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Commentaire de Henri Masson

sur Défendons l'anglais !


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Henri Masson 1er octobre 2007 13:22

Un exemple de présentation approximative et erronée de l’espéranto par une personne en principe digne de confiance : sur « France Inter », dans l’émission « Petits bateaux », destinée aux enfants, Noëlle Breham a demandé à Claude Hagège de répondre à la question posée par Romane, une petite fille de 4 ans et demi : « Je voudrais savoir ce que c’est que l’espéranto ? ». Le passage concerné peut être écouté sur : http://download.yousendit.com/E16032133FCDCC85 30 septembre 2007, question 6 : voir aussi http://www.radiofrance.fr/franceinter/em/ptitsbateaux/index.php?id=59865

Malheureusement, lui qui parle si brillamment de la plupart des langues, et qui en parle beaucoup, en est arrivé à donner une présentation comportant beaucoup d’erreurs et d’à-peu-près.

Ainsi, dire que l’espéranto est une langue « créée de toutes pièces » ne correspond absolument pas à la réalité. Où alors on pourrait dire de bien des langues qu’une grande partie de leurs mots a été créée aussi de toutes pièces, par exemple quand le suédois écrit « foto » au lieu de « photo ». Il y a eu des projets de langues dont les mots ont effectivement été créés de toutes pièces, par exemple le « Solresol » basé sur les notes de musique. Ils ont tous échoué, même si ce dernier avait pourtant bénéficié de la sympathie de Victor Hugo, Lamartine, Alexander Humboldt. Jean Sudre, son auteur, fut même accueilli à la cour de Napoléon III et obtint une Médaille d’Honneur de l’Exposition de Londres en 1862 avec un prix équivalent à 10 000 francs d’alors.

Certes, Claude Hagège a eu raison de parler de l’influence néfaste et négative des interventions massives des États-Unis lors des deux Guerres mondiales, mais ce n’était pas une raison pour parler de l’anglo-américain comme étant un « espéranto de fait », ce qui, là aussi, est totalement faux, puisque, derrière l’espéranto, il n’y a aucune nation ni aucune puissance financière. L’espéranto se pose comme langue anationale (non nationale) et équitable. C’est pourtant lui qui, lors d’une conférence à Valenciennes (2.12/1993), avait dit avec tant d’éloquence :

C’est dans sa facture une langue que l’on peut considérer comme une des grandes langues de l’Europe.
Je pense que l’espéranto est une solution parmi d’autres, et qu’il pourrait avoir pour lui l’avantage, sérieux, à savoir que, contrairement à n’importe laquelle des langues de vocation européenne, il n’est pas, lui, précédé ou suivi d’un engagement politique et national. C’est la langue d’aucune nation, d’aucun Etat.
Et c’était du reste l’idée de son inventeur, Zamenhof (...), en 1887, l’avait dit dès cette époque, quand il a publié (...) le premier livre qui proposait l’espéranto. On le sait depuis longtemps donc, l’espéranto a pour lui, avait pour lui, a toujours pour lui, de ne pas être la langue d’une nation et d’un peuple, encore moins d’un Etat au sens hégélien du terme, ce qui sont des traits plutôt favorables.”

Enfin, ce qui montre les lacunes du linguiste (qui n’a visiblement aucune compétence en matière d’interlinguistique, c’est-à-dire la science des langues construites, un sujet pour lequel le professeur Umberto Eco avait estimé que la recherche, plus précisément sur la « langue parfaite » aurait pu occuper « une vingtaine de chercheurs pour quarante ans » (Le Figaro, 19 août 1993), c’est qu’il a parlé de congrès qui ont lieu « tous les ans, tous les deux ans, je ne sais plus », ce qui est vraiment de l’à-peu-près... Voir le calendrier dressé par « Eventoj » (Hongrie) http://www.eventoj.hu/kalendar.htm

Certes, il faut s’exprimer de façon simple quand on s’adresse à des petits enfants, mais pas de façon simpliste, approximative et induisant les enfants comme les adultes (leurs parents) en erreur. Par de tels propos, Claude Hagège, qui s’oppose pourtant avec beaucoup d’énergie à la domination de l’anglais, lui facilite largement la voie.

Je pense que la personne la plus qualifié pour répondre à une telle question était Georges Kersaudy, que j’ai mentionné plus haut (le 29 septembre 2007 à 08H44) ou au moins une personne parlant cette langue, ce qui n’est pas le cas de Claude Hagège.

Dommage que la très chère Noëlle Bréham, qui a avoué ne pas parler l’espéranto, n’ait pas eu conscience qu’il vaut mieux s’adresser au boulanger pour parler de bon pain plutôt qu’au charcutier.


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