Les élections municipales étaient un piège pour le MoDem et une trappe pour son leader Bayrou. Celui-ci, coincé entre à gauche un groupe socialo-communiste et à sa droite un transfuge consanguin PS UMP, prenait un risque, tout à son honneur, et un pari assez fou, mais avec panache. Il a eu le risque et perdu le pari. A-t-il tout perdu et emmené dans sa chute le MoDem, d’autant que Sarnez n’a pas fait bonne figure à Paris ?
Le piège s’est refermé. Ce n’était pas un simple piège à loup à deux mâchoires : le PS et l’UMP, il était à tant de niveaux qu’il en embrouille toute réflexion. C’était un piège car le Mouvement Démocrate avait d’un côté une jeunesse brouillonne, même si cette jeunesse est pleine de vivacité, elle est aussi pleine d’inexpérience, d’attente vigoureuse, de volonté de tout bousculer. Il est extraordinairement difficile de préparer en si peu de temps des élections municipales qui nécessitent un enracinement local, des compétences tant en gestion qu’électorales, et des candidats en nombre suffisant. A cette difficulté dont il fallait impérieusement trouver des parades s’ajoutait un mélange d’eau et d’huile qui peine à prendre : les anciens UDF et les nouveaux arrivants.
Mais les uns et les autres ne sont pas des groupes uniformes. Il y a des rigides dans chaque camp, des intolérances, des aveuglements, des volontés d’absolu ou de compromis qui s’opposent. Il y a aussi des situations qui diffèrent. Il n’est pas anormal dans l’absolu, si on a été élu, si on est honnête et compétent, si on a bien travaillé de se présenter à nouveau. Il est facile pour l’impétrant de vouloir tout mettre sens dessus dessous et de jeter le bébé avec l’eau du bain. Il est évident que les campagnes et les pré-campagnes ont donné lieu à des frictions, des défections, des déceptions. Il est tout autant évident que les stratégies locales ont été différentes à chaque fois et que les raisons des choix ont fait entrer tant des positions de principe que des rapports d’hommes auxquels se sont mêlés des tactiques ou des stratégies politiques. En d’autres mots, cette élection entraînait congénitalement pour le MoDem un grand bazar.
Il y a ce fait incontournable : un désordre brownien, mais sous ce désordre il y a un point intangible et rassembleur la volonté d’exister dans une ligne de conduite claire : sa propre ligne politique en n’étant plus jamais le supplétif ni du PS ni de l’UMP. Cela est la colonne vertébrale, les muscles étant une philosophie humaniste dans une économie libérale que l’on veut plus juste et plus honnête et dans laquelle la valeur n’est pas l’argent, mais l’homme. En fait, le MoDem c’est exactement comme du sang qui circule dans les veines : il y a du sérum, des globules blancs, des globules rouges et si on regarde de près cela bouge dans tous les sens, mais le sang lui circule et va bien du cœur gauche par les artères puis les veines au cœur droit. A ces difficultés intrinsèques et temporaires car le temps et l’énergie vont y mettre de l’ordre - il restera toujours des problèmes, aucun corps en vie n’existe sans de petits soucis - s’ajoutent une extraordinaire mauvaise foi tant des politologues que des journalistes et bien évidemment de l’UMPS. Quelques preuves : Vautrin contre Dutreil : n’est-ce pas une bataille fratricide entre deux UMP ? Ne parlons ni de Neuilly ni de Paris ni de Saint-Nazaire ni de Boulogne ni de Saint-Germain, ni de Nice, etc. Le nombre de villes où l’UMP s’est déchirée est hallucinant. Qu’en dit la presse ? Rien ou si peu.
