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Commentaire de FAUST

sur Le plurilinguisme, et quelques clichés sur les langues étrangères


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FAUST FAUST 26 septembre 2007 22:04

sur l’article : j’y vois une contorsion plus qu’un exposé objectif. Répondre à des clichés par des contre clichés qui semblent être d’autres clichés c’est s’exposer pour le moins, perdre son temps au pire. Le temps n’est pas perdu, l’article à ouvert une bonne discussion. Merci donc pour avoir soulever un sujet digne d’Agoravox, sur lequel il ne risque pas d’y avoir trop de répliques singlantes. En ce qui me concerne (donc ok : je ne généralise pas) je veux témoigner, ayant comme qui dirait un passif génétique illustré. Je suis franchouillard de terre via ma parenté berrichone et poitevine. Là, aucun doutes, à part par accident je n’ai pas de prédisposition à la langue étrangère (mes 18 premières années furent passées en Touraine, donc loin des influences frontalières). Or : naissant à la fin des sixties, (happy years) je bénéficiais de programmes de rapprochement Franco-Germaniques qui me valurent une maternelle avec de l’allemand (basique et restreint à chanter-danser-goûter). En plus, pas l’ombre d’un allemand dans la classe. Ecole pilote. Continuité du principe sur le primaire avec des injections d’heures tranquilles à écouter de l’allemand et parler un peu. Premier cours de langue officiel en sixième, le prof ne dit pas un mot de français de tout le cours, passe des diapos, pose des questions aux élèves, tous répondent dans le ton, avé l’accent et sans se tromper. Que dire de plus : pilote réussi, j’ai progressé jusqu’au niveau de grammaire « impeccable » en troisième. Ma structure de phrase (si ardue paraît il en allemand) est nickel, même si mon vocable a un peu perdu par la suite. Le lycée où l’expérience s’est arrêtée a été un coup de frein brutal : profs peu motivés, élèves pris par le bac et le petit coéf des langues. Ecole d’ingénieurs : j’ai entretenu. Des films, Fassbinder, Schlöndorf... Des lectures : Urfaust de Goethe. Toujours, des correspondances avec des Allemands. De temps en temps un magasine. Voilà. Entre temps l’anglais m’a converti de force. Professionnel de l’informatique et autres modernitudes américanophile ou américanophage, j’ai du me résoudre à utiliser la chose. Notons au passage un séjour de plusieurs mois en Hongrie où j’avais des cours de Magyar. J’en garde pas mal de vocabulaire et la capacité de rafraîchir tout ça en une semaine. Et survivre sur place sans traducteur. Aurais je fais ce choix sans les premières années et leur amorce linguistique ? Je passe sur mon métier que je pratique écrit comme oral en anglais systèmatique hormis entre Français (ce qui est rare). Et je passe beaucoup de temps avec Indiens et US’boys. (11 ans : donc je suis marqué, et mon niveau est « broken fluent », j’assure des conférences et des « trainings » pour des gens qui me comprennent) Au cinoche, je me passe des sous-titres (sauf film texan, là je n’ai jamais pu). Nota : je n’ai pratiquement pas été immergé dans un pays anglo saxon. Donc : l’apprentissage de l’allemand précoce a totalement décomplexé ma personne et je ne frissone jamais du risque de me rater à conjuguer en langue étrangère. J’m’en fous. Au pire l’interlocuteur fera une drôle de tête et je reformulerai. Ma femme : elle est prof d’allemand. Elle est française. Donc, depuis le début de mon aventure conjugale, je me suis remis dans le bain. La télé à la maison n’est plus française, ce qui me force à voir le pays d’à côté et le niveau remonte. Mes enfants : mis dans une maternelle billingue dès 3 ans. J’habite pas loin d’une grosse compagnie Franco-Allemande, du coup j’ai mon cortège de cousin germain à portée de langue. Mes enfants ont donc fréquenté de petits hispano-germains parlant français, allemand, espagnol, des chinois parlant allemand, des anglais parlant espagnol... en sortant de maternelle, les coquins avaient un accent parfait. Une intonation parfaite, une structure de phrase parfaite. Et du vocabulaire. Continuité : ils font (dans le privé) une primaire billingue. Et qui comporte de l’initiation à l’anglais. (sans douleur, sans effort, pas plus compliqué que d’apprendre à faire une passe au basket) A la maison, ils voient passer des collègues indiens ou américains. C’est cool. Le monde est de toute les couleurs. On a passé trois semaines au pays basque, les coquins voulaient absolument dire bonjour en langage local. La curiosité : gagné. L’ouverture : gagné. Le racisme, la peur de la différence : vaincus d’avance. (quoique faut toujours veiller de ce côté là) Un neveu, pas loin géographiquement (200m) : au lycée international. Classes billingues Franco-Anglaise. Avenir : doré. Un autre neveu : sort d’un MBA en Inde, a passé son bac en Angleterre. Avenir : mégadoré (le filou a fait une école de business, il va sûrement devoir licencier son oncle un jour ou l’autre smiley) ) Mes conclusions : de mon point de vue, à l’évidence, apprendre tôt c’est décupler la capacité d’apprendre, hé oui, les enfants ne demandent que ça. Apprendre même une langue parlée par la poignée d’habitant d’une vallée perdue , c’est se former à d’autres langages et faciliter l’assimilation des autres (langages ET peuple, donc culture). C’est donner de l’ouverture d’esprit. Donc limiter le repli identitaire, l’égocentrisme et permettre de « penser autrement ». Désolé pour l’auteur : pas besoin de 30 années au lang’z’o pour « percevoir » ou « assimiler » la culture étrangère. J’ajoute qu’avec des voyages (incluant ceux qu’on fait sur son canapé avec un bon bouquin ou des photos ou un film ou documentaire) on grave l’acquis.

