Rarement, il nous aura été donné, d’aussi magistrale façon, une analyse de ce que soudain, certains qualifient d’« évaporation de l’Etat belge ». Brillant assurément ! L’exemple, le cobaye « Belgique » est cependant prié ici de se ployer à l’exercice de démonstration de l’auteur. Ne consentons ni à l’attaque ad hominem, ni davantage à l’aveugle absurdité. Avec d’autres contributeurs, demandons à l’auteur de nous éclairer par ce qu’il entend par le truisme évanescent de « nouvelles solidarités ».
En effet, il convient mal d’opposer, en cette Belgique dépourvue de Belges selon le mot célèbre de Jules Destrée à l’intention du souverain à l’entame du XXe siècle, un pays fantasmé pour les besoins de la démonstration à un idyllique paradis de l’entente populaire.
« Une faction de l’oligarchie financière internationale a pris la décision d’accélérer le processus » d’évaporation de cet Etat belge, nous assène Karel Vereycken. Certes, il n’y a guère d’anges dans le groupe de la Warande. Davantage de nostalgiques du mouvement flamand au noir romantisme, frappé de l’idéologie collaborationniste. Remi Vermeiren, avant d’être un spécialiste des marchés dérivés, fut et reste inculpé pour avoir, à la tête de la très flamande et réactionnaire Kredietbank, orchestré la plus vaste fraude fiscale au détriment de l’Etat Belgique... L’avenir nous dira si, enfin, ce pays petit (Lépold II le méprisait ainsi) jugera ces grands inciviques qui s’inscrivent dans la longue volonté d’une Flandre dévoyée, de nuire, par tous les moyens dont elle croit disposer, aux mamelles qui l’ont émancipée.
En revanche, rapprocher la Warande du vicomte Davignon, dans une commune volonté d’attenter à la Belgique, relève, sinon de l’erreur, du moins de la désinformation. Il ne suffit point de siéger au sein d’une même conseil d’administration pour partager un point de vue identique. Tout au contraire ! S’il demeure quelques nostalgiques d’une Belgique puissante, internationalement reconnue et au verbe étincelant, c’est bien en Etienne Davignon que nous la retrouverons. Diplomate de haut vol, chef de cabinet de Paul-Henri Spaak (alors socialiste) puis de Pierre Harmel (chrétien-démocrate) aux Affaires étrangères, il fut un commissaire et vice-président de la Commission européenne respecté avant de mettre son prestigieux carnet d’adresses au services d’une Société Générale qui n’allait pas tarder à choir aux mains françaises de Suez. S’il ne put empêcher cette domination française, il maintint le pôle énergie (Tractebel) à Bruxelles, permettant l’éclosion d’une nouvelle élite patronale francophone, des très dissemblables Philippe Bodson à Jean-Pierre Hansen...
Sans doute doit-on, sans que l’auteur ici formellement querellé aborde la question, noter le caractère insaisissable d’une quelconque belgitude parmi les capitaines d’industrie marquant le tournant du XXIe siècle. Quoi de commun, en effet, entre un Etienne Davignon et un Maurice Lippens (Fortis Banque et Assurance), voire un François Narmon (Dexia Banque), qui tendent à sauvegarder une identité à un Etat qui, toujours, en a manqué et un pirate tel Albert Frère. Car, loin de la légende parisienne du fils de marchand de clous, l’homme de Gerpinnes, prétendument le plus riche de Belgique, s’amuse de ses brillants coups de bourse. Après avoir vendu, cher et vilain, la sidérurgie wallonne à l’Etat belge, s’être allié au Canadien Paul Desmarais senior, l’octogénaire s’amuse selon son terme à accroître sa « galette ». Etrange revanche de l’autodidacte de génie qui, un jour, fait vaciller Lafarge, le lendemain acquiert un vignoble ou une salle d’enchères prestigieuse, le surlendemain juge bon de s’offrir une chaîne française de brasseries où il ne mettra les pieds tandis qu’en pantouffles, il gagne son bureau très provincial pour mieux dominer Total, Suez ou Lafarge après avoir saigné Bertelsmann.
Karel Vereycken ne rencontre pas davantage notre assentiment lorsqu’il assimile Bruxelles à un futur district européen affublé d’un string étoilé. Tout d’abord, un épiphénomène du type « Bye Bye Belgium » reste avant tout une fiction. Ensuite, la Région-Capitale de Belgique et Capitale de la Région Flandre (une absurdité eu égard à la prégnance de plus de 85% de francophones résidents) représente un tel casse-tête politico-juridique qu’elle échappera très difficilement au statu quo. Non sans relever qu’une Europe dont le centre de gravité s’est nettement déplacé à l’Est n’aurait que faire d’une zone en déshérence que rien ne la prépare à gérer. Au contraire d’ailleurs, voici des années que les élus bruxellois, après une ère de corruption foncière qui permit à l’Union d’obtenir les surfaces indispensables à ses services mais laissa la ville en lambeaux, font appel à une quasi cogestion de l’Union. En vain hélas, quand cette capitale européenne présente les caractéristiques essentielles d’un brassage culturel, d’une ouverture historique aux influences les plus cosmopolites, d’une soif d’universalité que caractérisent parfaitement ses institutions académiques et culturelles.
Karel Vereycken pourra ainsi constater que, de prémices différentes, nous aboutissons à de semblables conclusions. Tout au plus, sommes-nous au trop ou insuffisamment proches de l’objet du débat. Avec cette caractéristique des Belges francophones aujourd’hui déchirés. Faut-il préférer le rattachement à une France foncièrement et majoritairement réactionnaire, tenter de sauvegarder l’unité de ces quelques arpents qui furent au XIXe siècle la troisième puissance économique mondiale, au espérer un sursaut dans ce que les économistes aiment à baptiser de « stand alone » ? L’humaniste, par définition de gauche, peine à se déterminer. Aussi n’est-il pas étonnant que la formation d’un gouvernement, plus encore contre-nature sans doute que feue l’alliance libérale-socialiste, se révèle aussi pénible.
Car, hors les ailes marchantes radicales du confédéralisme sinon de l’autonomie des communautés (FDF, Spirit et, surtout, NV-A) des partis en cause, se trouvent autour de la table de négociation autant d’esprits progressistes que d’éteignoirs conservateurs.
18/10 00:00 - orsi
LA Belgique n’a plus de gouvernement depuis quatre mois. Est ce que ça va plus mal depuis (...)
16/10 12:58 - luklamainfroide
Merci a l’auteur pour son article et qu’il ce rassure rien n’est parfait (...)
16/10 09:48 - JL
Le refrain ? Si on ne lit pas avec la musique en tête ce n’est pas la (...)
16/10 09:37 - Internaute
Il est erroné de dire que la nation est issue d’un « vouloir vivre en commun ». Les (...)
16/10 09:31 - TALL
Sachant que le Roi a, de l’aveu du Palais ( c’est donc un minimum ) : 12,5 M (...)
16/10 08:41 - Antoine Diederick
@slashbin (IP:xxx.x7.245.132) le 16 octobre 2007 à 01H18 Moi, non plus je ne suis pas un fana (...)
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