M. Lyon,

j’ai un terrible aveu à vous faire : je ne vous aime pas.

Et pourtant j’ai essayé. Pendant des mois j’ai méticuleusement déplié puis lu tous vos commentaires. J’ai tenté de pénétrer votre pensée (je précise à ce qui me prendraient pour un inconscient, que j’avais pris les précautions élémentaires qui sont les mêmes que lorsqu’on s’offre une prestation tarifée avec une fille de joie).

Ce matin, alors que je m’astreignais religieusement à la besogne qu’est la lecture de votre prose, j’ai soudain été saisi d’une sorte de sensation étrange, il y avait quelque chose de changé.

J’ai relu plusieurs fois le commentaire, et je dus me rendre à l’évidence, le changement ne résidait pas ni dans le style, ni dans ce que certains ici osent qualifier de pensée.

Troublé par cette sensation qui malgré ces constations persistait à me tenailler, j’allumai une cigarette. Est-ce l’effet de la nicotine ? toujours est-il que l’évidence me sautait maintenant aux yeux :

Votre commentaire s’était paré d’un bleu fort seyant, qui s’accordait magnifiquement avec les yeux des jeunes et athlétiques défenseurs de la Liberté bottés et défilant en entonnant des hymnes à notre glorieux Occident, et qui peuplent, ne dites pas le contraire grand fou j’ai pénétré votre pensée, vos rêves les plus doux.

Vous étiez rédacteur.

Inutile de vous dire que je m’empressai de dénicher votre article qui, j’en étais convaincu, finirait de vaincre mes dernières préventions à votre égard.

Je l’ai lu.

Et décidément, je ne vous aime pas.

J’ai fouillé au plus profond de mon être afin de comprendre pourquoi.

Est-ce parce que je sui un ennemi de la Liberté que vous incarnez si brillament ?

Est-ce parce que mon obscurantisme est aveuglé par l’éclat de vos Lumières, O Glorieux Phare de l’Occident éternel et toujours vainqueur ?

Pour toutes ses raisons et quelques autres encore certainement.

J’aurais tellement aimé ne pas avoir à vous faire cet horrible aveu.