Du côté socialiste, cela a été le cas de nombreuses fois, il y a eu aussi la guerre avec les Verts, des PS contre des PC, des Verts contre des PC. Il y a eu au second tour des alliances PS-PC-Verts, des alliances PS-MoDem (Lille, Marseille). De même il y a eu des alliances UMP-MoDem (Toulouse). On peut donc dire en toute objectivité, ces élections municipales ont été l’occasion d’un énorme bazar dans tous les partis tant à l’UMP au premier et au second tour, qu’au PS, que chez les communistes et les Verts. Mais que retient de tout cela la population orientée par les déclarations du PS, de l’UMP et de la presse : que seul le MoDem n’était pas clair. C’est tout. Seul le MoDem était incohérent. Pour corser le tout la comptabilisation était rigoureusement impossible tant au premier qu’au second tour. Ce qui n’a pas empêché en toute mauvaise foi le ministère de l’Intérieur de comptabiliser d’une part les conglomérats de tendance (droite et gauche) et le seul MoDem comme parti.
Par ce biais immonde, on a voulu démontrer la destruction du MoDem par son inefficacité électorale. Bien entendu cela est faux sur le plan mathématique pure pour le seul MoDem comptabilisable, mais étant donné que cette élection n’est qu’une élection de liste - profondément différente d’une liste d’élection nationale ou régionale ou même départementale à la proportionnelle comme les européennes par exemple - ceux qui la composent ne peuvent se comptabiliser. C’est une palinodie de le faire. C’est comme MAM qui annonçant les résultats le soir du premier tour ne pouvant parler des municipales dit quand même pour le seul MoDem que c’est un parti sans ligne "idéologique" (c’est insensé, faux, méprisant et scandaleux de la part de ce ministre) et continue son petit jeu en indiquant le MoDem (toujours seul parti à être individualisé) à un peu plus de 3 % pour les cantonales. Elle ne cite nullement le score de là où se présentent les candidats, qui serait le seul valable, mais ramène les voix des candidats à tous les cantons encore en lice. Une belle nouvelle désinformation. L’Etat à son plus haut niveau veut tuer le MoDem. Il est certain que ce contexte de pensée unique, avec les médias complices, est un handicap sérieux, mais non définitif car les électeurs des cantons concernés, eux, voient autre chose.
Que reste-t-il de tout cela ? Beaucoup d’énergie dépensée, beaucoup d’espoir mis dans une éventuelle victoire, pas mal de déception. Et une défaite qui n’est ni absolue car de nombreuses villes ont échu au MoDem, un nombre certains de conseillers également ni rédhibitoire. En ce qui concerne Pau, Bayrou a pris un risque et tout à son honneur a refusé un accord national. Il paraît perdant - ce qu’il est pour la mairie - il ne l’est pas à moyen terme car restera non son échec - même si on se chargera bien de le lui rappeler - mais son courage et de ne pas s’être compromis nationalement. Ce qui sera prouvé et puis su dans l’avenir c’est le stratagème de Minimo contre Bayrou. Comme le révèle Le Monde d’abord il a choisi un candidat pour Pau (Yves Urieta) selon une cellule mise en place spécialement pour descendre le leader du MoDem ( Décidé à réduire celui qu’il [Bayrou] considérait alors comme son plus dangereux adversaire, il [Sarkozy] a dès l’automne 2007 mis sur pied un dispositif destiné à empêcher l’ancien candidat à la présidentielle d’accéder à la mairie de Pau. C’est dans son bureau de l’Elysée et en présence d’Alain Marleix, le "M. élections" de l’UMP, que s’est prise la décision de mettre les moyens du parti présidentiel au service du maire sortant (ex-PS, fabiusien), Yves Urieta, que le décès d’André Labarrère, en mai 2006, avait propulsé à la tête de l’hôtel de ville ). Ensuite il utilise à ses fins personnelles tout l’appareil de l’Etat pour venir soutenir le candidat consanguin, la petite main qui tient le couteau damasquiné.
