à quoi bon débattre comme nous l’avons fait ces dernières semaines autour de la lamentable affaire d’Argenteuil sans que cela débouche sur une action en justice intentée contre M. Molthron, ni même sur une proposition collective de pétition réclamant la démission de cet élu ?
Ce dont nous souffrons le plus dans ce pays c’est de cette tendance bien française à la palabre, qui est une façon de faire l’économie de l’action. Nous nous plaignons de tout et du reste mais nous sommes incapables de nous entendre pour mettre en place un groupe de pression, boycotter tel ou tel produit, infléchir des volontés politiques défaillantes, venir à bout collectivement de ce que, tout aussi collectivement, nous jugeons inacceptable.
Cela explique peut-être la solide réputation de raleurs que nous cultivons. Le ralage n’étant jamais que l’expression d’une impuissance.