Très bien vu sur Bayrou, Mr Revelli. Enfin un petit coup de projecteur sur un homme qui adopte des attitudes très « courageuses » (quand on se place du point de vue du sérail politique) depuis sa battaille pour l’indépendance de l’UDF.
C’est drôle, car quand il est apparu dans la vie politique je le trouvais nul, et j’ai assez radicalement changé mon opinion, car j’ai bien appris à observer les hommes politiques.
Certes, ce qui semble le barrer définitivement, c’est qu’il n’a pas de charisme, mais il a un certain nombre d’atouts :
1) il s’est entouré d’une garde rapprochée fidèle et intellligente qui semble avoir compris qu’ils ne peuvent rien faire si la campagne de Bayrou ne sort pas des sentiers battus. 2) Il a une évidente intelligence stratégique ; c’est étonnant, car on ne se l’imagine pas. Tactiquement, on ne sait pas comment il pourrait gérer un « combat » quotidien de campagne, mais stratégiquement, il a trouvé le positionnement le plus juste à long terme, sans aucun doute. 3) Il a une ambition présidentielle certainement aussi dévorante que Sarko : mais du coup il a compris deux choses : a) Il doit battre Sarkozy et l’affronter le plus tôt possible, quitte à ce que l’affrontement dure sur plusieurs législatures : il s’agit d’un combat de suprématie à droite dans lequel il sait très bien que Sarkozy l’écrasera ainsi que ses ambitions s’il ne relève pas le défi ;
b) Pour battre Sarkozy, il faut l’affronter sur un autre terrain, prendre le risque de vouloir changer complètement les règles, en sachant que ce n’est pas le PS qui s’y risquera. Bref, prendre le risque de dénoncer l’élite politico-médiatique, que le peuple déteste de plus en plus, phénomène que bien entendu, les médias continuent d’ignorer. Il faut alors pousser sa logique et son courage jusqu’au bout : dénoncer les médias. Ce geste lui vaudra la considération d’un nombre toujours croissant de gens.
Alors, ses avantages, que l’on verra plus distinctement a mesure que le temps passe, sont :
1) Il a survécu à la battaille de « satellisation » de l’UDF quand l’UMP a été créée ; l’hémorragie de cadres a été importante, mais finalement, ce sont surtout les faux-jetons (Fillon, Douste) qui sont partis, laissant le champ libre à plus de réflexion tactique indépendante. C’est là qu’il a gagné ses galons de général et qu’il a compris que Sarkozy ne connaît pas les relations d’égal à égal : il a donc commencé à comprendre que l’UMP est une machine à tuer dans l’oeuf toute réflexion utile. Et que par conséquent, il fallait s’endétacher pour permettre un rapprochement tactique avec le PS
2) Ces 5 ans de droite lui ont laissé une position morale inattaquable. Cela a été assez facile car il a pu soutenir la droite au début, puis s’en démarquer quand il a voulu. Bien sûr, on l’a pas vraiment entendu, les médias ne lui ont pas non plus trop donné de place pour s’exprimer ; il n’empêche qu’il n’a jamais cautionné les nombreuses réformes bidon de l’UMP qui ont consisté à faire payer toujours un peu moins les privilégiés et un peu plus les salariés pour des résultats peu probants ; il n’a pas non plus cautionné la dérive « plan de communication » des gouvernements Raffarin et Villepin. Ila même osé voter la motion de censure avec les socialistes. Pour un ex-représentant du vieux centre mou à la française, c’est une véritable révolution culturelle.
3) Il n’a subi aucune critique, personne ne semble vouloir le cibler, idéalement placé qu’il est entre un Sarko qui doit prouver contre tous qu’il est le meilleur et un PS qui doit bien taper sur Sarko pour retrouver un peu la confiance de ses ouailles. Sarko devrait se méfier ; mais il ne le fera pas car il est trop occupé a son grand écart de séduction des extrémistes, de captation de l’héritage chiraquien, de la définition d’une « rupture » fantasmatique et de maintien d’une pâle illusion qu’il peut faire mieux pour les couches modestes que la gauche. Sarko est seul contre tous ceux qui le détestent. Et Bayrou lui tirera dessus à boulets rouges car c’est là qu’il doit porter le fer : récupérer la droite chrétienne traditionnelle et modérée, peut-être excédée par les contorsions et par l’efficacité plus médiatique que réelle du programme de Sarkozy, et par la crise sociale et morale dans notre pays, à laquelle seuls les aveugles peuvent croire que l’UMP est plus une solution qu’un problème. Par conséquent, personne ne tapera sur Bayrou, jusqu’au moment où il pourra commencer à apparaître comme dangereux, pour le PS comme pour l’UMP. S’il est aussi fûté que je le crois, il tapera principalement sur Sarkozy, tout en pointant (c’est facile !) les quelques incohérences du projet socialiste. Le PS ne le ciblera pas et Sarko le fera peut-être trop tard, tout bercé qu’il est par des sondages tricotés maison par sa copine Laurence Parisot qui dirige autant le MEDEF que l’IPSOS.
