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Commentaire de Christophe

sur Défendre le principe du système de retraite par répartition


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Christophe Christophe 8 décembre 2007 19:59

Pour information, puisque Hurlevent est venu défendre son idéologie sur ce fil, voyons l’avis de Bruno Théret, Directeur de recherche CNRS- IRIS - Paris Dauphine en économie et sociologie (quelques extraits du liens suscité) :

Ce débat [entre économistes favorables soit à la répartition, soit à la capitalisation] a été mené principalement par les partisans de la répartition et d’une protection sociale de type bismarckien, mais aussi par des économistes et des démographes sans idées trop préconcues et soucieux de vérifier la portée scientifique des arguments avancés par les partisans de la capitalisation. Au fur et à mesure que ce débat s’est élargi, les mérites de la capitalisation au plan économique, financier et social, tout particulièrement dans le cas français, se sont révélés de plus en plus évanescents. Les arguments en faveur de la capitalisation sont alors devenus plus directement politiques. Ils ont également fait l’objet d’un débat critique qui en a montré la fragilité. [...]

Une fois reconnue que l’économie pure était d’une aide médiocre pour décider de la forme socialement optimale de financement des retraites, une fois reconnue également que toute réforme était d’abord un choix politique et social concernant la place des retraités dans la société future (notamment par rapport à celle des actifs), la question de la confiance dans les systèmes de retraite est apparue comme cruciale. [...]

Selon ses contempteurs, la capitalisation aiderait mieux que la répartition à faire face aux défis démographiques futurs. Pour les partisans de la répartition cependant, dès lors que l’espérance de vie augmente et qu’on veut maintenir le même niveau de retraites, la capitalisation n’exige pas moins que la répartition de trouver les ressources additionnelles nécessaires en les prélevant sur le produit intérieur brut de chaque année. La seule différence entre les deux systèmes réside, en effet, dans le type de créances qu’ils ouvrent sur ce produit et, corrélativement, sur la manière d’honorer ces créances. Dans la répartition, les droits sont fondés sur le travail passé alors que dans la capitalisation ils sont ouverts au titre de l’épargne accumulée. Mais que cela passe par le paiement de pensions financées par des cotisations ou par le paiement de rentes, il reste qu’il faut prélever davantage sur l’activité des actifs du moment pour distribuer du revenu à des inactifs en nombre croissant et vivant plus longtemps. [...]

La capitalisation n’est plus avantageuse, et ce du point de vue des futurs retraités, que dans le cas où le vieillissement de la population ne résulte pas seulement de l’allongement de l’espérance de vie, mais aussi du fait que le taux de reproduction de la population diminue structurellement en raison d’un taux de fécondité insuffisant. Dans ce cas, en effet, les augmentations de cotisation en régime de répartition ne se traduiront pas à due concurrence par un supplément de retraites futures pour la génération cotisante alors que le taux de cotisation en régime de capitalisation ne dépend pas directement du taux de reproduction de la population (Concialdi Pierre, et Lechevalier Arnaud, 2002, Normes de justice et formes de solidarité dans les réformes des régimes de retraite, communication à la Conférence internationale L’évolution des modes de finanacement des retraites et des revenues des personnes agées, ENRSP et IRES, 17-18 octobre, mimeo.). Ce qui pourrait alors inciter les générations actuelles à les refuser et à préférer la capitalisation. Mais la France n’est probablement pas dans ce cas de figure, contrairement à la plupart de ses voisins continentaux, puisque le taux de natalité y est tel que l’INSEE estime que la population devrait être en 2050 dans une fourchette entre 58 et 70 millions d’habitants contre 61,4 millions en janvier 2003.

Cela dit, même si la natalité se révélait insuffisante, il faudrait encore considérer que le point de vue des retraités, comme cela est répété tous les jours pour justifier les réformes visant à réduire leur part dans le revenu national, n’est pas nécessairement conforme à la rationalité macro-économique adoptée par ailleurs par les partisans de la capitalisation. Car, dans de telles conditions démographiques, celle-ci a par conséquent pour effet d’augmenter (relativement à la répartition) les droits futurs des inactifs sur la production et donc, à terme, de renforcer le problème du poids des retraites, ce qu’on cherche précisément à éviter.

Par ailleurs, pour les partisans de la répartition, la capitalisation conduit à une distribution plus inégalitaire des droits à pension. La capitalisation présente notamment un défaut particulier en ce qu’elle ne lisse pas, mais répercute au contraire immédiatement les fluctuations démographiques et va ainsi à l’encontre de l’équité intergénérationnelle. En effet, l’état du marché financier à la date de liquidation des pensions dépend du montant des liquidations à opérer de telle sorte qu’une génération peu nombreuse a toute chance d’obtenir beaucoup plus en termes de taux de remplacement qu’une autre plus nombreuse. En outre, même sans prendre en compte cette interaction, en régime de capitalisation, les diverses générations ont des retraites liées à l’état conjoncturel des marchés financiers à la date de liquidation de leurs droits, ce qui peut entrainer des variations très importantes entre deux générations successives.

Enfin, le débat a mis en évidence que la question du vieillissement devait être resituée dans son contexte socio-démographique global. Les transferts intergénérationnels pour les autres catégories de non-actifs (jeunes notamment) ainsi que ceux relatifs à la population active au chômage doivent être pris en compte, ce qui conduit à relativiser radicalement l’idée pourtant fortement médiatisée de l’existence d’une “bombe démographique à retardement”.

L’opposition capitalisation/répartition renvoie clairement ici non pas à une question purement économique, mais à une prise de parti idéologico-politique conditionnant la confiance respectivement accordée aux mécanismes de marché ou aux procédures de centralisation / redistribution7. Le catastrophisme démographique mis en scène correspond à une stratégie visant à entamer la confiance dans le système en répartition. Il témoigne de ce que la dépréciation de ce système trouve sa source non pas dans la supériorité en terme de rationalité de la capitalisation, mais dans la préférence idéologique libérale pour un individualisme patrimonial (Orléan André, 2000, Le pouvoir de la finance, Paris, Odile Jacob ; Lechevalier Arnaud, 2001, Réforme de l’épargne salariale, avenir du salariat et dynamique du capitalisme patrimonial, Mouvements, n° 13, pp. 93-100) à l’encontre de l’individualisme relationnel qui est le modèle de référence dans la répartition (Théret Bruno, 2003, Créances et dettes, droits et obligations : une approche en termes de dette des concepts de solidarité et de responsabilité, in De la responsabilité solidaire. Mutations dans les politiques d’aujourd’hui, Colette Bec et Giovanna Procacci (sous la direction de), Paris, Syllepse). Le poids de petits épargnants rentiers, détenteurs de titres privés de créances sur l’économie, est préféré à celui de salariés détenteurs de titres de la dette sociale, droits sociaux mutualisés et garantis par l’Etat.

Le débat capitalisation / répartition apparaît donc à ce niveau surdéterminé par des préférences idéologiques.

Compte tenu du débat, B. Théret préconise plutôt, dans le cas français, une retraite par répartition qui n’a pas plus de défauts que la capitalisation et une dose de capitalisation pour couvrir les besoins nécessaires à la prise en charge du papy boum.


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