Je me permets une incidente dans le cadre général du sujet de cet article. Il me semble que les commentateurs ont souvent raté le point central de la crise des subprimes.
Une des raisons majeures de l’effondrement du pouvoir d’achat, c’est le logement. Cela explique que le problème soit mal mesuré par l’indice INSEE, qui est un indice de croissance, et pas de pouvoir d’achat, et qui en tient peu compte, alors que le logement pèse très lourdement sur les ménages peu aisés et les jeunes. Le logement est très cher parce qu’il a absorbé après 2002 une grande part de la spéculation financière, c’est à dire de la masse énorme de dollars créés depuis dix ans. La pierre constitue le principal point de jonction entre la finance et le monde réel, parce que les logements sont à la fois des placements et des biens d’usage.
La plupart des commentateurs ont constaté à l’occasion de cette crise que les banques avaient vraiment forcé sur la création de dollars, et que c’était bien triste pour les acheteurs qui allaient se faire virer de chez eux.
Le point central qu’ils ont raté, à mon avis, c’est que, en dehors de cette crise, le fonctionnement d’un système totalement libéralisé et poussé à son extrême consistait tout bonnement à ce que ce soit LES MENAGES LES PLUS PAUVRES QUI PAYENT LEUR LOGEMENT LE PLUS CHER. C’est la simple logique de marché : un pauvre est un risque et doit payer une prime de risque. Mais il se trouve aussi que c’était sur leur dos que les rentabilités les plus fortes étaient escomptées ... s’ils payaient.
Si l’on sort de cette logique tout-marché et l’on accepte que l’Etat serve à quelque chose, il y avait de meilleures solutions. Si c’est l’Etat qui prend le risque à sa charge par solidarité, on évite ce genre de crise, les pauvres souffrent moins et achètent autre chose, ce qui dégage une croissance non financière, etc ... et le bilan est globalement meilleur. Ca s’appelle le « logement social », le « prêt épargne-logement », etc ... Et c’est en gros tout ce que le gouvernement actuel va essayer de détruire en s’alignant sur le nihilisme social néoconservateur.
Nous allons vers une fracture sociale décomplexée : les pauvres n’ont qu’à crever car ce sont des feignants.
Je vois grandir depuis 20 ans quelque chose qui me semble ressembler à une situation pré-révolutionnaire.