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Commentaire de Christophe

sur Nul n'est prophète en son pays


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Christophe Christophe 10 octobre 2007 23:06

@Luciole,

Expulser et enterrer Levy-Strauss serait une tâche en effet bien trop lourde pour mes épaules.

Pour les miennes aussi, tout autant que d’enterrer Girard.

Je soulignais simplement que Girard s’était opposé à l’idée que l’on ne pouvait pas comparer les cultures entre elles. Il pense que c’est une façon de renoncer trop vite à comprendre l’esprit humain, à abandonner l’analyse pourtant bien amorcée par quelques brillants anthropologues de terrain comme Frazer.

Sur ce point, je me rapproche sans aucun doute de Girard, mais la comparaison est difficile, pour ne pas dire périlleuse. Le relativisme, dû aux facteurs culturels, donne lieu à une manipulation symbolique dont il est fort difficile d’en comprendre la signification ; la symbolique linguisitique en est, si besoin est, une preuve flagrante. Nous retrouvons là l’un des points les plus complexes dans les échanges interculturels qui sont tout autant soumis à l’incommunicabilité que nous connaissons dans les échanges entre sujets d’une même culture.

Par ailleurs, Frazer, sans remettre en question ses travaux sur les mythes et les rites, avait une approche très marquée par la supériorité des occidentaux sur ces tribus sauvages ; principe même de l’anthropologie évolutionniste défendant l’idée que toute société évolue pareillement en passant de l’état de tribu sauvage en société organisée de type occidentale.

Dans son ouvrage « La voix méconnue du réel », il rappelle qu’il est avant tout intéressé par les faits et finalement assez peu par les théories. Il s’intéresse aux mythes, parce que les mythes parlent d’évènements anciens réels, mais dont le déroulement a été réinterprétés par ceux qui s’en sont le mieux sorti, au détriment de ceux qui sont morts, devenus après coup les fauteurs de trouble.

Exactement ce que nous reproduisons aujourd’hui ; sur ce point, il y a convergence ; et le mythe persiste sous une autre forme. Nous n’avons pas encore assimilé les propos de Wittgenstein : Tout ce que le philosophe peut faire, c’est de détruire les idoles. Et cela ne veut pas dire en forger de nouvelles.

Avec un peu d’honnêteté intellectuelle, il n’est pas difficile de nous mettre à la place des indiens d’Amazonie lorsqu’ils ont jeté dans le feu leur « dieu soleil » pour soulager une crise collective. Nous ne sommes pas différents d’eux et nous reproduisons le même type de comportement en votant pour ou contre l’exclusion de participants dans les jeux du cirque organisés par la télévision.

C’est peut-être plus difficile que nous puissions le croire, mais admettons. Cela laisse-t-il supposer un quelconque universalisme ? Mais peut-être n’est-ce pas le propos de Girard, il insiste sur une proximité comportementale entre deux cultures, ce qui est important.

Cet ancrage dans le réel me semble être l’une des grande originalité de René Girard par rapport aux autres penseurs de son temps.

Et le problème du réel est qu’il est quasiment impossible d’énumérer de façon exhaustive l’ensemble des comportements culturels ; par cette voie, il ne recherche donc pas à démontrer la nature universelle de l’homme.

Il reste cependant très pertinent de noter les corrélations existantes entre différentes cultures. Cela devrait nous inciter à nous plonger plus dans l’histoire de l’humanité afin d’analyser comment de tels comportements connexes peuvent exister ; une sorte de réflexe pavlovien ? smiley

En tout cas, vous avez créé, chez moi, un attrait pour cet anthropologue dont je ne connais pas l’ampleur des travaux ; je vous en remercie.


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