On n’ose pas non plus dire que tout le monde était au courant des projets de l’Arche de Zoé. Ils avaient été reçus par le Ministère en juillet, l’agence Capa avait envoyé un journaliste les suivre, et ils ont été transportés par des avions français.
Et surtout, une très troublante vérité : depuis le début de la « crise », on n’a pas entendu Bernard Kouchner. Lui, l’homme du corridor humanitaire au Darfour (encore dans les limbes), celui qui prône l’ingérence humanitaire, l’indigné perpétuel, qui nourrit les pauvres Somaliens à coup de sacs de riz. On l’a connu plus prompt à brandir son indignation soucieuse. Et ce silence est révélateur de toute cette affaire.
Oui, pourquoi ce silence ? Tout simplement parce que les « zozos » de l’Arche de Zoé (quel nom !) ont tout simplement appliqué les méthodes du bon docteur Kouchner, mais en moins médiatique. Ils se sont dit : oh la la des petits nenfants malades, ils seront mieux chez nous, allez hop on va les sauver, on a le droit, c’est de l’ingérence humanitaire. Notre charité nous protègera des infractions, nous avons le bon droit pour nous.
Et l’Etat a laissé faire, non parce que « personne ne se doutait », mais parce qu’on a regardé avec bienveillance cette expédition si sympathique (on pourrait la récupérer ?).
Et Idriss Deby a laissé faire, en attendant de faire comme son « grand frère » Khadafi, qui venait d’humilier publiquement l’Occident avec ses infirmières bulgares. Il savait que notre Sarko ne résisterait pas à une conférence de presse d’autoglorification à N’djamena (soyons honnêtes, il n’avait peut-être pas prévu le départ de la Grande Négociatrice, qui depuis fait ses courses au supermarché avec ses enfants).
Et le jour où il avait suffisamment de matériel pour déclencher l’affaire, il a frappé.
Et tout a suivi. Comme sur du papier millimétré. On a même eu en prime Khadafi se posant comme médiateur, fallait oser.
Voilà pourquoi on n’ose pas tout dire.