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Commentaire de ZEN

sur Sans contrefaçon


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ZEN ZEN 21 septembre 2007 11:02

Les patrons américains vont plus en prison que les patrons français. Un étude intéressante, qui n’est plus en accès libre sur le Monde de l’économie :

Olivier Assant :

« Les patrons américains vont plus en prison que les patrons français... » Article paru dans l’édition du 11.09.07 "La pénalisation du droit des affaires français est-elle particulièrement lourde pour les sociétés, par comparaison avec les Etats-Unis, pays de la « libre entreprise » ? Le droit des sociétés, aux Etats-Unis, est fondamentalement différent. D’une part, chaque Etat possède sa législation mais, de fait, c’est celle du Delaware, où sont enregistrées, pour des raisons fiscales, un très grand nombre d’entreprises moyennes et grandes, qui fait foi. Seules les sociétés cotées sont régies au niveau fédéral par la Securities Exchange Commission (SEC), l’équivalent de notre Autorité des marchés financiers (AMF). Dans les deux cas, il s’agit de droit civil qui autorise, en particulier, les fameuses class actions (actions de groupe), mais aussi la procédure de discovery. Celle-ci peut être ordonnée par un juge sur la base de simples soupçons apportés par un plaignant : l’entreprise est alors contrainte d’ouvrir à la justice l’accès à l’ensemble des documents internes. En France, seul le juge d’instruction ou une autorité administrative, comme l’AMF ou la direction des fraudes, peut mener de telles investigations.

Par ailleurs, les class actions, si elles ne mènent jamais en prison, peuvent aboutir à des dommages et intérêts extrêmement élevés, qualifiés de punitive damages, souvent très supérieurs aux amendes infligées par les administrations ou les tribunaux civils français. La conception des dommages et intérêts est, en effet, très différente de celle qui prévaut dans le droit civil français, où il s’agit d’une réparation à la hauteur du préjudice subi, alors qu’en droit américain il s’agit de sanctionner une attitude, à des fins dissuasives.

Le droit pénal des entreprises n’existe, lui, qu’au niveau fédéral, et les affaires ne peuvent être ouvertes qu’à l’initiative du département (ministère) de la justice, du General Attorney (procureur général). Il sanctionne souvent très lourdement les manquements les plus graves, définis en particulier par le General AntiFraud Provision et le Corrupt Act, qui couvrent un grand nombre de délits.

Les patrons américains sont-ils plus ou moins sanctionnés que les patrons français ? Au final, il y a, toutes proportions gardées, beaucoup plus d’ouvertures de procédures pénales en France qu’aux Etats-Unis. Par exemple, 80 % des instructions ouvertes par le pôle financier de Paris le sont avec constitution de partie civile. Avec tout ce que la procédure pénale a de traumatisant : mise en examen, interventions policières, garde à vue. Mais 80 % d’entre elles finissent par un non-lieu !

En revanche, aux Etats-Unis, la justice pénale aboutit à des condamnations plus fréquentes et beaucoup plus lourdes, y compris la prison ferme, pour des délits similaires. Les patrons américains vont donc beaucoup plus en prison que les patrons français. Surtout, la justice civile, avec la procédure de discovery et les punitive damages, est beaucoup plus traumatisante et dissuasive pour les entreprises que les procédures civiles françaises.

En quoi l’« action de groupe » qui figure dans les projets du gouvernement diffère-t-elle de la class action américaine ? Son objectif pourrait être d’équilibrer une dépénalisation du droit des affaires par un renforcement du droit civil. Mais le projet de loi lancé par des parlementaires français, puis enterré en février 2007 par le gouvernement de Dominique de Villepin, était à des années-lumière de la class action à l’américaine. Il était limité au droit de la consommation. Son exercice aurait été filtré par des associations « agréées », n’aurait pas pu déboucher sur des punitive damages et ne se serait pas appuyé sur l’équivalent du discovery. Certes, le nouveau code de procédure civile prévoit, dans son article 145, qu’un plaignant puisse demander à un juge de recueillir des éléments de preuve, mais cela ne fait pas peur à grand monde : il n’existe pas en droit civil français d’outils efficaces et contraignants d’investigation.

Comment se situe l’actuel débat français vis-à-vis de l’évolution du droit des affaires européen ? Le droit des affaires n’entre pas directement dans les attributs de la Commission européenne. Mais dans le cadre de la politique de la concurrence et de la libéralisation des marchés financiers, la Commission a été amenée à émettre des directives dont les deux dernières, sur le blanchiment et sur les abus de marché, ont clairement préconisé le maintien d’un cumul de peines pénales et d’amendes administratives, plutôt qu’une dépénalisation. Propos recueillis par Antoine Reverchon


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