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Commentaire de sasapame

sur Non, M. Fillon, la France n'est pas en situation de faillite !


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sasapame sasapame 29 septembre 2007 11:28

Merci André-Jacques pour ton article très soigné.

Hier, ma boite nous a annoncé :
- que nos salaires ne seraient pas versés avant deux semaines. Il faut que j’emprunte pour couvrir le trou
- que sa banque a refusé, cette fois, de prêter quelques millions pour combler le manque de trésorerie
- que pourtant, la boite a remboursé une bonne part de ses dettes, et qu’on a dégagé des bénéfices (plusieurs millions d’euros) encore cette année ; la boite est « saine »
- mais que nous sommes dans le rouge pour diverses raisons qui tiennent aux délais de paiement ou à des modifications des délais de paiement : dans la répercussion des hausses incessantes du prix des matières premières, qui pèsent énormément dans notre domaine ; dans les masses de contentieux commerciaux avec les clients qui nous font crouler sous les investissements faits pour les fournir, et qui souvent retirent leurs achats bien avant la fin prévue (les contrats ne les engagent ni sur le volume ni sur la durée) ; jusqu’au réactions de fournisseurs qui flairent l’approche de la faillite de leur client), sans parler des nombreuses traductions directes du pillage par nos gros clients (leurs actionnaires) dont plusieurs figurent au CAC40 - par exemple, le transfert d’un tas de coûts d’études, que j’évalue en moyenne à 10% du CA par affaires « gagnées » (sinon on n’en prend même plus, or dans ce système où tout ce qui peut se piller l’est tôt ou tard par l’actionnaire, il faut toujours grossir, ouvrir des fronts ; soit tu gonfles l’échelle, soit tu crèves)... Toutes les semaines je vois ou je m’entends raconter des cas d’acheteurs aux dents longues qui nous pressent le citron ; quand ça marche, eux ils montent ; quand le fournisseur crève, c’est l’effet de la nature. Le plus effrayant, peut-être, c’est que tous les individus de la chaine qu’on nomme cadres, même les tout petits, jouent dans cette machine absurde un rôle conditionné.
- qu’on saura bientôt si la boite est en redressement ou autre régime de protection juridique... dans lequel on sait qui assumera les pertes, qui couvrira les dettes en les gelant... Des centaines de gens attendent de sales mois. Des usines vont fermer. Plusieurs de nos gros concurrents sont morts, un encore cette année qui équipait dans son domaine en gros tous les moteurs de la moitié des petits voitures « françaises »... Parfois, le client se trouve tellement dans la merde lui-même qu’il assume en bonne part la perfusion (« faire et défaire »...) de sorte que pour honorer ses actionnaires il redoublera ailleurs l’intensité du pillage des fournisseurs et de ses propres ressources.

Mais « la bagnole européenne (et américaine) est en crise »... qu’on nous dit. Comme EADS... Un tissus de mensonges odieux, une absurdité qui se résume dans les propos récents du PDG de PSA : « Cette année, »on« est n°2 européen ; notre objectif c’est d’être n°1 l’an prochain ; pour ça, on va licencier [...] ». Car des produits on en vend, toujours plus, même, et pas moins cher (à quoi sert de trouver de la main d’oeuvre bon marché ?) ; des bénéfices, on en fait croissants, qui sont pillés au double par des actionnaires aveugles... dont 5 millions sont nos « concitoyens » (combien de petits porteurs ? Que leur donne-t-on d’autre à faire d’un pognon qui ne sert plus à rien à 97% qu’à faire tourner une machine de pure domination et de pure destruction ?) Tandis qu’à produire des bagnoles tous les 2 ans, on voit une industrie de haute technologie saccager tous ses métiers et mener des projets dans lesquels seuls les postes de gestionnaires parasites (acheteurs, commerciaux, « qualiticien », managers en tout genre) se développent. C’est très simple, vous mettez face à face de ces gestionnaires de lignes de comptes côté client et fournisseurs, vous jouez aux enchères inversées, dans un contexte d’urgence et de méconnaissance complète des enjeux techniques et logistiques ; une fois le contrat signé, le reste suit... Bref, des enseignes qui se targuent de « créer » des bagnoles dans leurs réclames sont déjà devenues des coquilles vides, des « Nike » models. Et toute la chaîne y passe. Des centaines de milliers d’emplois en France ; métiers, savoir-faire et gagne-pain pour des familles, dont une très grande part en « province ».

Bilan, comme l’a dit « chez nous » un gros bras de service, dont l’embauche récente semble indiquer la dernière ligne droite avant que la boite gagne une ligne dans la rubrique nécrologique et dans une presse non uniquement adressée aux rentiers : si il y a la moindre action sociale, « on » est morts. On reconnaît une situation de guerre, de lutte pour la survie, quand toute l’équipe oublie ses conflits d’intérêts internes et n’a plus qu’une voie de réaction collective. Que ça bouge et la production baisse, et nous, tous, on a plus que jamais le couteau financier sous la gorge.

Quel rapport avec l’article d’AJH ? Il s’agit de voir que non seulement pour un Etat, mais même pour une entreprise, la dépendance au capital est absurde et dévastatrice lorsque le capital appartient à des entités étrangères à la communauté d’individus qui produisent. Et que ce sont toujours les mêmes, et l’État, qui paient les rentes de ceux qui ont de ce capital, chose la plus superflue qui soit. Quand on admet cette première absurdité, on admet tous ses développements, de l’impérialisme à l’idéologie gestionnaire totalisante, en passant par les fonds de pension.

Ce qui manque peut-être à ton article c’est, dans la continuité, des explications sur l’économie sociétale. Je crois que certains se méprennent sur ta conception de la planche à billets, s’imaginent que tu vends un miracle d’enrichissement collectif qui n’a pas besoin de production. C’est bien le minimum que de rappeler qu’un investissement public absorbe(rait de nouveau) la création monétaire tout en déclenchant d’autres effets de croissance dans le secteur marchand. Mais peut-être faudrait-il l’expliquer par des exemples. Je crains que ceux-là ou d’autres ne soient pas bien conscients de l’ampleur du gâchis que le capitalisme financier - surtout au présent - apporte dans l’industrie, à quel point ce système est non seulement injuste, mais même d’une évidente « inefficacité économique ». Il s’agit de dire qu’on ne devrait pas avoir besoin de capital pour produire si on le décide. A minima quand c’est une nation entière qui le décide pour elle-même, soit dans toute activité où l’investissement porte sur la production d’un service « public », « sociétal », bénéfique et souhaitable...

Pour le reste, les choix de société s’expriment sur d’autres modes. Si on arrêtait l’automobile, au moins ça justifierait ce qui se passe dans ce secteur en Europe et aux USA. Mais c’est l’inverse qui se produit. Et pas la peine de chercher loin pour savoir qui a le pouvoir de décider qu’on fera de la bagnole propre : ceux qui concentrent le capital et les leviers systémiques de la finance. Voilà qui nous ramène toujours ou presque aux grosses banques privées, lesquelles possèdent presque tous les leviers fous de l’économie virtuelle et réelle, du privilège de la création monétaire aux fonds de pension, en passant par la spéculation sur les changes et les produits dérivés (y compris donc, comme l’ont montré F. Morin et F. Lordon, le pouvoir de guider les « taux directeurs » comme les injections de monnaie centrale : totalitarisme financier oblige, pour sauver tout le monde il faut sauver les principaux bourreaux et promoteurs de ce système de fous).


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