Je ne sais pas si le marché de l’immobilier va « se casser la gueule » l’année prochaine. En tous cas, il y a un problème de transparence du marché. Il est sans doute souhaitable que de grandes entreprises usent plus d’internet, pour lutter contre les petites agences immobilières qui vivent de la rétention d’information, et rétablissent de la concurrence. Sans doute y aurait-il lieu aussi d’interroger la règlementation qui protège le monopole des notaires, sans parler d’une légitime critique des centres des impôts fonciers (cadastre et hypothèques) qui sont les meilleurs témoins de l’archaïsme administratif.
Je voulais souligner que le libéralisme le plus traditionnel a du grain à moudre pour exercer la critique, et que le libéralisme lui-même recelle des trésors qu’apparemment seuls des libéraux d’extrême-gauche peuvent discerner. C’est ce qu’a fait Prodi il y a quelques mois en Italie en allant tailler dans les fromages de divers corporatismes qui nourrissent les rangs du très libéral Berlusconi.
Pour le reste de ce que j’ai lu, je crois qu’il ne faut pas oublier les aspects concrets, dont l’un des plus importants est la différence de moyens de gestion entre les collectivités locales. La distinction entre l’étalement urbain et l’hyper-étalement urbain que propose cet article est premièrement un argument tout à fait nouveau, que je ne connaissais pas en tous cas, deuxièmement il m’apparait être un argument bien incertain.
En ce qui concerne le coût de l’immobilier, il y a des variables micro-économiques et des variables macro-économiques. Il est évident que les taux d’intérêt et la fiscalité relèvent de la seconde catégorie. Alors que la règlementation urbaine appartient me semble-t-il beaucoup plus à la première. La fiscalité sur l’immobilier est insuffisante, en tous cas relativement aux autres actifs, et cela produit une inflation des actifs. Et il y a évidemment le plus emblématique : la fiscalité négative. Aujourd’hui dans la ville où j’habite, comme dans de nombreuses villes de France, il y a beaucoup de logements vides, construits pour cause d’aide fiscale et vides pour cause de loyers trop élevés par rapport à la demande des ménages (qui ne paient pas d’IRPP...).
Je voudrais essayer de souligner dans ce commentaire comment le micro-économique s’insère dans le macro. Je veux d’abord dire que les lunettes idéologiques ne font pas beaucoup de mal à ceux qui connaissent bien un sujet mais elles sont toujours un peu dangereuses pour ceux qui le connaissent moins. Je propose en préalable de mettre de l’ordre sur 2 points :
a) la comparaison avec les USA. Il y a une tradition de « Land use planning » très forte qui vient d’Amérique du nord, on parle plutôt d’urban planning aujourd’hui, mais surtout il ne faut pas oublier que le libéralisme des anglo-saxons est marié à une culture communautariste. Les services publics locaux sont beaucoup plus autonomes que chez nous, socialement reconnus, et souvent gérés avec une rigueur qu’on peut leur envier. Chez nous, les collectivités locales sont faibles et peu respectées : pas de séparation financière lisible avec l’Etat, des citoyens qui croient toujours légitimes d’en appeler aux services de l’Etat quand ils sont mécontents d’une décision municipale, etc. En bref, le libéralisme appliqué au foncier et à l’immobilier a des effets forcément différents suivant que le niveau public local (on dit local authorities et non collectivités locales - la différence est inscrite dans le langage) est puissant ou faible.
b) le prix des biens immobiliers doit s’analyser en comparaison des autres biens mais aussi en valeur relative, c’est-à-dire que la valeur des biens immobiliers se mesurent aussi par rapport à d’autres biens immobiliers. Je veux souligner par là que la considération économique globale sur le coût (excessif) des biens immobiliers ne doit pas faire oublier que chacun souhaite évidement une pérennisation de la valeur de son bien quand il investit à long terme. Autrement dit, la règlementation urbaine a un rôle déterminant de la protection de la valeur des biens sur le long terme et cette protection est aussi un objectif légitime. Ce que l’article de notre ami Vincent Benard semble négliger totalement.
En France, il y a une inégalité considérable de moyens dans les politiques publiques d’aménagement entre les zones rurales et les zones urbaines. Nous avons des zones rurales qui sont vides de compétences d’administration locale : c’est à peu près inversement proportionnel au nombre d’élus locaux par habitant ! En ce qui concerne la règlementation urbaine, il y a encore des règles de carte communale par exemple et une instruction des autorisations d’urbanisme totalement dominées par les services de l’Etat (DDE). Le tableau général, c’est d’abord une règlementation a minima appliqué par l’Etat. Et les communes exangues, à la fois sur le plan des projets de développement et sur le plan des ressources humaines pour protéger leurs intérêts, n’ont rien d’autre. Puis, plus on se rapproche de la ville, plus les élus locaux disposent de moyens administratifs propres et de projets qui les amènent à mettre en place des règles pour protéger les investissements publics et privés.
Le grand inconvénient de ce système, c’est qu’il rejette en permanence à la périphèrie les problèmes sur ceux qui ont le moins les moyens de les gérer et qu’il est terriblement inflationniste parce que le mouvement se fait constamment par la demande privée avec une prise en compte différée des équipements publics. Quand la première couronne est obligée de mettre de l’ordre dans son organisation urbaine, elle pose des contraintes et la demande privée refuse ces contraintes (dont le coût) en allant dans la seconde couronne, laquelle est progressivement atteinte par les mêmes nécessités urbaines et c’est reparti entre la deuxième et la troisième couronne... Et voilà comment on a des trajets quotidiens résidence/travail démesurés.
L’urbanisme pose fondamentalement le problème de l’articulation du public et du privé. C’est tenir deux bouts : le territoire comme bien commun et la propriété comme bien individuel. Le droit des sols est apparu parce que le droit de propriété est insuffisant à résoudre nos problèmes urbains. Ce n’est pas en chaussant les lunettes étroites du libéralisme pour regarder exclusivement le droit de propriété tel qu’a pu le penser les pères de la Révolution Française qu’on pourra faire face à l’étendue des contraintes de notre XXIème siècle.
04/12 22:19 - Tonio
Mmmh, en ce qui concerne la corrélation crise des loyers/réglementation, peut-on introduire un (...)
03/12 19:58 - Forest Ent
Oui, nous sommes d’accord sur beaucoup de choses, mais pas sur tout. Le « doublement » en (...)
03/12 12:33 - thomthom
Je suis globalement d’accord avec cet article, même si effectivement, je pense (...)
03/12 08:21 - Vincent Benard
@Forest ent « une flambée des prix Dans tout l’occident » : au risque là encore de me (...)
03/12 07:08 - brieli67
On parle et reparle régulièrement du Bâtiment et de l’immobilier en périodes difficiles. (...)
02/12 22:52 - Forest Ent
Echange fort intéressant et instructif. Merci Céline pour la distinction facteurs micro/macro. (...)
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