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Commentaire de Philippe Aigrain

sur Le Conseil constitutionnel neutralise l'article « ADN »


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Philippe Aigrain Philippe Aigrain 17 novembre 2007 10:57

Je ne suis pas d’accord avec l’analyse développée, qui ne me parait pas basée sur une lecture attentive de la décision du Conseil constitutionnel. L’article attribue au Conseil des limitations qui sont celles de la révision de l’amendement par le Sénat (caractère facultatif, suivi judiciaire) et analyse de façon à mon avis erronée l’élément clé introduit par le Conseil, à savoir le fait que la loi applicable soit celle de la mère. Si vous vous reportez à la décision du Conseil http://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2007/2007557/2007557dc.htm vous verrez que cette mention sert en fait à retoquer un argument des requérants qui demandaient la censure de l’article. Les opposants avaient en effet souligné que la possession d’état (le fait d’être reconnu comme parent parce qu’on en assume le rôle en fait ou qu’on est habituellement reconnu comme tel par les autorités) rendait les tests ADN inutiles ou que ceux-ci risquaient d’empêcher de la reconnaître. Le conseil dit que si la loi applicable reconnait la possession d’état, et que les demandeurs peuvent la prouver, alors les délivreurs de visa devront la reconnaître aussi. Passons sur le fait que les membres du conseil ne seront pas là pour le vérifier à Abidjan ou Bamako. Mais surtout, certains ont cru pouvoir en déduire que les tests ADN ne seraient proposés que si la loi applicable (celle de la mère) les reconnaissait comme moyen de preuve de la filiation. Ce n’est en rien sûr, il suffira que la loi applicable reconnaisse la filiation biologique, ce qui est toujours le cas. Comme la possession d’état est difficile à prouver, il sera aisé de l’écarter. Plus généralement, les commentateurs positifs de la décision du Conseil ont totalement négligé l’inégalité de situation entre le demandeur de regroupement familial et ses interlocuteurs.

Je m’étonne aussi que l’article reproduise les justifications du Président du Conseil sur le fait que celui-ci ne juge pas la conformité à l’éthique de la loi. Jean-Louis Debré a également déclaré que le Conseil n’était pas une troisième chambre ou un gouvernement des juges, ce dont il faut lui donner acte. Mais en matière d’éthique, il faut être un peu plus regardant : la Constitution (notamment les dispositions du préambule de 1946) contient de nombreuses dispositions dont l’interprétation requiert un raisonnement éthique.

Enfin, comment peut-on affirmer à partir d’un raisonnement compliqué que la loi respecte l’égalité entre français et étrangers quand elle aboutit en pratique à leur proposer des tests génétiques qu’il serait interdit de proposer à des français demandeurs d’une décision administrative ?


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