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Commentaire de aram

sur Esclavage, colonisation, immigration : la France confrontée à la face cachée de son histoire


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aram (---.---.163.8) 26 septembre 2006 00:12

L’article de Tao ne semble point être apprécié par une grande masse de lecteurs, dont on découvre ici les commentaires souvent acerbes et, n’ayons pas peur des mots, carrément racistes. Parce que l’auteur a eu le tort en effet de dévoiler sans barguigner sa véritable identité (Français d’origine africaine), on en est même arrivé à douter de ses capacités d’écrire dans sa langue adoptive. D’ailleurs, malgré ses qualités d’enseignant, d’éducateur et de surcroît son titre de docteur en philosophie, il s’est même trouvé quelques bornés et incultes ne lui reconnaissant aucune d’elles. Tao aura gagné tout cela par mépris, sans doute, pour sa couleur de peau. Autrement dit, c’est le racisme le plus primaire qui s’est ainsi exprimé.

Qu’a dit vraiment d’insane ou de révoltant, ce Franco-Africain, pour mériter qu’on lui jette tant d’opprobre aussi effrontément ? Rien pourtant qui ne tienne de la stricte vérité qui aveugle tant de Français. Tout simplement, en l’occurrence, il a estimé que les séquelles de la France coloniale d’hier sont encore vivaces aujourd’hui, et ajouté non sans raison que la droite française, désormais obnubilée par une xénophobie anti-africaine, n’accepte plus ce trop plein d’immigrés qui déteint en France. Il est vrai que le registre de l’insécurité ayant été, avec succès, exploité à fond lors de la dernière présidentielle, il fallait bien trouver autre chose cette fois-ci pour réussir la prochaine présidentielle. Et c’est le même Sarkozy, l’immigré de deuxième ou troisième génération de Hongrie, que l’on retrouve curieusement dans ces deux registres. Rien de plus.

Sur le chapitre de la colonisation, Tao, ayant sans doute eu l’esprit de l’escalier, a omis peut-être de mettre en exergue l’origine exacte de cette marée de migrants qui secoue l’Europe depuis quelques années déjà. Parce qu’en fait, et pour leur large majorité, ces derniers viennent toujours en vérité non pas des ex colonies britanniques, ibériques ou néerlandaises mais essentiellement des ex colonies françaises. Et là, se pose un double problème :

a) Pourquoi donc le problème se circonscrit-il principalement en France et non plus en Angleterre, ni en Hollande, ni dans la péninsule ibérique ?

b) Pourquoi ensuite ces derniers pays, en plus de l’Italie, réussissent-ils à intégrer des masses d’immigrés sans tralala, sans bruit, et surtout sans cette honteuse levée de boucliers arborée de façon récurrente et mesquine par la revancharde droite française ?

Il est manifestement illusoire de chercher l’explication ailleurs qu’à sa véritable source, autrement dit du côté colonial qui a marqué d’un côté comme de l’autre les populations dominées. Autant, constate-t-on aujourd’hui, les pays jadis placés sous le joug des autres empires européens montrent-ils chez eux plus de stabilité et de dispositions sérieuses à aller de l’avant pour combattre sérieusement le sous-développement et à préparer plus sûrement leur avenir, autant toutes les ex colonies et protectorats français souffrent-ils des problèmes à la fois d’instabilité et d’impréparation quasi complète à affronter l’avenir. Autrement dit, les premiers sont d’ores et déjà éligibles à la classe des pays émergeants et les autres condamnés à végéter dans leurs traditionnels embourbements dont les retombées commencent à inquiéter au premier rang la France elle-même, puis l’Espagne et tous les autres pays avancés d’Europe.

N’en déplaise à tous les thuriféraires de la colonisation, une aussi malheureuse situation n’est imputable hélas qu’aux seuls dirigeants français d’hier. Pour preuve, en sortant de ses colonies, la France a généralement laissé les peuples anciennement sous sujétion dans un état quasiment total d’analphabétisme : 592 bacheliers seulement ont été recensés au Maroc en 1954, selon Gilles Perrault ; à en croire les statistiques algériennes, par ailleurs, 85 % des élèves potentiels n’étaient pas scolarisés à la veille de l’indépendance de l’Algérie, malgré pourtant le gros effort consenti au cours des dernières années de guerre sur l’instigation de De Gaulle. Dans son ouvrage, Ferhat Abbas, ancien président du GPRA, ajoute à ce propos : « Nous étions, en 1956, une vingtaine de pharmaciens, 75 médecins, 400 instituteurs, 3 ingénieurs ». Ces seules informations ne sont-elles amplement suffisantes pour corroborer les allégations de Tao, mais aussi pour river leurs clous aux nostalgiques de l’Algérie française que la Loi controversée de février 2005 a sans doute grandement ragaillardis ? Ensuite, excepté un embryon d’administration obsolète, image tristement singulière du jacobinisme français, qu’y avait-il notamment en Afrique du Nord comme industries manufacturières susceptibles d’employer cette énorme quantité de bras qui, faute encore d’une planification démographique, se multiplierait au fil des années au point de déborder aujourd’hui sur l’autre rive de la Méditerranée ?

Les Français doivent avoir le courage et l’honnêteté de reconnaître, cinquante ans après la colonisation, que celle-ci a vécu au détriment bien sûr des seuls peuples colonisés. La liste serait bien trop longue à énumérer pour ne citer que les crimes et les dégâts commis par la soldatesque française lors seulement de chaque conquête d’un pays africain ou autre. Il s’en est produit des massacres gratuits d’hommes, de femmes et d’enfants, des enfumades, des pillages, des viols, des destructions de maisons, de vergers, de forêts, etc. Et le plus impayable encore, c’est dans la dense littérature française qu’il est donné à chacun de les lire par le menu, hors par conséquent de toute propagande adverse.

Je ne terminerai pas sans saluer Tao, l’auteur d’un aussi brillant article dont j’approuve l’ensemble des termes, y compris de la ponctuation.


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