Je reviens pour un second commentaire.
Je suis médiéviste, c’est à dire que je m’intéresse à l’histoire. Bien que mon domaine de prédilection soit l’escrime médiévale (ou à cause de cela), j’ai porté mon attention sur les manuscrits de différentes époques.
L’orthographe n’était pas essentielle lorsque les premiers « romans » en langue vulgaire (comprenez le « français » de l’époque, langue d’oïl au nord...) parurent. En fait, l’essentiel était d’être compris par des personnes qui, si elles avaient leurs lettres, n’avait en général guère plus de bagage que le simple déchiffrage des sons correspondant aux lettres, et on peuit voir alors des mots ayant différentes orthographes au sein d’un même récit (probablement du aux perceptions différentes des copistes ayant effectué la transcription de telle ou telle aprtie).
C’est avec l’évolution du nombre de livres, et de la diffusion de la lecture (de « l’alphabétisation ») au sein des classes supérieures (noblesse), puis moyennes (bourgeoisie), qu’imposer des règles est devenu « nécessaire ». En effet, il fallait faire en sorte que tous se comprennent. Mais il fallait aussi créer un « verrou » au savoir, codifier ce savoir afin de continuer à le réserver à une élite (puisque la diffusion d’ouvrages en langue vulgaire rendait caducq le rôle de frein qui était aussi celui du latin).
En compliquant l’orthographe, on augmentait le temps nécessaire à l’apprentissage de la langue écrite, et on favorisait ainsi les classes « oisives » qui pouvaient se permettre de consacrer plus de temps à cet apprentissage.
De fait, donc, une vraie barrière sociale se créait : ceux qui avait le temps (donc les moyens) d’apprendre une orthographe compliquée, et ceux qui n’allaient pas au dela de « leurs lettres » et qui pouvaient très bien s’en sortir en lecture, mais était incapable de s’exprimer à l’écrit.
Ainsi, l’orthographe compliquée a été un boulet mis sciemment à « l’ascenceur social », et une réforme simplifiant réellement l’orthographe pourrait, au contraire des réformes modérées que je propose dnas mon précédent commentaire, contribuer à rééquilibrer les chances en favorisant une langue écrite plus proche de l’oral. (note : d’ailleurs, certains mots compliqués ont été délibérement allongés par l’adjonction de lettres supplémentaires par des copistes payés « au volume » et qui donc s’assuraient une rente de situation en augmentant la taille des mots, et leur complexité orthographique)
On se retrouve donc non pas face à un débat linguistique, d’efficacité, de diffusion, mais à un choix de société :
- préserver l’héritage du français écrit et éviter ainsi l’extinction de cette langue, et assurer que l’ascenceur social soit favorisé par des règles qui resteraient les mêmes (c’est à dire que les « nantis » n’auraient pas l’avantage de leur temps libre supplémentaire pour s’adapter à la nouvelle réforme)
- simplifier le langage écrit en le rapprochant du langage oral afin de raccourcir le temps consacré à l’apprentissage de la langue écrite et assurer un « démarrage » de l’ascenceur social en permettant à tous d’acquérir un niveau comparable à l’écrit sans tenir compte des avantages afférant à leurs catégories sociales.
Malgré l’apparent manichéisme de cette question, moi, je ne trouve pas une solution meilleure que l’autre (les partisans des deux pensent que l’ascenseur social serait « meilleur » dans leur pproche).
Réformer une langue, ça impacte non seulement le temps d’apprentissage d’une langue pour les enfants, mais aussi de réapprentissage pour les adultes, et impacte également la façon de structurer sa pensée. Je pense que la difficulté à l’écrit de la langue française permet d’apprendre, en même temps que « l’orthographe », une façon de structurer sa pensée qui n’est pas la même que celle d’une langue française oralisée.
Remarque : en Allemagne, une « réforme » de l’orthographe a permis de simplifier l’écriture de nombreux mots. Il me semble qu’une particularité liée au caractère agglutissant (?) de l’allemand était d’obteni des mots avec trois s qui se suivaient, et que la réforme supprime maintenant les s au delà de deux. C’est à ce type de réforme que je pensais dans mon premier commentaire.