Sans avoir la prétention de me mettre dans la tête de nos gouvernants, je pense que justement, le but n’était pas d’en faire un instrument « dissuasif », mais de « prise de conscience ». Cela, vous me l’accorderez, est tout de même très différent.
Toute la difficulté dans la définition d’une politique publique réside dans le choix du bon niveau de la mesure. Je m’explique. Même avec les meilleurs experts du monde, il est quasiment impossible de mesurer, EN AMONT, ce qu’on appelle l’élasticité - ou effet multiplicateur.
Pour employer d’autres mots, on ne connaît pas le niveau de « tolérance à la dépense » des personnes qui n’ont pas conscience des coûts astronomiques du système de santé. Cette « tolérance » est bien entendu inévitablement en partie influencée par le niveau de revenu de la personne.
En revanche, vous l’avez peut-être déjà remarqué, les personnes les plus riches ne sont pas toujours les moins radines. Ce n’est pas une règle générale (riche = radin), car ce serait aussi stupide que de dire l’inverse (riche = généreux). Mais l’acceptation d’une dépense n’est pas uniquement liée au niveau de revenu.
C’est un élément dont les facteurs sont en grande partie psychologiques, et donc de ce fait très difficiles à anticiper. D’où le choix d’une mesure très faible -histoire de ne pas provoquer un choc d’accès aux soins pour les moins favorisés - et de niveau variable dans le temps, afin de pouvoir faire bouger le curseur en fonction des résultats.
Il est possible évidemment qu’il s’agisse là d’un complot des patrons et de la droite riche, décomplexée et en bonne santé contre la gauche pauvre, déconfite et malade, mais je n’y crois guère.
Je pense sincèrement que les gens qui ont préparé cette mesure - à savoir les services administratifs du Ministère de la Santé - cherchent sincèrement et en dehors de toute considération idéologique, à sauver notre système social dont le coût est en train de déraper dangereusement.
C’est pourquoi je pense qu’on ne peut pas faire l’économie d’essayer cette mesure. Elle n’est certainement pas la seule. La prise de contrôle de l’Etat sur la protection sociale, la réorganisation des hôpitaux dans un sens plus collaboratif, afin de résorber les gaspillages et la dipersion des subsides, la reprise en main des relations avec les laboratoires pharmaceutiques, le dossier médical personnel sont tout aussi indispensables.
Mais il faut au moins essayer cette mesure et voir de quelle manière elle influe sur la demande de santé.