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Commentaire de Pierre Régnier

sur Nul n'est prophète en son pays


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Pierre Régnier Pierre Régnier 12 octobre 2007 12:57

Une petite correction : la fatigue aidant j’ai dit dans mon dernier texte, entre parenthèses que, parmi ceux qui appliquent les mauvaises consignes religieuses il y a moins d’individus se limitant à la simple maltraitance que d’individus meurtriers. J’ai voulu dire le contraire : heureusement, ce sont les meurtres qui sont les plus rares.

Ceci dit, Forest Ent. je fais le même constat que vous : je vois MOINS qu’ailleurs des gens violents parmi les juifs, les chrétiens, les musulmans que je rencontre. Et j’apprécie la doctrine sociale de l’Eglise catholique, pour laquelle j’ai milité à la JOC, il y a plus de 50 ans, quand j’étais un fervent catholique pratiquant.

Miaou aimerait que je mette en cause le judaïsme « davantage concerné par l’Ancien Testament que le christianisme ». Soit, voici une confirmation juive, très significative, de la « juste violence de Dieu ». Je la prends dans le « Guide des égarés » de Maïmonide, édition Verdier en un volume de 1979, pages 126 à 128 :

Pour Maïmonide, Dieu, « parfait en actes », intervient bien pour exercer ou commander de très justes massacres d’êtres humains : « Nous trouvons, au nombre de ses actions qui se manifestent sur les hommes, de grandes calamités qui fondent sur les individus pour les anéantir, ou qui enveloppent dans leur destruction des familles, et même une contrée entière, font périr plusieurs générations à la fois et ne laissent ni culture ni progéniture, comme, par exemple, les croulements de sol, les tremblements de terre, les foudres destructrices, L’EXPÉDITION FAITE PAR UN PEUPLE CONTRE UN AUTRE POUR LE DÉTRUIRE ET POUR EFFACER SA TRACE (c’est moi qui souligne). Ces actions de Dieu »sont nécessaires pour gouverner les états ; car la suprême vertu de l’homme est de se rendre semblable à Dieu autant qu’il le peut, c’est-à-dire que nous devons rendre semblables nos actions aux siennes« . Maïmonide donne même ici une intéressante explication sur la fameuse précision contenue dans le Décalogue : »je suis un Dieu jaloux, châtiant la faute des pères sur les fils, sur la troisième et sur la quatrième génération« (Ex. 20,5). »On s’est borné« , dit Maïmonide, »à quatre générations, parce que l’homme ne peut voir de sa postérité que tout au plus la quatrième génération. Ainsi, lorsqu’on tue la population d’une ville livrée à l’idolâtrie, on tue le vieillard idolâtre et sa race jusqu’à l’arrière-petit-fils, qui est l’enfant de quatrième génération. On a donc, en quelque sorte, indiqué qu’au nombre des commandements de Dieu, (je souligne) QUI INDUBITABLEMENT FONT PARTIE DE SES ACTIONS est celui de tuer les descendants des idolâtres, quoique jeunes enfants, pêle-mêle avec leurs pères et leurs grand-pères« . Maïmonide précise que Dieu commande ces massacres »en raison du démérite de ceux qui sont punis« . On ne doit en aucun cas y voir »des actions comme celles qui, chez nous, émanent d’une disposition de l’âme, savoir, de la jalousie, de la vengeance, de la haine ou de la colère«  ; »celui qui gouverne l’état, s’il est prophète« , doit bien »faire disparaître tous ceux qui se détournent des voies de la vérité« , »un acte qu’exige la raison humaine« mais il doit le faire en prenant Dieu pour modèle et en tentant d’oublier ses mauvaises motivations humaines »à tel point qu’il doit ordonner de brûler un individu, sans éprouver contre lui ni indignation, ni colère ni haine, n’ayant égard, au contraire, qu’à ce qu’il lui paraîtra avoir mérité, et considérant ce que l’accomplissement de cet acte a de souverainement utile pour la grande multitude« . Maïmonide ajoute enfin, comme le font presque toujours les auteurs de textes justifiant la violence attribuée à Dieu : »Malgré tout cela, il faut que les actes de miséricorde, de pardon, de commisération et de bienveillance, émanent de celui qui gouverne l’état, bien plus fréquemment que les actes de punition"