Et enfin selon la bonne vieille technique du RPR il fait voter les militants UMP pour la candidate socialiste afin de le faire battre (Entre les deux tours, Le Monde a eu confirmation que le secrétaire départemental de l’UMP, Jean Goujy, et ses fidèles faisaient le nécessaire pour que quelques paquets de voix "uriétistes" se portent sur la candidate d’union de la gauche.). Ceci prouve que Bayrou pouvait gagner dans un combat singulier, mais non quand l’arbitre modifie en cours de route les règles du jeu : un vote sincère. Cela prouve la petitesse de notre président qui s’occupe des bases besognes au lieu de se préoccuper de la France et de ses administrés, n’accepte pas la démocratie et qui en bafoue chaque jour les règles : critique du Conseil constitutionnel avec tentative de détourner ses avis, mélange des genres entre l’exécutif et le législatif, mariage illégal car non public et bourrage d’urne par militants interposés, bourrage pour une socialiste par des affidés qui haïssent le socialisme... Cette bataille perdue par la tricherie démocratique est une médaille qui coûte chère, mais n’est-ce pas là la raison des médailles ? Cette médaille renforcera la vision que les militants, ceux qui vont bâtir le nouveau mouvement, ont de leur leader : celui qui ne cède pas devant les machines qui écrasent, celui qui au risque de perdre reste droit dans ses bottes, celui qui suit sa ligne de conduite. Certains le diront têtu, d’autres persévérant et digne. Il creuse son sillon. Le pire est passé. Il y avait un autre écueil dans cette élection, un écueil sociologique.
Les Français même si progressivement ils adhèrent de plus en plus intellectuellement à l’idée du Mouvement Démocrate d’un gouvernement ou d’une manière de gouverner différente, ne le traduise pas encore en vote. Il faudra plus de temps pour que ce cap soit franchi par une foule plus nombreuse. Si cela arrive. Car rien n’est certain, même si le pire n’est pas le plus sûr. En tout cas, le grand bazar qu’ont été ces élections est une preuve par l’absurde que les lignes bougent contre toutes les déclarations des leaders politiques et des experts. C’est le terrain lui-même par les multiples et innombrables combinaisons qui en est une preuve éclatante et que devraient retenir nos journalistes plutôt que de ne se focaliser que sur le flou supposé du MoDem. Cette défaite, qui est loin d’être une Bérézina pour le MoDem, est à l’image de la victoire de Pyrrhus, une défaite à la Pyrrhus : une défaite qui entraînerait une victoire à l’opposé d’une victoire si chère qu’elle en serait une défaite. Il me paraît que de cette élection le MoDem va sortir, dans un temps plus ou moins court, renforcé. S’il ne se désintègre pas, ce qui est somme toute possible, il va se trouver à l’avenir dans une situation beaucoup plus favorable :
1- Les futures élections sont à la proportionnelle. Plus besoin d’alliances. Plus d’image troublée notamment par les exagérations de l’UMPS renforcées par la presse qui ne contrebalance jamais par les désordres béants qui se passent tant au PS qu’à l’UMP ;
2- Les idées du MoDem vont pouvoir s’exprimer dégagées des obligatoires combinaisons ;
3- Un sondage à l’issue de ces municipales qui regardé d’un premier coup d’œil paraît négatif indique que seulement 31 % des Français ont considéré que la stratégie du MoDem correspondait à sa philosophie et était sincère (53 % des électeurs du MoDem) et 60 % que c’était une stratégie opportuniste. Si on analyse diversement ce sondage, on peut y voir deux choses. La première est que l’ambiance générale tant du côté de l’UMP que des journalistes et de dire que cette stratégie est floue et opportuniste. Ce qui fait que c’est une idée dominante. Le second point c’est que 31 % de l’ensemble des Français c’est bien plus que n’a fait Bayrou aux élections présidentielles et donc que c’est dans ce sens plutôt une excellente nouvelle même si c’est à modérer par le fait que seuls 53 % des électeurs de ce parti sont dans ce cas. Cela veut dire qu’il y a des électeurs UMP (18 %) qui considèrent le MoDem comme sincère. Idem du côté socialiste. On le voit ceci est un socle pour continuer ce chemin dans cet environnement subjectif extraordinairement hostile ;
