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Commentaire de César Botero

sur Jeu de poker menteur à Bogotà


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César Botero 13 janvier 2008 08:36

 

Brisefer ? On le voit venir de si loin qu’on est attendri de le voir arriver.

L’article de Brisfer et les commentaires de quelques lecteurs sont révélateurs de la légèreté et/ou la mauvaise foi de certains quand ils analysent et jugent les problèmes qui affectent la Colombie et en particulier le problème des Farc (Forces Armées Révolutionnaires de Colombie). 

Je n’ai pas l’intention et encore moins l’envie de défendre le président colombien. Uribe n’est pas un président immaculé et j’ai beaucoup des critiques à lui à faire. Néanmoins, il est inadmissible que Brisefer fasse des Farc une victime malheureuse de tous les présidents colombiens, pour nous inciter à nous montrer plus compréhensifs à leur égard. 

Comment peut-on affirmer que les Farc sont une organisation politique et ses 500 membres en prison des prisonniers politiques ? Une organisation qui pratique à grande échelle la prise d’otages, l’extorsion, le trafique de drogue, les attentas à la bombe, l’assassinat des gens innocents et autres crimes, peut-elle revendiquer le statut d’opposant politique armé ou guérilla par le simple fait qu’ils déclarent défendre le peuple colombien ? Si les Farc se limitaient à combattre l’armée et la police colombiennes au nom de ses objectifs politiques et  dans les cadres de règles prévues dans les conflits armés, on pourrait défendre la légitimité de son action même en étant en désaccord avec la lutte armée. Les revendications politiques des Farc et les allusions au marxisme ne sont qu’un masque. Les Farc sont très loin d’être ce qui fut la guerrilla cubaine malgré les critiques que l’on puisse faire à celle-ci. Tiro Fijo Marulanda n’est pas Fidel Castro, el Mono Jojoy n’est pas Che Guevara, Raul Reyes n’est pas Camilo Cienfuegos…et Chavez n’est pas Simon Bolivar. 

De toute évidence Brisefer veut modifier une réalité pour mieux la faire correspondre à ses préférences politiques et idéologiques. Ses critères et sa logique sont bizarres et incompréhensibles. C’est le moins que l’on puisse dire. Et ne parlons pas des immenses lacunes dans son information. Voyons un peu : 

À propos d’Uribe : « … car seul capable de gracier les quelque 500 prisonniers politiques qui moisissent dans ses geôles, ce dont personne ou presque ne parle jamais » Incroyable ! Pas de commentaires. 

Si on est contre les Farc on est pour Uribe. Si on est contre Uribe il faut être pour les Farc. Drôle de logique. 

Brisefer regrette que la Colombie « s’oppose depuis 1948 aux tentatives de création d’une République autonome au sud-est du pays ? Il trouve ça inadmissible, voilà pourquoi les Farc peuvent faire du terrorisme, l’ETA aussi bien entendu. 

Je remarque donc que pour ce monsieur, explication vaut justification. Par exemple. Le gouvernement colombien ne veut pas accorder aux Farc une zone démilitarisée. (Où vivent 105000 habitants). Ce rejet explique le terrorisme des Farc et le justifie puisque le gouvernement est coupable. Et pourquoi est-il coupable ? Parce qu’il ne veut pas leur accorder une zone démilitarisée. Drôle de logique. A ce propos, sachez ceci : le prédécesseur d’Uribe, prit la décision en 1998 de créer, pour trois mois, une zone démilitarisée équivalente a la superficie de la Suisse. L’armée et la police quittent la zone, mais les Farc peuvent s’y installer avec toutes leurs armes. Cette zone fut renouvelée tous les trois mois pendant trois ans jusqu’au moment ou le gouvernement d’Andrés Pastrana s’est décidé à admettre que l’on ne pouvait rien attendre des Farc et mit fin aux négociations. Pendant ces trois ans les Farc n’arrêtèrent pas la prise d’otages et autres crimes dont elles sont coutumières. 

Encore un peu de logique a la mode de Brisefer. Si les paramilitaires tuent des innocents, et c’est le cas, les Farc peuvent tuer des innocents. Si mon voisin d’en face vole chez moi, je peux voler chez mon voisin d’a coté. Si les autres commettent des crimes pourquoi pas moi, quitte à faire payer les innocents. L’injustice qui règne en Colombie suffit-elle à justifier les crimes des Farc ? 

