Depuis mon précédent article « Trafic d’enfants au Tchad : ce qu’on n’ose dire... » paru dans Agoravox et différents blogs, de l’eau a coulé sous les ponts. On notera : le procès éclair des membres de l’arche de Zoé, leur condamnation à 8 ans de travaux forcé, leur rapide rapatriement en France et enfin la diffusion de complément d’enquête avec le reportage de Marie-Agnes Peleran et d’une excellente conte-enquête.
Evidemment ce qu’il y a de choquant dans le verdict c’est l’indifférenciation des responsabilités. Huit ans c’est lourd pour certains qui n’ont péché que par excès de naïveté. Ce qui est ironique c’est que les magistrats tchadiens ont été formés en France. Il serait mal venu de leur faire la leçon à moins de tomber, et certains ne s‘en privent pas, dans un néocolonialisme nauséabond. Le Tchad n’étant pas un état de droit, (une néocolonie française à dire vrai, un des piliers de la françafrique), sa justice n’a pas trop l’habitude d’opérer en toute indépendance. Déby de toute façon se devait de faire bonne figure devant la population tchadienne légitimement remonté contre les Zozoïstes et devant la communauté internationale. Le rapatriement rapide montre qu’un certain nombres de choses ont été négociées entre Déby et Sarkozy. Soutien militaire ? Si c’est le cas c’est une très mauvaise nouvelle pour le peuple tchadien. A ce prix, il aurait mieux valu que les français restent emprisonnés au Tchad.
Procès bâclé ? Certes, mais n’oublions pas que ce sont les intermédiaires tchadiens trompés par Children Rescue et maintenant rejetés par leur village qui sont les vrais victimes de ce désastre. Lisez le magnifique reportage de Florence Aubenas dans le nouvelobs. Le drame pour eux est qu’ils ont menti en présentant les enfants comme orphelins. Pourquoi ? s’interroge Mme Peleran dans son reportage. Complément d’Enquête nous offre la réponse en questionnant un des chefs de Village : c’est pour leur garantir une place dans la structure éducative (fictive) proposée par Children Rescue. Voilà comment un mensonge en appelle un autre. Tout le monde se retrouve piégé.
Les deux reportages sont accablants. Voir par exemple Emilie Lelouch « faire son marché » dans un village reculé en inspectant les dents d’un enfant rappelle les heures les plus noires de la traite des esclaves. A t-elle conscience de son geste ? Non bien sûr, mais les membres de l’Arche de Zoé montre constamment une arrogance feutrée et bien pensante, sûrs qu’ils sont, de la pureté de leur intentions. A voir également la scène ou la même Emilie Lelouch « négocie » avec les mères de familles et se permet de leur faire la leçon en leur signifiant que si elle leur « rend » les enfants, elles doivent bien s’en occuper et ne pas les abandonner. Quel mépris et quelle ignorance ! Faire la distinction entre un grand-père et un oncle, une « vraie » mère et une mère adoptive pour justifier le « rapt » d’enfant est choquant. Ces pieds nickelés de l’humanitaire ignore tout de la famille africaine, de son fonctionnement, des solidarités qui la structurent et qui sont, soit dit en passant, beaucoup plus fortes qu’en Occident. « Il faut tout un village pour élever un enfant » ce proverbe africain, ils auraient du le connaître.
A voir la vidéo sur le net : Afrique et Nouvelles Interdépendances (ANI) a organisé une conférence qui a réuni le conseiller spécial de Bernard Kouchner, Eric Chevallier., Rony Brauman cofondateur de Médecins sans frontière, Jacky Mamou, l’homme qui a mobilisé les politiques sur le DARFOUR, le Pr Honorat Aguessy venu du Bénin.