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Commentaire de Gazi BORAT

sur La lecture politique de la lettre de Guy Môquet : l'État n'outrepasse-t-il pas ses droits ?


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Gazi BORAT 18 octobre 2007 18:53

« De l’Histoire et des jeunes générations »

A titre personnel, je trouve tout d’abord que, d’une part le choix de ce texte n’est pas des plus heureux, d’autre part que les conditions dans lesquelles il va être lu ne sont pas les plus propices à créer chez le public auquel il est destiné les conditions d’une réflexion..

Sans un travail préalable de préparation, il risque de passer pour une commémoration à visée moralisatrice qui risque fort de provoquer des réactions de rejet.

J’ai ainsi eu un jour l’occasion d’intervenir sur un groupe de jeunes dits « de banlieue » de la région lyonnaise sur un contenu appelé « Monde contemporain » où je devais, avec un cahier des charges plutôt large, les éveiller à l’Histoire.

Je trouvais important qu’ils soient sensibilisés à cette période de notre passé récent et avait choisi le thème de la Résistance en raison de la sortie à l’époque du film « Lucie Aubrac » tourné à Lyon et où ils pouvaient plus facilement se projeter dans le sujet grâce à la vision dans le film de lieux qui leur étaient familiers.

Nous avions visité ensemble le Musée de la Résistance et invité deux témoins, résistants déportés.

J’avais volontairement passé sous silence les camps de concentration, en raison des réactions de rejet que certains jeunes pourraient ressentir à l’évocation de la Shoah, en raison des évènements que connaissaient à ce moment précis le Proche Orient.

Je préférais que celui-ci soit abordé directement par les témoins, qui ne pourraient s’empêcher d’évoquer leur expérience à Buchenwald..

Le premier commença à parler. Il avait seize ans, n’était à cetteépoque et selon son aveu pas franchement politisé mais membre d’une organisation de jeunesse du Parti Communiste. Il s’engagea dans l’action clandestine « pour suivre les copains »..

Il raconta ensuite son passage à la prison St Paul, son transport en train puis l’arrivée à Buchenwald..

Il s’arrêta et proposa à l’auditoire de poser des questions..

Les questions, préparées préalablement, portaient bien évidemment sur la Résistance mais aucune ne fut posée sur ce sujet.

Dès la première question, le vieux monsieur raconta doucement une anecdote horrible et tous les jeunes, d’habitude plutôt « remuants » furent totalement tétanisés..

La séance dura qautre heures en place des deux prévues et, à l’issue, ils raccompagnèrent tous ensemble les deux vieillards jusqu’à leur montée dans l’autobus.

Cette rencontre alimenta leurs discussions pendant les quinze jours qui suivirent et, je pense, les marqua durablement. Ils me dirent que, ce jour là, ils s’étaient rendu compte de ce que pouvait être l’Histoire..

Les deux témoins, lorsque je les contactai par téléphone le lendemain, me dirent qu’ils avaient été très touchés par l’intérêt que les jeunes leur avait manifesté et par la qualité de leurs questions qui, je ne leur avouai pas, avaient été totalement spontanées et provoquées par le choc de la première anecdote.

La première question, provenant d’une jeune fille, avait été :

« Dans quelle langue vous parliez quand vous étiez dans le camp ? »

Et la réponse (de mémoire) :

"Le premier jour, on m’a appelé par mon numéro matricule en allemand, je n’ai pas compris de quoi ils s’agissait... Plusieurs me sont tombés dessus, m’ont roué de coups de bâton, et c’est comme ça que j’ai perdu mon oeil..

Le soir, un vieux m’a appris et le lendemain, je comptais en allemand jusqu’à dix milles.."

Je n’ai, depuis, jamais renouvelé ce type d’expériences ni continué dans la voie pédagogique mais j’avais été, moi aussi, impressionné non par les témoignages mais par ce moment de dialogue entre génération qui, je pense, ne risque pas de se produire avec la lecture imposée de la lettre du jeune Guy Môquet.

gAZi bORAt


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