Brisefer parle de « l’insoutenable feuilleton que nous ont fait vivre les autorités vénézuélienne et colombienne, et les déclarations ahurissantes du président colombien ». Voilà une autre inexactitude. Il suffit de lire la presse latino-américaine et vénézuélienne en particulier pour savoir que le feuilleton et le show médiatique étaient organisés par Chavez. C’est lui qui a invité Olivier Stone pour filmer le show. Les Farc ont voulu aussi faire un show puisqu’il faut savoir qu’il n’y a rien de plus facile que libérer un otage sans courir le moindre risque. Ils l’ont déjà fait avec des otages moins connus. Il suffit de les lâcher dans un des villages qu’ils contrôlent. Quant aux déclarations ahurissantes d’Uribe, en fin de compte elles ne le sont pas. Pourquoi Uribe n’a pas dit plutôt que l’enfant se trouvait à Bogota ? Ce serait un peu long vous l’expliquer ici, mais puisque vous parlez l’espagnol tapez « semana.com » et lisez « La cuna vacia » Analisis de Semana sobre la frustrada liberación de los secuestrados. En attensant, il faut se demander aussi pourquoi les Farc n’ont pas fait le necesaire pour rendre le petit Emmanuel à la famille de Clara Rojas.(05/01/2008) Vous comprendrez pourquoi il vaut mieux s’informer et réfléchir avant de parler, surtout quand on parle avec autant d’assurance. 

Encore une perle. Brisefer dit « Mais à qui appartient-il de déclarer qui est un "terroriste" et qui ne l’est pas ? À vous-même ? À M. Bush et son administration ? À l’Union Européenne ? »

Apparemment c’est à Brisefer qu’il appartient de le déclarer et il le dit, puisque les Farc, pour lui, est une organisation politique donc elle n’est pas terroriste et ses membres en prison ne sont pas de terroristes, mais des prisonniers politiques.

Une autre perle « Il suffirait d’un bout de papier et déclarer l’organisation de M. Besancenot "organisation terroriste" demain pour qu’il y ait des sanctions contre elle, des emprisonnements politiques, et par conséquent qu’elle prenne les armes au lieu de s’exprimer librement ». Mais bien entendu Brisefer, il suffit de… seulement pour y parvenir, il faut trois choses : une volonté politique de le faire, la nécessité de le faire et la possibilité de le faire. Mais en France, la volonté politique n’existe pas parce que la nécessité ne existe pas. L’extrême gauche française n’est pas terroriste. La possibilité n’existe pas non plus parce qu’il n’est pas possible de prouver que Besancenot et son groupe sont des terroristes, pour la simple raison qu’ils ne le sont pas. Bien sûr, on me dira qu’il est toujours possible de fabriquer des preuves. Allons ! Allons. Et puis si l’extrême gauche n’existait pas en France, l’UMP se chargerait bien de la créer. Vous vous rendez compte ? Une France avec seulement les socialistes qui ne sont pas aussi socialistes que ça et les partis de droite et de droite pudique (le centre) ! Il faut un Besancenot et une Laguiller qui mettent en exergue le caractère démocratique de la France à chaque fois qu’ils déclarent sur les plateaux de télévision que la France n’est pas une démocratie. Ces gens sont un précieux alibi pour la droite. Donc pour Brisefer, les Farc sont devenus terroristes n’ont pas avant d’être déclarées terroristes, mais après. Donc, on les a déclarées terroristes injustement. Et comme elles ne peuvent pas s’exprimer librement alors, elles se mettent allégrement à rançonner, à voler, à kidnapper, a trafiquer et à assassiner. A qui la faute ? Au gouvernement qui les a déclarés terroristes, comme de bien entendu. C’est pour ça qu’il ajoute « En un mot, ne croyez-vous pas que ce regard, ou ce procès, cette qualification, jetés sur une organisation ne peut avoir comme effet que la radicaliser un peu plus encore ? » Bref, plus on condamne les terroristes plus on les encourage à faire du terrorisme et plus ceux qui le condamnent sont responsables de leur terrorisme. Magistral comme démonstration. Que ferions-nous sans Brisefer ? Il est vrai que dans une démocratie, même des gens comme Brisefer peuvent publier leurs salades mais c’est le prix à payer pour bénéficier de la liberté d’expression.

Et pour terminer, il faut admettre que Brisefer a aussi un drôle d’humour : « Informez-vous sur la société colombienne si vous ne comprenez pas pourquoi Uribe a si mauvaise presse et observez, comme je le fais, sans a priori ». Oui, informez-vous, mais pas à la manière de Brisefer et encore moins avec ses a priori. On peut penser autrement que Brisefer sans être uribiste ni chaviste. On peut être en désaccord avec les Farc et critiquer la politique du gouvernement colombien. Si Uribe est un dictateur, un fasciste ou un paramilitaire, cela ne fait pas des Farc une organisation politique démocratique et respectable. Et puis ce n’est pas Brisefer qui va m’expliquer, à moi, la Colombie.

 

 

 

 

 


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