Je dis que c’est significatif de trouver ça chez Maïmonide parce qu’il est, à juste titre, l’un des plus estimés penseurs juifs. C’est lui, notamment, qui a établi les « Treize principes » constituant encore aujourd’hui le commun dénominateur des différentes tendances du judaïsme. Il en est ainsi dans toutes les religions, et c’est bien ça le problème : comment se débarrasser du pire quand il est véhiculé AUSSI par ceux qui mettent en lumière le meilleur de Dieu ? Le plus significatif et le plus navrant c’est que, lorsque j’ai étudié le « Guides des égarés », dans une synagogue avec un ami juif (père et frère aîné morts à Auschwitz, ce qui n’est pas pour moi un détail) personne ne semblait choqué. On a simplement contourné le texte, étudié « des choses plus intéressantes » comme on fait toujours dans ces cas là quand on s’intéresse aux religions. Ceci résume tout ce que j’ai précédemment essayé de dire : ce qui me choque c’est qu’on en soit encore là, 12 siècles après Maïmonide : on CONTOURNE.

Or ceux qui, aujourd’hui, tuent au nom de Dieu sont ceux QUI NE CONTOURNENT PAS les textes sacrés criminogènes (même s’ils ont parfois aussi d’autres motivations : politiques, sociales...). Ils les prennent très au sérieux, et ils ont toujours la confirmation, par leurs institutions, qu’il faut bien prendre ces textes au sérieux puisqu’ils sont, tout autant que les textes sacrés les plus pacificateurs, l’authentique « parole de Dieu ».

Les responsables religieux d’aujourd’hui sont parfaitement conscients de cela et, même s’ils le cachent, ils sont maintenant effrayés par l’impasse où les a enfermés la théologie et le dogmatisme des siècles précédents. Ils SAVENT - et je prétends que tout le monde le sait - que leur DEVOIR est maintenant de renverser la situation. Il est par exemple de dire très clairement et très publiquement, et D’ÉCRIRE que, lorsque qu’il y a, dans leurs textes sacrés, un appel à commettre des maltraitances et des meurtres ÇA N’EST PAS DIEU QUI L’ÉCRIT mais un prophète QUI SE TROMPE, même s’il croit vraiment exprimer la véritable volonté de Dieu. Les actuels chefs religieux savent qu’ils doivent écrire ça À LA PLACE de tous les passages qui, dans les interprétations, commentaires, exégèses, catéchismes divers... de leurs religions respectives confirme et justifie, même indirectement, la prétendue violence « voulue par Dieu ». Ça n’est pas facile mais - là encore je prétends que tout le monde le sait - la paix et la société des droits de l’homme est impossible sans cette radicale réforme.

Je ne veux pas répéter ma thèse en « Neuf points pour en sortir » puisqu’elle est déjà sur AgoraVox. Mais je vous y renvoie. Vous la trouverez à la rubrique ACTUALITÉ/Religions, dans l’échange que j’ai eu avec Léon Ouaknine à la suite de son article « Laïcité et accomodements raisonnables au Québec » du 27 septembre 2007.

On n’est pas si loin qu’il y paraît de René Girard, il faut simplement lui emboîter le pas : puisque l’institution judicaire a rendu inutile la « nécessité » ancienne de la violence HUMAINE sacralisée il faut rejeter sans ambiguïté la violence HUMAINE encore aujourd’hui attribuée à Dieu. Le massacre de la Saint-Barthélémy, comme celui des tours de Manhattan ÉTAIT BIEN commis AU NOM de Dieu, mais Dieu n’avait rien à voir là-dedans. La CONCEPTION, reçue de leur religion, que les meurtriers avaient de Dieu, SI !


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