carpdiem :
La première moitié de votre post ne fait que reprendre les étapes de la colonisation, avec les points forts, batailles, massacres, traités, etc. Nulle part vous ne mentionnez les guerres inter-tribales, pourtant bien attestées dans les récits ’illustrés’ des Indiens eux-mêmes.
A la limite, les faits que vous relevez fort justement, une fois analysés peuvent souvent donner une vision plutôt mesurée. Sait-on, par exemple, que la défaite de Saint-Claire coûta plus d’un millier d’hommes, un des carnages les plus terribles qu’ait jamais subi l’armée U.S. ? Que la cour suprême désavoua Jackson dans sa volonté d’expulser les Cherokees, mais que Jackson, en un abus de pouvoir manifeste, passa outre ? Qu’Ely Parker fut non seulement agent indien mais aide-de-camp de Grant pendant le guerre de Sécession, avec le grade de général ? Que plusieurs Indiens ou métis furent officiers U.S., relativisant nettement la question raciale (il était même prestigieux de se targuer de quelques gouttes de sang indien...) ?
J’en passe et des meilleurs. La politique U.S. fut une tension permanente entre une administration et une armée soucieuse de ménager les intérêts des électeurs et ceux des tribus qui constituaient des ’nations’ sous tutelle. La ruée incontrôlée des colons, en effet, provoqua des conflits incessants.
Mais la véritable tragédie fut l’incapacité de faire coexister deux modes de vie non seulement différents, mais parfaitement antithétiques, rien que dans leur définition de ce qu’est la propriété, de ce qu’est un territoire.
De ce qu’est l’éducation aussi : les Indiens des Plaines étaient horrifiés de voir comment les Blancs punissaient et battaient leurs propres enfants. En revanche, les ’braves’ en maraude d’une tribu étaient parfaitement capables d’attraper des enfants de la tribu ennemie et de les couper en morceaux, trouvant même l’affaire fort drôle (fait parfaitement avéré). La mort d’un guerrier donnait lieu à des débordements de chagrin, celle d’une femme ou d’un enfant nettement moins.
Plus généralement, l’Indien était collectiviste sur le plan matériel, mais farouchement individualiste sur le plan moral, alors que chez les colons c’était rigoureusement l’inverse. Par contre - et ici je contredis l’une de vos assertions, Blancs et Rouges ne s’accordaient que sur un seul point, la sujétion de la femme.
Il est parfaitement licite - et même juste - de condamner la destruction de l’environnement, le gaspillage, la fuite en avant de la société américaine. Ouvrir les terres aux colons pour que cinquante ans après ce soit les ’Raisons de la Colère’, quelle misère ! Il serait même possible de dire que le point d’équilibre de la société américaine, quand celle-ci était à son mieux, s’est située dans les dix premières années du XXe siècle.
Cela ne veut pas dire pour autant que la société des Indiens des Plaines ait été un paradis. On sait, par exemple, qu’ils pratiquaient le gaspillage, à leur échelle certes, comme tous les peuples nomades qui tendent à abuser en période de faste pour compenser les périodes de pénurie. De même, l’éducation fut toute entière tournée vers la guerre et la chasse - comme art de vivre, voler les chevaux du voisin et accessoirement se targuer d’avoir trucidé celui-ci, ou d’avoir emporté sa femme en esclavage, ne me semble pas très positif.
Mais comme vous le dîtes, il y avait des choses admirables dans cette culture des Plaines - et tout le monde, ou presque, en est convaincu. Inutile dans ce cas d’en faire un mythe comme à l’époque de Fenimore Cooper ou de Châteaubriand.