Pour être en capacité de régler le problème de la violence à l’école, il est indispensable d’ être au clair avec les points suivants :
1. La Loi, elle existe et elle est la même pour tous, enfants ou adultes, dans l’école et à l’extérieur : les violences physiques et verbales sont interdites, et par le fait intolérables, non négociables, condamnables et sanctionnables. Point. Répondre à la violence par la violence c’est envoyer le message suivant : "c’est la loi du plus fort : le jour où tu seras plus fort que moi, tu pourras me taper dessus". C’est totalement irresponsable.
2. Pour autant, en tant qu’adulte, enseignants ou pas, notre premier devoir est la PROTECTION des enfants qui nous sont confiés ou que nous côtoyons. Il est donc de notre de devoir de signaler les cas de violences et de maltraitances constatées , et c’est aussi notre devoir d’intervenir, physiquement au besoin, pour protéger un enfant menacé par un autre dans son intégrité morale ou physique.
Ainsi, il n’est pas du tout interdit d’immobiliser un enfant et de le contenir physiquement, en usant s’il le faut de la clef au bras ou de la technique dite de la "camisole" - maintien de la personne par les poignets, contre soi, bras croisés et qui permet à l’intervenant d’attendre sans trop d’efforts la fin de la "crise", mais comporte le risque de bleus aux tibias par ruades et de chocs au menton par coups de tête. Il vaut mieux, si l’on dispose d’une chaise ou d’un banc, s’efforcer d’y asseoir l’énervé avant d’appliquer cette technique. C’est dommage que je ne puisse pas faire un croquis !-.
Non seulement ce n’est pas interdit, maisc’est même chaudement recommandé, car ne pas intervenir alors qu’un enfant est mis en danger en votre présence, c’est de la "non assistance à personne en danger", et que je sache, ça aussi , ça tombe sous le coup de la loi.
3. En tant que parent et enseignante spécialisée, je n’ai encore rien trouvé de mieux comme méthode éducative que la bienveillance (refuser les préjugés, se méfier des a priori, des premières impressions), l’exemplarité (se soumettre soi-même à la loi), la rigueur (sanctionner quand il le faut et "tenir" bon sur la sanction), et surtout la coopération entre tous les acteurs de cette éducation. Ce dernier point peut aller de soi entre adultes qui partagent des valeurs similaires, une même culture, issus du même milieu, mais demande beaucoup de temps et de patience pour se construire avec des personnes en rupture sociale.
Or, pour coopérer, il est indispensable de commencer par gagner la confiance de l’autre, et ça ne peut se faire que par l’écoute et le respect : dans la pire des familles, il y a TOUJOURS quelque chose à valoriser, à promouvoir, afin d’instaurer la confiance et tenter de renouer le dialogue.
4. L’agressivité et la violence sont inhérentes à la nature humaine : nos enfants ne sont pas des anges. Les éduquer, ce n’est pas inhiber cette violence et cette agressivité en les brimant ou en leur faisant honte, c’est les aider à les exprimer par un biais socialement acceptable- sports, arts...-, et surtout, leur apprendre à les gérer et à les maîtriser.
En 15 ans d’enseignement avec des enfants caractériels, je n’ai pu que constater qu’un enfant incapable de maîtriser son agressivité et sa violence est TOUJOURS un enfant qui souffre, se culpabilise, se déteste, qui a besoin d’aide, de soutien. L’exclusion temporaire peut être une solution lorsque l’enfant présente un réel danger pour les autres, mais se contenter d’exclure sans qu’il y ait par ailleurs un accompagnement, c’est aussi de la non-assistance à personne en danger : soit l’enfant deviendra encore plus violent, incapable de gérer sa rage, avide de vengeance, soit on aura réussi à le "casser" et il finira par retourner sa violence contre lui-même - auto mutilation, alcoolisme, toxicomanie, suicide-.
5. Les dispositifs de sanction, d’aide et d’intervention existent en pareil cas. Si les parents et les enseignants ont épuisés tous les recours sans succès, ils peuvent ensemble, appuyés par les syndicats d’une part et les associations de parents d’autre part, engager une action protestataire : blocage de l’école, par exemple... Jusqu’à ce qu’ils soient entendus.
6. Enfin, concernant la famille soupçonnée de maltraîtance, il ne reste malheureusement plus qu’à laisser la justice suivre son cours. Votre indignation est certes compréhensible, s’agissant d’amis proches, mais on ne saurait à la fois en appeler à la justice et refuser de s’ y soumettre. S’il est évident pour vous que les déclarations de l’enfant sont exagérées ou infondées, comprenez bien que ce n’est pas le cas pour un médecin qui, dans l’exercice de sa profession, est tenu de signaler toute suspicion de maltraîtance. Et malheureusement, l’argument de la famille "normale" ne tient pas : la violence domestique est, hélas, présente dans toutes les couches de la société. Simplement, elle est moins visible en pavillon ou en hôtel particulier qu’en HLM.
Enfin, rassurez-vous : en matière de protection de l’enfance, les juges sont loin d’ être des briseurs de familles ! Quand nous voyons au quotidien quelles difficultés nous rencontrons pour soustraire, même temporairement, un enfant à une famille dans laquelle il court de réels dangers, parfois vitaux, ça m’étonnerait que ’on donne suite à cette histoire pour une fessée ou une paire de claques.
Ceci dit, je reste persuadée qu’il existe des moyens plus adaptés pour sanctionner un enfant que les coups. Et pourtant, comme tout le monde, il m’est arrivé de ne pas pouvoir retenir la claque : 3 fois en tout en 22 ans de maternité, 3 enfants et 15 ans d’enseignement. J’en ai ressenti un tel malaise que je suis encore submergée par la honte à chaque fois que je m’en souviens.
Les 3 enfants que j’ai "claqués" ont beaucoup pleuré : pas à cause du coup, car malgré l’exaspération qui fait partir la main, j’ai eu le temps de maîtriser le geste avant l’arrivée sur la joue. Pas même une petite trace rouge. Mais la douleur de la surprise, de l’humiliation... La peur panique de ne plus être aimé. C’était terrible. Je m’en veux encore aujourd’hui, et pourtant nous en avons parlé, nous nous sommes exliqués, nous avons dit à quel point nous étions désolés, les uns d’avoir poussé à bout, et moi d’avoir cédé à la provocation, nous nous sommes pardonnés mutuellement, mais je persiste à croire que je suis inexcusable d’être passée à l’acte.
Non, décidément non : il n’est pas "normal" de distribuer des claques ou des taloches. Que ça arrive, oui, mais que les adultes que nous sommes aient au moins l’honnêteté de reconnaître que c’est, en fait, un aveu d’impuissance, une faiblesse.
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