4- Non seulement le PS ne fait pas sa mue, mais ses militants et ses sympathisants se tournent vers des alliances de la gauche, l’appareil n’est pas prêt à faire une révolution, mais en plus si jamais on dit que c’est le bazar au MoDem il suffit de regarder le nombre de postulants au PS pour se rendre compte qu’il vaut mieux un seul leader avec un seul programme. Qu’y a-t-il de commun entre Strauss-Khan qui garde un œil du haut de son fauteuil monétaire, Royal qui se sent pousser des ailes et qui prône une alliance avec le MoDem, Hollande qui refait surface, Fabius qui parle de plus en plus, Lang qui se croit éternellement un destin, Moscovici qui cache son ambition dans sa barbe naissante et Vals que l’on dit brillant etc. Beaucoup de monde non ? ;
5- A la suite de la défaite de la droite on se rend compte que l’union de façade se lézarde à l’UMP. Là aussi c’est un désordre grandissant, désordre que la presse relève bien moins que celui du MoDem. D’un côté, Fillon dit que ce n’est pas un avertissement et qu’il faut foncer, d’un autre Raffarin dit qu’il faut aller vers le centre, Balkani veut la peau de Devedjian, le député Tron, villepéniste, se lâche contre les sarkozyste en disant que leurs déclarations sont ahurissantes et aveuglées, Sarkozy lui-même ne sait plus où il habite : il devait y avoir un remaniement ministériel de faible envergure, mais en poursuivant l’ouverture. On constate que c’est plus d’UMP encore.
Et il faudra bien qu’un jour ce gouvernement rende des comptes concernant les deux points suivants :
a- confusion qui s’accentue entre le législatif et l’exécutif. Pourquoi ces ministres sont-ils candidats aux municipales ? Nous devions un jour imposer l’interdiction à tout ministre ou secrétaire d’Etat de se présenter à quelque élection que ce soit. Que veut dire un Estrosi qui quitte son poste de ministre ? Cela ne lui plaît pas ? Pourquoi a-t-il été ministre ? Qu’en est-il de la continuité de son travail ? Et, à l’inverse, pourquoi un ministre se présenterait-il ?
b- pendant quinze jours, les ministres qui étaient candidats aux législatives n’ont pas travaillé pour leur ministère. Non seulement ils n’ont pas fait leur boulot, mais en plus ils ont été payés par la République pour faire leur campagne. Pendant ces municipales cela a été pire ! Où était le gouvernement ? Et les 22 ministres en campagne ? Que sont devenues les réformes urgentes pendant trois semaines. Puis, entre les deux tours, les gagnants sont allés aider ceux qui repiquaient au jus. Et le premier d’entre eux qui a mouillé sa chemise. De quel droit a-t-il utilisé sa rémunération de Premier ministre ?
Sarkozy et Fillon nous avaient annoncé un gouvernement qui travaillerait à fond et résultat des courses ils sont en campagne. C’est assez inimaginable que pas un journaliste ne leur ait systématiquement fait la remarque ni même du reste l’opposition. A ce propos, l’argument du local était à mourir de rire car si on suivait l’argument de Fillon, que c’est un résultat local cela a pour directe conséquence de dire que tous les maires de droite qui ont perdu sont donc des mauvais maires qui ont mal géré, donc que l’UMP comporte un nombre élevé de nullités élues puis battues. Il reste en conclusion que ce second test encore plus difficile en matière d’organisation que le premier (les législatives) est sans aucune comparaison bien meilleur. Il y a un espoir raisonné d’un avenir plus souriant pour le MoDem et pour François Bayrou, même si cette traversée du désert va commencer à peser assez lourdement. Si la chute ne tue pas elle endurcit.
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Imhotep (l’un des 3 auteurs merdemistes du jour)
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