Coût de l’opération : là ça coince. Moi (en tant que parent) ça me coûte une école privée, des vacances lointaines (Allemagne) quoique les prix soient moins élevés qu’à La Baule... ça me coûte de l’énergie, parce que le soir après le bureau, faire le repas « auf deutsch » c’est un peu moins simple qu’en français. Pas automatique. Je pense que ce n’est pas aujourd’hui accessible à tout le monde. Je pense que les profs font de leur mieux. Je fréquente (via la profession de ma femme) une prof d’espagnol et une autre d’anglais. Je confirme : les profs font beaucoup, beaucoup d’effort. Les élèves, il faut vraiment leur tirer les bretelles pour qu’ils arrivent à voir les choses en face : c’est un chance d’apprendre une langue étrangère. Et une récréation. Et pas tant de travail que ça. Attention : on vit très bien sans avoir lu Goethe ou Kant, et on peut facilement se faire des amis Allemands, d’autant plus que parmi eux, éh bien pas tant que cela auront lu Kant ou Goethe. Bien : la semaine prochaine, une amie prof de lettre moderne quitte Paris pour passer quelques jours chez moi, elle a vécu 10 ans en Chine et maîtrise le russe (avec lecture de Pouchkine, Akhmatova en VO etc.) ; je lui demanderai son avis. Pour tenter une généralisation : la totalité des parents des enfants qui sont en billingue dans mon entourage (ça fait une cinquantaine) sont convaincus de la grande réussite de l’opération (humaine et technique). Si je puis me permettre, ce n’est plus un cas isolé. Dernier point : Erasmus est un tremplin fantastique. Il faut de l’audace pour ne pas y voir un moyen de renforcer les liens internationaux et favoriser les langues vivantes. L’auteur assume, c’est son point de vu et je le respecte. Mais qu’il fasse une contre-enquête vers les gens qui ont fait l’expérience. Que les peuples se parlent ! Merci d’avoir lu un témoignage personnel dans un contexte où j’ai ressenti le besoin de faire partager mon expérience. Meilleures Salutations, Faust (le pseudo me poursuit, c’est un signe)


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