Bonjour Manuel,
Votre commentaire est intéressant et me fait réagir, car je comprends votre point de vue, sans toutefois le partager.
Vous développez votre point de vue sur le journalisme citoyen au travers de la diversité de l’information et aussi de sa transmission, via les nombreux « types » d’article qu’on peut lire sur le site, et en cela vous avez raison. Cette diversité est intéressante, précieuse et constitue l’un des attraits d’un tel média par rapport à d’autres moyens d’information plus classiques.
Cela étant, Agoravox se définit lui-même comme étant une plate-forme de journalisme citoyen, au sens large du terme certes mais de journalisme quand même. Sans verser dans le scolaire, rappelons brièvement la définition de journalisme donnée en l’occurrence par wikipédia :
« Le journalisme est l’activité qui consiste à collecter, rassembler, vérifier et commenter des faits pour les porter à l’attention du public à travers les média. »
Je me permets d’insister sur cette définition, et principalement sur la notion de faits qu’elle comporte. Bien sûr on peut toujours débattre sur l’ajout du terme citoyen que la nature grand public d’une initiative comme AV lui a rajouté, en affiner notre perception au gré de notre ressenti, mon idée ici n’étant pas un débat de fond sur la définition première. Je livre donc seulement un point de vue qui est le mien.
Or la notion de faits vérifiés et commentés semble être un aspect du journalisme bien peu pris en considération par nombre de rédacteurs du site. C’est leur droit me direz-vous, et je ne leur dénie pas. Seulement il convient alors de s’entendre sur ce que l’on appelle journalisme, et ce qu’on vient chercher sur un site dédié au journalisme citoyen. A mon sens, un billet d’humeur traduisant une opinion personnelle et émotionnelle, souvent basée sur une information imparfaite ou tronquée, ne constitue pas en soi œuvre de journalisme citoyen ou non, tout article qu’il devienne.
Vous dites qu’on peut préférer les discussions de comptoir au café du commerce. Je ne m’en refuse pas non plus Mais une discussion de comptoir reste une discussion de comptoir et un article journalistique un article journalistique, et sont deux choses bien distinctes. Si je conçois qu’un débat suite à un article tourne à la discussion de comptoir, il m’est moins évident que l’article qui lui sert de base relève lui-même déjà de la discussion de comptoir. Quand je lis une production digne d’un blog perso et publiée quand même, j’ai le sentiment d’être sur un blog perso, et non sur un espace de journalisme citoyen.
Peut-être est-ce moi qui me fais une idée trop noble ou réductrice de ce que devrait être le journalisme citoyen, amateurisme et côté virtuel mis à part. Mais je garde dans l’idée que son côté à part ne le dispense pas de la nécessité de correspondre un minimum à sa définition première. Pour deux raisons.
La première est la défiance de plus en plus marquée du public par rapport aux média classiques, qui joue un rôle important dans l’attrait d’un site comme Agoravox. A me lire vous devez sans doute vous dire que les journalistes dits professionnels ne font souvent pas preuve de davantage d’objectivité qu’une catégorie de publications locales que je critique, et vous aurez raison. Mais justement, là est à mes yeux l’intérêt premier d’un site comme Agoravox, et il me semble que c’est l’avis de bien des visiteurs : fournir une information alternative non filtrée et traitée par les influences politiques des rédactions.
Or lorsque la « contre-information » (par rapport à d’autres média) devient une norme, ou lorsque un sujet publié ne reflète que l’humeur du jour d’un auteur en quête d’e-reconnaissance, il me semble qu’on s’éloigne de cet intérêt premier.
La deuxième réside dans la notion de diversité que vous défendez, au nom d’une ouverture d’esprit que je partage. Cependant la diversité telle que vous semblez la présenter ne constitue pas à mes yeux la limite de cette ouverture d’esprit. On peut faire le choix d’une diversité absolue et sans filtre, mais si cela doit coûter une perte en qualité, alors ce choix mérite débat. Parce que c’est au travers de la qualité, des productions des rédacteurs en l’occurrence, que se développe l’ouverture d’esprit qui permet cette diversité.
A ce titre, et c’est ce que fait l’auteur au travers de sa réflexion, il me semble qu’on peut légitimement s’interroger sur le traitement de cette diversité et les pistes d’amélioration qui en découlent. Si on se détache, en son nom, de la notion de journalisme citoyen au profit d’une autre correspondant plus à une plate-forme de blogging, peut-être n’est-on alors plus vraiment dans le journalisme citoyen. Et peut-être n’est-ce alors plus ce que viendraient chercher, à la base, les visiteurs du site.
J’ai effectivement pointé du doigt l’absence d’article sur le Pakistan. Sans doute aurais-je pu en écrire un moi-même, certes, et c’est peut-être ce que je ferai si ce vide persiste. Mais ce que j’ai surtout voulu traduire, en prenant aussi l’exemple des six articles sur Sarkozy, c’est cette influence encore trop vivace du conditionnement des autres média sur les articles AV, alors qu’il est pourtant notoire qu’une majorité d’intervenants clame haut et fort son indépendance par rapport à ce conditionnement. Et ce simple constat conduit à ma réflexion ci-dessus à propos de la qualité dans la diversité, qui est finalement le fond de ce fil.
Les gens parlent de ce qui les intéresse et ce site sert à ça. Mais quand il apparaît, à la lumière des sujets des articles, du nombre de commentaires sur ceux-ci et d’autres données du même genre, que malgré une ouverture d’esprit revendiquée et un besoin de traitement alternatif de l’information, « on » décide toujours pour eux de ce qui les intéresse, ça me laisse la désagréable impression que les choses ne sont pas tout à fait à leur place, une sorte d’illusion, peut-être, de se trouver dans un autre type d’information quand ça n’est pas vraiment le cas. Le fait de posséder un accès Internet et de pouvoir se connecter sur Agoravox suffit en lui-même à offrir un autre type d’expression, mais pas nécessairement d’information, et ce par absence de sélection. C’est en cela que ce débat prend tout son intérêt et méritait d’être soulevé.
Et me fait me dire qu’une diversité qui prend davantage en compte la qualité ne nuirait en rien à l’ouverture et aux débats citoyens constructifs, bien au contraire.
Cordialement