4) Enfin, le projet qui est le sien de créer un pôle social-démocrate, est tellement incroyablement anachronique (elle n’a jamais été au pouvoir en France, et aujourd’hui, elle en crise dans les nombreux pays qui l’avaient adopté dans les années 70 et 80), pourrait être perçu par les français écoeurés par un bipartisanisme exacerbé de façade, mais où la règle néo-libérale progresse inexorablement comme les inégalités, comme la possibilité d’un véritable bol d’air : l’idée d’un programme politique au-delà d’une droite absolutiste et corrompue et d’une gauche hésitante et pas moins hypocrite. Il drague Strauss-Kahn et Rocard, déjà.
5) Sa charge contre les candidats favoris participe de cette campagne très intelligente. Alors que tout le monde ferme sa gueule devant les grands médias, en n’en retirant d’avantage que tous les 5 ou dix ans, selon l’alternance, Bayrou l’a ouverte. Il s’est fait sermonner. S’il ne rentre pas dans le rang, alors il va droit vers une autre victoire morale, et en plus, les médias ne pourront faire autrement que de s’intéresser un tout petit peu plus à lui, même de mauvaise grâce. On verra bien. Soit les média sont encore plus « stalinisés » que ce que je pense dans ce pays, et il n’apparaîtra pas plus qu’avant. Il ne perdra pas de voix pour autant, croyez-moi. Soit on parlera un peu plus de lui (mais point trop n’en faut, il faut laisser Sarko s’engluer dans son auto-satisfaction écoeurante), et son coup de force augmentera son prestige. C’est tout cuit.
Bref, Bayrou a toutes ses chances, bien sûr, et ce depuis longtemps. Toutes ses positions compteront à la fin, tout ce sur quoi il s’est prononcé mais qui n’apparaîtra pas comme « gain » sondagier ou politique avant la battaille finale. Voilà pourquoi on peut être étonné de sa tactique et de commencer à croire qu’il a ses chances. Il les a depuis bien longtemps en fait ; mais la risible et peut-être contreproductive sur-médiatisation de Sarko surtout et de Ségolène un peu moins continue à nous laisser baigner dans la ouate alors que rien n’est joué. Tout le monde devrat pourtant savoir qu’avant les trois derniers mois de la campagne, rien, strictement rien, n’est « électoralement » vrai.
Certes, Bayrou part de loin, mais il y croît et ses positions sont fermement campés sur des principes politiques et moraux ; je ne suis pas sûr d’y croire mais je constate qu’il est seul sur le créneau et difficilement attaquable, d’autant que Sarko, qui sera sa principale cible, aura trop fort à faire avec toute la troupe de ses ennemis pour s’en occuper spécialement. Ses troupes sont fraîches ; ses chances seront indéniables.
A tous ceux qui ont eu le bonheur de lire ce fabuleux petit ouvrage qui s’appelle « L’art de la guerre », par le stratège chinois Sun-Tse, je voudrais faire ce parallèle : je pense que dans le combat de 2007, Bayrou a des effectifs faibles et n’aura peut-être pas la victoire ; mais je suis convaincu que c’est celui qui aura mis de son côté tous les avantages stratégiques à sa disposition. Il sera celui disposant de la meilleure position et de la meilleure préparation au combat d’arguments. Ses chances sont tout-à-fait à considérer.
Enfin, je voudrais vous faire part du pari que je fais depuis Mai 2006, que je n’osais dire jusqu’à présent ; Sarkozy ne sera pas présent au second tour. Et s’il caracole en tête dans les sondages maintenant, c’est tant mieux ; tout me porte à croire que plus il est en tête maintenant, plus il y a de chances qu’il se fasse lâcher au moment crucial, c’est-à-dire vers la fin du mois de Février. On verra bien alors si sa campagne que je qualifierais de « schizophrénique », comme son attitude politique depuis cinq ans maintenant, aura porté ses fruits.
Je croise les doigts.
Bien à vous, Fishlord
06/03 19:53 - nanmaisnan
Bayouhouou !!! bayrou c’est une fiotte (c’est Henri Le Grand qui l’a dit) (...)
18/02 12:29 - Maroussia
Monsieur Bayrou est trés attaché à l’education dans son program je trouve que lors de son (...)
19/01 23:12 - fred
Simplement, pour pouvoir voter Bayrou au second tour, n’oublions pas tout de même de (...)
17/01 13:52 - martin39
Article très intéressant et Mr Bayrou mérite un autre traitement.
04/01 15:15 - diane
je choisirais le candidat bayrou pour les prochaines élections présidentiel je trouve (...)
04/01 13:17 - Titop
Moi c’est bien le seul qui m’a parru honnête dans ce que j’ai pu voir des (...)
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