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Commentaire de Gazi BORAT

sur La lecture politique de la lettre de Guy Môquet : l'État n'outrepasse-t-il pas ses droits ?


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Gazi BORAT 18 octobre 2007 17:48

@ Marsupilami

Bonjour,

entièrement d’accord sur les possibilités qu’avait Guy Mollet de connaître la nature du régime stalinien : quasiment nulles..

Le militant de base qui travaillait dans son usine avait d’autres préoccupations..

Par contre, à des niveaux plus élévés dans la hiérarchie du Parti, les moyens existaient de connaître la vérité mais la terreur règnait et la diffuser était risqué..

Le risque majeur était l’exclusion : expérience aussi terrible que l’excommunication pour un Chrétien du Moyen Age..

Le degré supérieur était « l’invitation » en Union Soviétique.. Celle ci pouvait être amicale, être assortie (au début) d’une chambre à l’hôtel Lux et continuer ensuite par la Loubianka avant la visite de la Sibérie.

Encore au dessus se trouvait la possibilité d’être purement et simplement enlevé, transporté à partir du Havre dans un cargo soviétique et arriver directement à la Loubianka..

On ne peut comparer la situation à celle des Allemands dont les camps de concentration couvraient dès 1933 tout le territoire et dont chaque famille pouvait avoir un membre qui y soit passé à titre disciplinaire.*

Un travailleur qui, dans l’Allemagne nazie, se mettait à tirer au flanc, faire durer ses arrêts maladie, traîner à retrouver un emploi après s’être fait licencier, pouvait se voir condamner à un court séjour dans un camp comme Dachau, histoire de lui redonner le goût de la productivité, pour le plus grand bien de l’industrie et de l’effort de guerre national.

Nul doute que, malgré la déclaration qu’ils signaient de ne rien révéler des traitements qu’ils avaient subis, ils devaient en parler à leur entourage et ainsi contribuer à répandre la terreur que souhaitait le régime.

De telles possibilités de connaître l’univers concentrationnaire soviétique, si elles n’existaient pas pour le militant de base du PCF, étaient par contre à la portée des intellectuels et dirigeants du Parti qui visitèrent le « pays du socialisme réel ».

Là, pour ceux qui découvrirent des aspects sombres du régime, les réactions furent variées mais consistèrent principalement à espérer que le régime dépasserait ses contradictions dues à une phase délicate dans la marche difficile de la « construction du socialisme » et :

- Ne pas en parler pour « ne pas désespérer Billancourt »

- Ne pas en parler pour ne pas donner d’arguments aux fascistes

- Ne pas en parler pour ne pas briser son ascension dans l’appareil..

.. car, ne l’oublions pas, le communisme soviétique, au contraire du nazisme, était un dévoiement d’un idéal à base généreuse. Le nazisme, de son côté, abattait nettement les cartes du racisme et de l’exclusion des untermenschen de la volksgemeinschaft allemande.

Ce n’est réellement qu’à partir de 1948, au moment de la diffusion en Europe de deux documents irréfutables rédigés l’un par le transfuge Kravchenko, l’autre par Margarete Buber Neumann qui connut la Sibérie et Ravensbrück que nul ne pu plus dire qu’il « ne savait pas »

Le procès à Paris de Kravchenko contre « les Lettres Françaises »*** eut un grand retentissement et chacun, s’il souhaitait s’engager dans cette démarche, pouvait croiser les bribes d’information dont il disposait avec les faits révélés ici au grand jour..

http://www.republique-des-lettres.fr/856-victor-kravchenko.php http://fr.wikipedia.org/wiki/Margarete_Buber-Neumann

Pourquoi alors le choc n’est il survenu qu’avec la publication de « l’Archipel du Goulag » ?

Ceci est une autre (et longue) histoire...

Qoi qu’il en soit, le jeune Guy Môquet était au moment de son arrestation à mille lieux de ces problématiques..

gAZi bORat

* Hans Mafalda : seul dans Berlin


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