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Commentaire de Parpaillot

sur Putsch légal en Suisse


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Parpaillot Parpaillot 18 décembre 2007 10:45

@ Auteur :

Merci pour votre article qui comporte tout de même passablement d’inexactitudes et d’erreurs d’analyse.

Vous écrivez :

« En effet, ces électeurs ayant surtout plébiscité le personnage de M. Blocher, son renvoi du Conseil peut être apparenté à un déni de démocratie dans un pays privilégiant depuis des décennies la « concordance » »

Parler de déni de démocratie ou de putsch légal est plus qu’excessif ! En effet, c’est à l’Assemblée Fédérale (réunion des deux chambres du Parlement, le Conseil des Etats et le Conseil National, réunies et non pas le « Parlement et le Sénat réunis » comme vous l’écrivez, le Sénat fait partie des institutions françaises mais n’existe pas en Suisse) qu’il appartient d’élire le Conseil Fédéral (le gouvernement fédéral) et ceci en vertu de l’article 168 de la Constitution Fédérale :

Art. 168 Elections

1 L’Assemblée fédérale élit les membres du Conseil fédéral, le chancelier ou la chancelière de la Confédération, les juges au Tribunal fédéral et le général.

« Dans ce pays discret à grande majorité protestant - pour ne pas dire calviniste »

Franchement, je ne vois pas très bien ce que cette remarque apporte à la compréhension du problème. La Suisse étant un pays laïc, la liberté de croyance est reconnue par la Constitution Fédérale (article 15)

Art. 15 Liberté de conscience et de croyance

1 La liberté de conscience et de croyance est garantie.

2 Toute personne a le droit de choisir librement sa religion ainsi que de se forger ses convictions philosophiques et de les professer individuellement ou en communauté.

3 Toute personne a le droit d’adhérer à une communauté religieuse ou d’y appartenir et de suivre un enseignement religieux.

4 Nul ne peut être contraint d’adhérer à une communauté religieuse ou d’y appartenir, d’accomplir un acte religieux ou de suivre un enseignement religieux.

Par ailleurs, il est inexact de prétendre que la Suisse est à « grande majorité protestante ».

En effet, si pendant longtemps protestants et catholiques étaient en nombre à peu près égaux, tel n’est cependant plus le cas actuellement, les catholiques étant maintenant les plus nombreux.

Quelle différence faites-vous entre protestants et calvinistes, sachant que les calvinistes sont protestants ?

Votre remarque laisse à penser que les protestants seraient xénophobes par nature. Est-ce bien cela que vous suggérez ? Si oui, alors comment expliquez-vous que les cantons francophones et protestants : Genève, Vaud et Neuchâtel sont précisément les plus ouverts aux étrangers, les résultats des diverses votations (relations avec l’UE, droit de vote accordé aux étrangers, etc.) en témoignent. Les mêmes bases d’appréciation démontrent que les plus réfractaires à l’ouverture sont les petits cantons de Suisse centrale, germanophones, catholiques et conservateurs.

Je tiens aussi à rappeler que la première Constitution fédérale date de 1848. Elle constitue l’élément fondateur de la Suisse moderne telle que nous la connaissons aujourd’hui. Cette constitution a transformé la Suisse, qui jusqu’alors était une Confédération - nom qu’elle a conservé jusqu’à ce jour - en un Etat fédéral, les Cantons ayant cédé une partie de leur autonomie au profit de l’Etat fédéral. La première Constitution fédérale a été élaborée à la suite de la « Guerre du Sonderbund » (1847). Cette guerre n’a pas été une guerre de religion opposant les cantons protestants aux cantons catholiques comme on le prétend souvent, mais plutôt un « conflit sur un choix de société : une Suisse traditionnelle à vocation agricole face à une Suisse nouvelle en voie d’industrialisation », selon les termes de l’historien Georges Andrey dans son dernier ouvrage (référence : « L’Histoire de la Suisse pour les nuls » paru récemment dans la collection du même nom). Il se trouve simplement que la ligue du « Sonderbund » était majoritairement composée de cantons catholiques conservateurs, dont ceux de Suisse centrale précisément.

« De fait, le Parlement suisse s’est fait une sorte de spécialité ces dernières années de « confisquer » le résultat des élections en désignant des conseillers fédéraux sans relief - parfois ouvertement falots. »

Le système politique suisse étant basé sur la démocratie directe et la concordance au sein du collège gouvernemental (Conseil Fédéral), les Conseillers fédéraux (ministres) ne peuvent faire adopter les lois par le Parlement sans consensus préalable, au risque de les voir rejetées par le Peuple, si d’aventure un référendum était lancé et aboutissait. C’est une épée de Damoclès en quelque sorte ! Dans ces conditions, il va de soi que le Conseil fédéral, lequel ne dispose pas des mêmes prérogatives que le gouvernement français par exemple, et ses membres (Conseillers fédéraux), peuvent sembler « falots » vu de l’étranger. Cette perception découle d’une méconnaissance des institutions politiques suisses me semble-t-il. C’est précisément en voulant s’imposer en tant que chef du Conseil fédéral, en imposant ses idées, que Christoph Blocher s’en est fait éjecter. La fonction de Premier ministre n’existe pas en Suisse rappelons-le. Comment pourrait-il en être autrement dans un gouvernement collégial ?

« Toujours est-il que la déchéance de Blocher par l’Assemblée fédérale suisse rompt avec une tradition séculaire pouvant constituer un dangereux précédent susceptible de fragiliser la Constitution ... »

« Tradition séculaire », alors que les institutions actuelles ne datent que de 150 ans ...

« ... fragiliser la Constitution ... », on ne voit pas bien comment elle pourrait l’être, sachant que tout amendement constitutionnel doit faire l’objet d’un référendum et qu’il requiert à la fois la majorité du Peuple ET celle des Cantons ...

« Effectivement, la collégialité étant très souvent synonyme de lenteur dans les décisions, voire d’immobilisme, la Suisse peut-elle se payer le luxe d’une concordance qui réduit dramatiquement le champ d’action et la réactivité de son gouvernement ? Les institutions helvétiques sont-elles toujours adaptées à notre monde moderne mais brutal ? Espérons que le séisme politique de la semaine dernière ouvre le débat. »

On peut certes remettre en question les institutions politiques suisses et s’interroger sur leur adéquation à notre monde actuel, mais je pense que celles-ci (les institutions) présentent tout de même de nombreux avantages :

a)Elles garantissent une excellente stabilité politique sur le long terme, condition nécessaire pour le développement de l’économie.

b)Elles permettent d’éviter des affrontements stériles et nuisibles à la stabilité du pays.

c)Elles responsabilisent les citoyens en les faisant participer activement aux décisions politiques, ceci par le biais des nombreuses consultations populaires (votations et élections) auxquelles ils sont régulièrement appelés à participer.

Pour conclure, je pense que l’éviction de Christoph Blocher du Conseil fédéral est une très bonne décision politique, celle-ci étant par ailleurs parfaitement conforme à la Constitution. On peut en attendre un climat de travail apaisé au sein du Conseil fédéral, ce qui lui permettra d’affronter des enjeux importants pour la Suisse au cours de ces prochaines années. Je pense notamment aux relations entre la Suisse et l’UE et aux réformes des assurances sociales.

Cordialement !


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