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Commentaire de Sylvain Rakotoarison

sur Henri Poincaré, Hommage


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Sylvain Rakotoarison Sylvain Rakotoarison 24 novembre 2007 17:32

À l’auteur.

Merci d’avoir évoqué le souvenir de Henri Poincaré, mais je ne crois pas qu’il ait été si oublié que cela. Votre article aurait certes mérité d’être sans doute enrichi.

Scientifique moi-même, et même justement diplômé de l’Université Henri Poincaré à Nancy, j’aimerais cependant souligner modestement quelques points sans aucune volonté de polémiquer.

1. Si Albert Einstein est bien d’origine juive, il est lui-même athée sans renier son origine. On lui a même proposé d’être le premier Président de l’État d’Israël et il a refusé pour plusieurs raisons. Cependant, c’est effectivement à cause de son origine qu’il décide d’émigrer à l’Université de Princeton.

2. Henri Poincaré a en effet fourni beaucoup de matière à la Relativité restreinte d’Einstein avec des publications antérieures. Cela n’ôte rien à l’immense mérite d’Einstein qui, de toute façon, a poursuivi bien plus loin. Il n’est d’ailleurs (à ma connaissance) pas sûr qu’Einstein ait lu les publications de Poincaré (de nos jours, ce serait impossible, il y aurait une recherche systématique de l’état de l’art, comme on dit).

3. Mais je pense que la polémique n’est absolument pas de mise pour la raison simple que Henri Poincaré lui-même avait refusé toute prétention sur les travaux d’Einstein (je n’ai pas mes sources sous la main, hélas, qui n’étaient pas sur internet mais dans une publication scientifique papier, et je n’ai pas le temps de les retrouver, donc à prendre sous réserve de ma mémoire).

4. Sur le fait qu’une découverte aurait pu être trouvée par un autre individu, c’est sans doute un sujet très philosophique dont j’ai peu d’éléments, mais il me semble que c’est d’autant plus vrai à notre époque. En effet, les scientifiques sont TOUS formés dans le même moule, quel que soit leur pays. C’est d’ailleurs un avantage certain pour pouvoir se comprendre (en anglais bien sûr). Mais cela a la fâcheuse conséquence de produire des travaux qui sortent peu de la ‘pensée commune’. Si bien que les intuitions et les raisonnements qui ont abouti à tel axe de recherche auraient très bien pu surgir dans un autre cerveau. Après, ce ne sont que des considérations matérielles : financement de dispositifs expérimentaux et des doctorants, et rapidité dans le dépôt de brevets.

5. Sur la différence de discipline de Poincaré... là encore, j’observe que le maintien de disciplines en tiroir, avec leurs frontières, est un réel frein pour faire des travaux de recherche efficaces.

J’ai dirigé des travaux à Grenoble sur un procédé qui nécessitaient à la fois des magnéticiens, des cryogénistes, des métallurgistes, des spécialistes du sang et des valves cardiaques (entre autres). Sachant que les deux premiers sont des physiciens, les troisièmes des chimistes et les quatrièmes des biologistes et des mécaniciens, j’ai vite perçu que l’interdisciplinarité scientifique est une nécessité évidente (d’où l’intérêt d’un organisme comme le CNRS pour lequel tous les scientifiques étrangers nous envient).

Autre exemple : faire se développer des neurones sur un circuit imprimé. C’est une idée amusante qui a germé, mais qui pourrait se révéler très intéressante (essais expérimentaux déjà encourageants). Qui prend ? le physicien ou le biologiste ?

Maintenant, entre physiciens et mathématiciens, la frontière est très faible. Prenons par exemple le grand physicien britannique Dirac. Il a fait comme ce cultivateur qui, voyant son champ à labourer trop vaste pour sa bêche, s’arrête de cultiver et prend le temps de concevoir et réaliser un tracteur. Limité dans son outillage mathématique, Dirac a passé vingt ans de sa vie à développer des mathématiques pour approfondir la physique quantique.

Einstein d’ailleurs a fait aussi beaucoup de mathématiques, comme tout physicien théorique. Je ne vois donc aucune différence notable de pertinence entre l’apport d’un mathématicien et celui d’un physicien à ce type de recherche.

Afin de conclure plaisamment, j’aime citer cette belle phrase de Henri Poincaré :

« La pensée n’est qu’un éclair au milieu de la nuit. Mais c’est cet éclair qui est tout. »

Phrase précédée de celles-ci (pour la remettre dans le contexte) :

« Et cependant - étrange contradiction pour ceux qui croient au temps - l’histoire géologique nous montre que la vie n’est qu’un court épisode entre deux éternités de mort, et que, dans cet épisode même, la pensée consciente n’a duré et ne durera qu’un moment. »

Et une autre pour les crédules et les incrédules :

« Douter de tout ou tout croire, ce sont deux solutions également commodes qui, l’une et l’autre, nous dispensent de réfléchir. »

http://www.h-poincare.com/public/histoire/poincare3.htm

http://www.developpement-durable-lavenir.com/2005/08/04/henri-poincare

Bien cordialement.


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